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Histoire & Sciences sociales -> Histoire Générale |
| Antoine-Marie Graziani Histoire de Gênes Fayard - Histoire des grandes villes 2009 / 27 € - 176.85 ffr. / 706 pages ISBN : 978-2-213-63153-0 FORMAT : 15cm x 23,5cm
L'auteur du compte-rendu : Hugues Marsat est agrégé d'histoire. Enseignant dans le secondaire, il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
A en croire les illustres auteurs cités sur les rabats de la couverture, Gênes naurait en définitive rien à rendre en charme à sa rivale Venise. Professeur des universités à lUniversité de Corse, ancienne possession génoise, Antoine-Marie Graziani a des accointances avec la cité italienne. Il était donc assez naturel quaprès une biographie de lamiral génois Andrea Doria (Tallandier, 2008) suive une histoire de Gênes. Néanmoins ce nest pas seulement pour rendre son dû à la cité tyrrhénienne et comparer les beautés, bien différentes au demeurant, des deux anciennes républiques marchandes, qua été écrite cette histoire, la seizième dans la collection des histoires urbaines des éditions Fayard.
Gênes a ceci de particulier quau cours de son histoire, la ville ne connaît pas un apogée et un déclin mais a su subir les événements de lhistoire et sy adapter, même après la période révolutionnaire française fatale à la Sérénissime, son ennemie. En fait, Gênes savère en perpétuelle évolution pendant le deuxième millénaire. Du premier, il semble bien quil ne reste que peu de traces, dautant que la cité noccupe pas une place de premier plan, coincée entre la mer et des montagnes peu fertiles. Il est significatif que lorigine de son nom pose problème. Très rapidement, le professeur Graziani en arrive donc aux IXeXe siècles qui voient dune part lautonomie de la ville sinstaller à la faveur de la reconstruction impériale ottonienne et sans avoir à affronter un pouvoir épiscopal trop envahissant le fait est suffisamment rare dans lEmpire pour être noté -, dautre part se construire les fondations de la puissance génoise pour le demi-millénaire suivant, à savoir son régime politique et sa puissance maritime.
Lun et lautre constituent les deux faces essentielles de lhistoire génoise. Cette dernière ne déroge pas, sur le premier point, à lhistoire des républiques urbaines et principauté italiennes : dune république consulaire, donc une direction collégiale, aux origines mal connues, Gênes passe sous la direction dun podestat élu par le peuple au début du XIIe siècle, puis dune dyarchie de deux «capitaines de la Commune et du Peuple», puis des doges supposés perpétuels et pour finir en 1528 des doges biennaux qui gouverneront la cité jusquà lirruption de la Révolution française en Ligurie.
Derrière ces évolutions se retrouvent les luttes entre les différentes factions génoises, entre noblesse et popolo, notion derrière laquelle il faut se garder de mettre la moindre connotation financière, entre familles aux noms inséparables de lhistoire de la ville : Grimaldi, Spinola, Doria
Ses rivalités intestines savent sappuyer sur les camps qui se disputent lItalie et inversement linfluence des puissances contribue à lagitation politique urbaine : lengagement du côté gibelin se traduit par ladoption du podestat au tournant des XIIe-XIIIe siècles, linstallation de la dyarchie ensuite
Laction dAndrea Doria au XVIe siècle apporte à la ville un peu plus de stabilité en même temps quelle lancre dans le camp espagnol contre la France et amorce lAncien Régime génois.
Autant dire quil faut toute lhabileté et la maîtrise dAntoine-Marie Graziani pour faire traverser à ses lecteurs les turbulences de la vie politique génoise occupant près de la moitié de louvrage. Il le fait sans oublier dévoquer la formation de lempire commercial qui sétend de la Méditerranée occidentale avec lépineux fleuron corse jusquaux comptoirs de la Mer noire. Le griffon a pris son vol et amené la prospérité qui fait de Gênes la rivale de Venise dans les relations entre Occident et Orient. Cette prospérité, lauteur noublie pas quelle se traduit en transformations urbaines à lévocation desquelles un plan fait cruellement défaut, alors que lappareil critique habituel existe en fin de volume, que des photographies égayent les derniers chapitres sur lhistoire contemporaine et que des reproductions ornent lintérieur des couvertures.
Louvrage nen est pas moins très sérieux et lauteur cite avec abondance les hypothèses et remarques de ses prédécesseurs. LHistoire de Gênes ne manque donc pas de détails, lépaisseur du volume et la densité du texte en attesteront et en font par ailleurs lun des plus complets de la collection. Même si la période contemporaine est traitée plus rapidement mais sans pour autant sacrifier aux exigences que lauteur sest imposées avec les périodes médiévale et moderne.
Il est vrai que «La chute sans bruit de lAncien Régime génois» (chapitre XIX) marque la fin de lindépendance et donc de la capacité des Génois à décider entièrement de leur destinée. Souvre une parenthèse de domination française dabord sous la forme dune République ligurienne, sur de la République française, en 1797, puis dune intégration pure et simple à lEmpire napoléonien en 1805. Le griffon nayant rien dun phénix, la République génoise ne renaît pas de ses cendres et Gênes est incorporée au royaume de Piémont, accomplissement dun vieux rêve de la maison de Savoie que la guerre et la conspiration de Vachero en 1628 ne lui avait pas permis dassouvir.
Lunion on pourrait dire lannexion a pourtant le mérite de faire de Gênes le port principal de la Lombardie et du Piémont, les régions les plus dynamiques de lItalie du XIXe siècle. Larrière-pays ne se limite plus au pauvre contado de lancienne république mais alimente une activité portuaire et industrielle prélude à lindustrialisation du littoral. A cause de cela et peut-être en raison de sa bourgeoisie héritière de loligarchie républicaine, la ville soutient activement le projet piémontais de lunité italienne, fondement de la cité moderne et du premier port dItalie, mais elle devient aussi un foyer de lutte sociale et ouvrière y compris durant la période fasciste.
Difficile alors pour lauteur de faire limpasse sur les évènements de la réunion du G8 en 2001, qui firent de Gênes une ville symbole de laltermondialisation. En concluant son Histoire de Gênes, Antoine-Marie Graziani souligne les transformations profondes qui animent Gênes au tournant dun nouveau millénaire. Il est vrai cependant que la ville est une vieille dame qui ne les compte plus.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 21/07/2009 ) Imprimer
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