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Scène parisienne
Antoine de Baecque    Collectif   L'Odéon - Un théâtre dans l'Histoire
Gallimard 2010 /  29 € - 189.95 ffr. / 310 pages
ISBN : 978-2-07-013043-6
FORMAT : 20cm x 27cm

Préface d'Olivier Py
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Le 9 avril 1782, en présence de la reine Marie-Antoinette et de Monsieur, frère du roi, comte de Provence (le futur Louis XVIII), est inauguré, avec une représentation d’Iphigénie en Aulide de Racine, le Théâtre Français. Les parisiens découvrent ce monument d’inspiration palladienne, construit par Charles de Wailly. Lieu social très important dans la culture des Lumières, le théâtre doit être ouvert à tous. Le Théâtre Français répond à ce goût neuf du théâtre et à la volonté résumée par Quatremère de Quincy : «Le théâtre est un monument public qui doit faire point de vue». Les grandes villes françaises font, elles aussi, édifier leur salle : c’est le cas de Lyon qui a confié la réalisation de son théâtre à Jacques Soufflot ; Besançon a choisi Claude-Nicolas Ledoux ; l’opéra de Versailles est dû à Jacques Ange Gabriel, pour ne citer que ces trois exemples.

L’architecture du nouveau théâtre parisien a fait l’objet de débats : salle ronde, acoustique étudiée, parterre où les spectateurs sont assis ; ce «théâtre-temple» ambitieux, à la forme reprise de l’Antiquité, est au cœur d’un vaste projet immobilier qui concerne tout le quartier des jardins et du palais du Luxembourg en descendant vers la Seine. La troupe des Comédiens français, à la fois prestigieuse et rongée par ses divisions internes, s’installe dans cet espace à l’écart du quartier traditionnel des théâtres. Son plus grand succès à la veille de la Révolution - en dépit et grâce à l’interdiction royale - sera La Folle journée ou le mariage de Figaro de Beaumarchais : quatre heures de représentation, le 27 avril 1784, qui emportent l’enthousiasme du public. Le Théâtre Français est lancé ; il portera plusieurs noms durant les années révolutionnaires, pour finalement être désigné sous le nom de théâtre de l’Odéon.

Au cours de sa tumultueuse histoire, le théâtre de l’Odéon est en effet rebaptisé à plusieurs reprises : Théâtre de la Nation, Théâtre national des arts, Théâtre de sa Majesté l’Impératrice et Reine, Théâtre de l’Europe… ; il connaîtra deux incendies en 1799 et en 1818. Reconstruit, modernisé régulièrement, l’Odéon s’impose comme une des très grandes scènes parisiennes. Au XIXe siècle, il accueille un répertoire éclectique, drames romantiques et vaudevilles. C’est à l’Odéon que Victor Hugo fait jouer en 1828 sa première pièce Amy Robsart. Les années 1830 voient les grands moments des pièces et drames romantiques portés par des acteurs célèbres : Frédérik Lemaître, Marie Dorval, Mademoiselle Georg, interprètes de Dumas, Vigny, Hugo, Musset. Sarah Bernhardt y fait ses débuts en 1866, et y jouera à maintes reprises (en particulier Kean de Dumas, Ruy Blas de Hugo). C’est également à l’Odéon qu’en 1885 est montée L’Arlésienne de Daudet, musique de Bizet, opéra dont le succès immense et jamais démenti permit de renflouer à plusieurs reprises les caisses du théâtre.

Lieu de passions, d’enthousiasmes, de succès décriés, on joue à l’Odéon Le Mariage de Figaro, Ruy Blas, Le Chemineau de Richepin (totalement oublié aujourd’hui), Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, La Dame de chez Maxim de Feydeau, Tête d’or et Le Soulier de satin de Claudel, Les Paravents de Genet, La Trilogie de la Villégiature de Goldoni… liste non exhaustive des succès ou des moments forts, des scandales parfois, vécus à l’Odéon. On se souvient, dans un registre différent, de mai 68, lorsque le théâtre fut envahi par les étudiants contestataires, et fut le lieu d’un happening permanent un mois durant.

Théâtre assez exceptionnel, il fut le plus souvent dirigé par de grands hommes de théâtre : Antoine, Firmin Gémier, Copeau, Jean-Louis Barrault, Strehler, dont les choix furent souvent discutés, mais qui s’attachèrent tous à le faire vivre, à le moderniser, à renouveler sa décoration. Les directeurs ont eu parfois quelques soucis avec le pouvoir, comme en 1849, le directeur, Bocage, révoqué pour républicanisme, avant l’épisode resté célèbre de Jean-Louis Barrault en 1968 (E. loyer, «Les Nuits blanches de l’Odéon. 1968»). Les liens avec la Comédie française sont longtemps restés assez forts (Colette Godard, «L’Odéon entre Comédie française et scène d’Europe, 1969-1990»), avant que l’Odéon n’acquiert une totale indépendance. En 1964, il accueille une production internationale avec le théâtre des Nations, et en 1983 il est, six mois par an, théâtre de l’Europe sous la direction de Giorgio Strehler, alors directeur du Piccolo Teatro de Milan. En 1996, Georges Lavaudant installe place de l’Odéon une «cabane» en salle complémentaire. Entre 2002 et 2006, les travaux de réfection de la salle obligent à monter les spectacles aux Ateliers Berthier, qui sont désormais la seconde salle de l’Odéon, dont depuis décembre 2006 Olivier Py est le directeur. A ce titre, il est l’auteur de la préface de l’ouvrage et constate : «Ainsi l’Odéon force à l’humilité, avec ses dorures imposantes, ses statues ou l’immensité de ses ateliers isolés avec insolence au bord de Paris. Mais il condamne aussi, et c’est plus rare pour une institution, à l’ambition».

Ces quelques lignes ne peuvent résumer la très riche histoire de ce beau lieu, installé en bordure des jardins du Luxembourg ; on ne peut que saluer l’initiative d’Antoine de Baecque (maître d’œuvre et auteur de trois chapitres) qui a rassemblé autour de lui une belle équipe de collaborateurs (Colette Godard, Marie-Pierre Rootering, Karim Haouadeg, Pascale Goetschel, Emmanuelle Loyer) à l’érudition sûre et jamais ennuyeuse. Le choix est celui d’un parcours chronologique qui conduit le lecteur de 1782 à 2010. Des notes en fin de chapitre, des annexes érudites, chronologie, bibliographie, index, et surtout une très belle iconographie riche et variée (dessins, photographies, peintures…) qui a puisé aux ressources des archives de la Comédie française, du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France, et des Archives nationales et de la bibliothèque de la Société d’histoire du théâtre. Enfin les éditions Gallimard ont conçu une belle maquette, grand format, à la couverture souple qui s’ouvre bien, avec une typographie confortable, pour un excellent rapport qualité/prix.

Un ouvrage indispensable à lire pour qui aime le théâtre, et, au-delà, un moment de l’histoire parisienne, qui croise, coupe, recoupe, ''grande'' et ''petite'' histoire. On peut laisser la conclusion à Firmin Gémier (cité par Olivier Py, p.7) qui en fut le directeur de 1921 à 1930, voulut en faire un théâtre pour tous en baissant le prix des places, et modernisa le lieu et les mises en scène : «A la fois un théâtre national et un théâtre de quartier, un théâtre de répertoire classique et un théâtre d’essai, un théâtre traditionnel et un théâtre expérimental». Un pari ambitieux ! Mais souvent tenu au cours de ces deux siècles.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 15/03/2011 )
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