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Histoire & Sciences sociales -> Temps Présent |
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Histoire du temps présent de l’Eglise catholique | | | Giuseppe Alberigo Collectif Histoire du Concile Vatican II. 1959-1965 - Tome 5 - Concile de transition Cerf 2005 / 78 € - 510.9 ffr. / 815 pages ISBN : 2-204-07268-0 FORMAT : 15,5cm x 24,5cm
L'auteur du compte rendu : Nicolas Champ est agrégé d'histoire et allocataire-moniteur en histoire contemporaine à l'Université Michel de Montaigne Bordeaux 3. Imprimer
Avec ce volume, sachève la magistrale Histoire du concile Vatican II dont la publication avait commencé en langue française en 1997. Cette histoire du «temps présent» de lEglise catholique pouvait apparaître au prime abord comme une gageure du fait de linaccessibilité dune partie des archives utiles au sujet les papiers de Paul VI. Il nen demeure pas moins que les résultats ici exposés sont probants et dune extraordinaire richesse.
Il serait vain de tenter de présenter lensemble des conclusions obtenues. Lobjectif des auteurs était double : dune part, exposer les travaux de la quatrième session du concile pendant les derniers mois de 1965 et, dautre part, analyser des questions transversales à lensemble du concile comme le rôle de celui-ci dans le mouvement cuménique. Toutefois, la majeure partie de ce travail est consacrée à la quatrième session. Pendant celle-ci furent en effet approuvés les trois quarts des textes de Vatican II. Entre le 20 septembre et le 6 décembre 1965, furent opérés 47 % des scrutins des quatre années du concile. Cest dire limportance de cette session dans la production des grandes décisions conciliaires. Cest dire aussi lépuisement physique des participants à la fin du concile. La mécanique conciliaire est étudiée très minutieusement. Le lecteur se retrouve au cur du concile entre aula conciliaire et commissions
au risque de sy perdre. A ce titre, les pages très claires de P. Hünermann (pp.447-460) sur le fonctionnement des commissions auraient peut-être mérité darriver plus tôt dans la démonstration.
Retenons notamment les analyses précises des grands textes de Vatican II : la constitution pastorale Gaudium et Spes sur lEglise dans le monde de ce temps, la constitution Dei verbum sur la Révélation, le décret Ad gentes sur lactivité missionnaire de lEglise ou la déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse. Avant le commentaire, indispensable, du texte définitivement adopté, sont très attentivement décrites les transformations subies pendant lultime intersession et au cours de cette session par les schémas initiaux. Ceux-ci sont profondément bouleversés tant par les suggestions de lensemble des Pères conciliaires que par le travail de réécriture des commissions. Lintense travail de préparation des textes accompli dans les commissions est très soigneusement reconstitué. Lorsque la documentation était disponible, les auteurs insistent à juste titre sur les incessantes tractations accomplies au sein des commissions de telle sorte que ces documents puissent recueillir le plus grand nombre de placet lors de leur retour dans laula conciliaire, au risque daffaiblir la portée du texte initial. Cette division extrême des tâches entre commissions et sous-commissions aboutissant à «un travail en miettes» a dailleurs nui à lélaboration dune vue densemble cohérente sur les textes préparés et sur leurs rapports entre eux.
De même, si les auteurs soulignent bien la volonté daggiornamento perceptible dans Gaudium et Spes ou Dignitatis Humanae, ces textes qui se veulent des symboles forts de la réconciliation de lEglise catholique avec la modernité, cela ne les empêche pas de souligner à plusieurs reprises linsuffisante prise en compte des laïcs, comme cest le cas dans le décret Presbyterorum ordinis. Lintervention du pape dans le travail des commissions est également bien mise en exergue. Lenvoi tardif de modifications quil suggère lors de la rédaction de la plupart des grands textes en perturba passablement lélaboration, provoquant de vives tensions au sein des commissions : faut-il considérer les suggestions du pape comme celles de nimporte quel autre Père conciliaire ou estimer que celles-ci sont un ordre ? Ses interventions lors de la préparation de Dei Verbum et de lexamen en commission du schéma XIII, futur Gaudium et Spes, ont sensiblement changé la portée de ces textes.
Comme tout travail collectif, il est possible de retrouver dune contribution à lautre des questions déjà évoquées ou des citations analogues, toutefois ces répétitions ne nuisent nullement au propos et, au contraire, rajoutent plutôt de la clarté à celui-ci. Dans le commentaire des documents conciliaires, est aussi parfois perceptible le désappointement de lauteur face au caractère insuffisant de ces textes. Néanmoins, si lapport de cet ouvrage est extrêmement riche quant à la connaissance du fonctionnement effectif du concile et les modalités délaboration des textes conciliaires, si le caractère novateur du concile Vatican II par rapport aux précédents conciles est bien souligné par Giuseppe Alberigo dans le dernier chapitre, la mise en contexte du travail conciliaire dans lhistoire générale du XXe siècle est plus faible. Les auteurs se contentent trop souvent de formules générales sur la guerre froide, le rideau de fer, le premier homme dans lespace
pour présenter le monde au temps du concile, ce qui amène de singulières appréciations. Ainsi, à propos des dictatures militaires instaurées en Amérique latine dans les années 1960 : «Selon des observateurs autorisés, des milieux importants aux Etats-Unis auraient favorisé cette évolution politique» (p.681)
Mais, face à la qualité et à la solidité de ce travail, qui, à linstar des volumes précédents, est appelé à avoir un écho par-delà les cercles des spécialistes de lhistoire religieuse contemporaine, ce sont là de bien minces critiques de détail.
Nicolas Champ ( Mis en ligne le 05/01/2006 ) Imprimer | | |
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