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Le livre a-t-il un prix ?
 Collectif   Le Prix du livre, 1981-2006 - La loi Lang
Editions de l'IMEC 2006 /  20 € - 131 ffr. / 197 pages
ISBN : 2-908295-83-0
FORMAT : 17,0cm x 23,5cm
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Le livre a longtemps été un produit de luxe. Son coût est tel sous l’Ancien Régime qu’une bibliothèque de quelques centaines de titres est déjà exceptionnelle et la marque d’un statut social et intellectuel de haute volée. Ce n’est qu’au cours du XIXe siècle que la révolution du prix du livre se fait jour, quand quelques éditeurs décident de publier leurs ouvrages en économisant le papier, en réduisant les marges, en faisant des économies d’échelle. Ainsi naît le livre à 3 fr. 50, qui permet une diffusion plus large des textes de l’époque. Le XXe siècle voit apparaître des innovations qui favorisent encore la baisse du prix du livre : le livre de poche a récemment fêté ses cinquante ans. Le livre est ainsi moins cher de nos jours qu’il ne l’a jamais été : même en faisant abstraction des bibliothèques, (presque) tout le monde peut se permettre de s’acheter un livre. Pourtant, où que l’on achète ce dernier, on le paiera (à quelque chose près) le même prix. Cela n’a pas toujours été le cas : le prix unique du livre n’a que vingt-cinq ans. Mesure phare du candidat François Mitterrand lors de l’élection présidentielle de 1981, le prix unique a bouleversé le commerce du livre et présidé à une redistribution des cartes dans la librairie.

À l’occasion du quart de siècle de la fameuse loi, une journée d’étude a été organisée par l’IMEC et le Comité d’histoire du ministère de la Culture, dont les actes sont aujourd’hui publiés. Il ne s’agit cependant pas d’une réunion d’articles savants sur les origines, la promulgation et les conséquences de la loi : les personnes invitées ne sont pas des universitaires mais les acteurs de l’époque. On trouve ainsi en premier lieu Jack Lang, médiatique et charismatique ministre de la Culture, dont le nom reste attaché à la loi, ainsi que son rapporteur, Rodolphe Pesce. On a vu que la problématique du prix du livre est ancienne, mais c’est le Parti communiste français (avec La Bataille du livre de Spire et Viala) et Jérôme Lindon, directeur des Éditions de Minuit, qui relancent le débat et tentent à la fin des années 1970 de faire pression pour que le livre soit désormais pourvu d’un prix fixe. Il finit par convaincre Mitterrand, qui fait de ce projet la 100e proposition de son Programme commun de gouvernement. Cependant, le ministère des Finances n’est pas favorable à une telle loi, qui risque d’enchérir le livre alors que le candidat Mitterrand a promis de s’attaquer au douloureux problème de l’inflation (interventions de J.-P. de La Laurencie). Les éditeurs eux-mêmes ne sont alors pas tous convaincus du bien fondé de cette loi, comme le rappelle Christian Bourgois.

Rapidement, la résistance s’organise donc. Les centres Leclerc et la FNAC sont les adversaires les plus acharnés de la nouvelle loi, avec des méthodes différentes. Certains centres Leclerc n’hésitent pas à continuer à faire des remises illégales, souvent soutenus par leurs clients. André Essel, fondateur de la FNAC et son président en 1981, et Simone Mussard, directrice du livre à la FNAC, viennent ainsi rapporter leurs souvenirs. On ne peut que regretter l’absence d’un représentant des centres Leclerc : une note vient cependant expliciter leur position d’alors et d’aujourd’hui (pp.174-177). Aux côtés des nombreux fonctionnaires du ministère de la Culture, on se réjouit par ailleurs de la présence de Jean-Yves Mollier, professeur à l’université de Versailles-Saint-Quentin et spécialiste de l’histoire de l’édition au XXe siècle, qui vient remettre le débat en perspective et apporte des précisions particulièrement bienvenues.

Une fois la loi adoptée et votée, reste encore à la faire appliquer, ce qui n’est sans doute pas la partie la plus aisée. Certes, à partir de 1982, les libraires soutiennent à peu près unanimement le prix unique. Mais les difficultés économiques, la lenteur de la modernisation de la librairie française, les attaques incessantes des adversaires de la loi – pour des raisons économiques ou politiques – rendent la tâche ardue. La question de la remise en cause de la loi se pose avec plus d’acuité encore quand le PS perd le pouvoir à l’occasion des élections législatives de 1986, bien que J. Chirac fût partisan du prix unique avant même 1981. Finalement, le ministre de la Culture François Léotard décide de conserver la loi – peut-être parce qu’il a d’autres priorités – rappelant qu’elle avait été votée à l’unanimité de la Chambre cinq ans auparavant. Bien qu’elle ait eu des effets négatifs non prévus à l’origine, la loi Lang est ainsi demeurée une des grandes dispositions qui permettent aujourd’hui encore la survie de petits libraires et éditeurs. Non seulement, elle n’a pas été remise en cause depuis (la FNAC a même renoncé à accorder à ses clients les 5% de remise accordés par la loi) mais des lois semblables ont été adoptées dans d’autres pays.

Ces discussions sont accompagnées de deux très intéressantes introductions et une chronologie d’Yves Surel et d’Olivier Rozenberg, qui permettent de recontextualiser les débats et d’avoir une vision d’ensemble, objective, du problème. Emmanuel Pierrat, avocat spécialisé dans les questions culturelles et le droit d’auteur, vient apporter un éclairage sur les questions juridiques soulevées par la loi lors de son application, jusqu’à nos jours. Enfin, des documents d’archives – souvent tirés des archives personnelles de Jack Lang – sont reproduits en fac-simile.

Un étranger trouverait certainement surprenant qu’une mesure touchant à l’économie culturelle possède la même importance politique et symbolique que l’abolition de la peine de mort (à qui elle est souvent associée) mais ce sont ces décisions prises au plus haut niveau de l’État qui ont forgé l’«exception culturelle» française.


Rémi Mathis
( Mis en ligne le 16/02/2007 )
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