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La mise en images des conflits
Jérôme Delaplanche   Axel Sanson   Peindre la guerre
Ed. Nicolas Chaudun 2009 /  35 € - 229.25 ffr. / 191 pages
ISBN : 978-2-350-39060-4
FORMAT : 23cm x 25cm

L'auteur du compte rendu : Claire Aslangul est maître de conférences en civilisation de l'Allemagne contemporaine à l'université Paris Sorbonne (Paris IV). Ses travaux portent sur l'histoire des mouvements artistiques, de la culture populaire et de l'image aux XIXe et XXe siècles.
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Sous l’influence d’un glissement de l’histoire vers l’histoire culturelle, le thème de la mise en images des conflits connaît depuis une bonne dizaine d’années un essor notable dans les publications. L’intérêt des chercheurs rencontre fréquemment celui du public, ainsi qu’en témoigne par exemple le succès de l’exposition online La Couleur des larmes, organisée par l’Historial de Péronne1. La majeure partie des travaux actuels se penche sur le 20e siècle, avec souvent une perspective interdisciplinaire ; le catalogue Voir ne pas voir la guerre (2001), l’ouvrage de Gervereau Montrer la guerre ? (2006) et d’importants projets de recherche (Signalons ici la préparation d’un grand colloque à Paris en octobre 2009 sur De la guerre dans l’art, de l’art dans la guerre. Artistes, œuvres et pratiques artistiques face aux guerres du 20e siècle) mettent ainsi l’accent sur les ruptures dans les codes visuels engendrées à la fois par les révolutions dans la conduite de la guerre, et par la concurrence des modes de représentation nouveaux (photographie, cinéma puis télévision). D’autres publications remarquées – les ouvrages de Robichon notamment – se concentrent plus spécifiquement sur l’art pictural de la période charnière 1871-1914.

Le titre de l’ouvrage de Sanson et Delaplanche, Peindre la guerre, laisserait quant à lui attendre un panorama beaucoup plus large. Pourtant, si l’on a ici affaire à un bel essai de synthèse, le lecteur ne doit pas s’attendre à voir considérée toute l’histoire de la peinture sur la guerre : les auteurs se concentrent sur les quatre siècles qui, de la Renaissance à la fin du 19e siècle, constituent l’âge d’or puis le tout début de la remise en cause d’un genre bien précis : la «peinture de bataille». Cela signifie que les ruptures et continuités avec la période médiévale en amont et la période contemporaine en aval ne sont pas mises en valeur et que seule la peinture officielle et académique est prise en compte : l’art plus «contestataire» d’un Goya par exemple, les gravures terrifiantes d’un Callot ou d’un Franck, qui auraient mis en lumière les différences notables dans le positionnement des artistes dès le 17e siècle, n’ont pas leur place. Si l’ouvrage magistral qui présenterait les diverses tendances (apologétique et critique) des productions picturales des origines jusqu’à aujourd’hui, en tenant compte des interférences et des contrastes entre les différents supports, reste donc encore à écrire, le livre de Sanson et Delaplanche ne manque cependant pas de qualités.

La présentation chronologique – la Renaissance et sa conquête de l’espace et du mouvement, l’âge classique et son amour de la forme, le 19e siècle et ses hésitations entre romantisme et vérisme – ainsi que le croisement permanent entre étude historique et étude formelle ont l’avantage de faire apparaître de manière claire les évolutions dans la manière dont le choc des armées a été représenté. La perspective internationale – avec d’intenses coups de projecteur sur l’Italie, les Pays-bas, l’Allemagne, la France – permet de comprendre les influences réciproques des modes de figuration d’un pays à l’autre.

Au-delà des périodes spécifiques et des particularités nationales surgit la problématique fondamentale d’une tension permanente entre exigence de beauté et souci de vérité. Les auteurs présentent avec précision les différentes réponses qui ont été apportées, au fil des quatre siècles considérés, au défi de la fixation dans le tableau immobile et silencieux des épisodes guerriers, à la nécessité de condenser sur un carré de toile une multiplicité de mouvements, de personnages, d’expressions. La question de la mise en forme esthétique du chaos et de l’horreur, qui sera au cœur des interrogations des artistes du 20e siècle, est, dans les images présentées ici, également centrale, mais aussi toujours résolue, quelles que soient les modalités de représentation : la guerre n’est pas encore indicible, pas encore irreprésentable ; on peut encore en mettre en avant les atours à grand renfort de couleurs et de mises en scène héroïques, et en taire largement les massacres. Une révolution du regard est pourtant en germe, avec le glissement, à la fin du 19e siècle, de la célébration de la gloire à une perspective plus «compatissante» chez certains peintres, qui s’accompagne de questionnements intenses et du début d’un refus d’esthétisation de la violence. Ces évolutions abordées dans la dernière partie du livre auraient sans doute mérité d’être replacées dans un contexte plus large et développées de manière plus approfondie.

Néanmoins : superbement illustré, servi par un style remarquable et une érudition certaine pour tout ce qui concerne le fait guerrier (les détails des batailles comme la composition des uniformes ou le maniement des armes), l’ouvrage peut dans l’ensemble être considéré comme une belle réussite. On n’en sera que plus étonné de constater l’absence d’une bibliographie qui aurait permis au lecteur d’aller plus loin – une limite d’autant plus dommageable que les notes de bas de pages, si elles fourmillent de détails historiques, ne citent jamais de références livresques…


Claire Aslangul
( Mis en ligne le 22/07/2009 )
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Ailleurs sur le web :
  • Exposition online La Couleur des larmes. Les peintres devant la Première Guerre mondiale
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