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''Grande galerie de l’assassinat''
François Angelier   Stéphane Bou    Collectif   Dictionnaire des assassins et des meurtriers
Calmann-Lévy 2012 /  27,50 € - 180.13 ffr. / 608 pages
ISBN : 978-2-7021-4306-3
FORMAT : 15,4 cm × 24,0 cm
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«Le criminel ne produit pas que des crimes (… Il) crée une sensation qui participe de la morale et du tragique, et ce faisant il fournit un «service» en remuant les sentiments moraux et esthétiques du public. Il ne produit pas que des traités de droit pénal, des codes pénaux et, partant, des législateurs de droit pénal : il produit aussi de l’art, des belles-lettres, voire des tragédies (…). Le criminel brise la monotonie et la sécurité quotidienne de la vie bourgeoise (…)».

C’est en ces termes que Karl Marx décrivait naguère, dans son Eloge du crime (1860), l’étonnante contribution des criminels à l’édifice social. Ainsi que l’expliquent François Angelier et Stéphane Bou dans leur insolite mais passionnant Dictionnaire des assassins, d’aucuns tiennent le crime pour l’horizon indépassable des sociétés humaines. Pour George Bataille, par exemple, «en tout homme existe un tueur possible». Pour Sigmund Freud, «nous sommes tous issus d’une longue lignée d’assassins». Ce qui impliquerait que derrière le visage de n’importe quel assassin se dissimulerait archéologiquement celui de Caïn.

Il faut reconnaître que, de prime abord, cette interprétation des mœurs humaines parait assez plausible, tant l’histoire de l’humanité a «un goût de sang», et ce qu’elle soit factuelle, mythique ou légendaire. Comme le rappellent les deux directeurs du Dictionnaire, le sang a par exemple été versé pêle-mêle par les régicides, par les assassins de vedettes, par les tueurs de leaders politiques et religieux, etc. Mais il a aussi été répandu, de façon bien plus anonyme, notamment lors des conflits militaires et des exécutions de sentences. Ainsi, «l’histoire a (décidément) du goût pour le sang, elle y trouve son fondement et son rythme, son pouls et ses cadences».

Certains, comme Thomas de Quincey, ont tenu les meurtres comme de véritables œuvres d’art. Son ouvrage sur le sujet ne s’appelait-il pas, éloquemment, De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts (1827) ? L’écrivain britannique y exhortait ses contemporains à se promener dans la «grande galerie de l’assassinat» et à y faire montre d’une «admiration extasiée». Pour ce faire, de Quincey se proposait de se faire le guide parmi ces sinistres tableaux. Il n’est pas le seul à éprouver cette fascination morbide pour les tueurs. Pour les auteurs de ce Dictionnaire, chaque meurtre obéit à une «dramaturgie» particulière. Chaque assassinat est une «composition».

L'ouvrage entreprend d’envisager le meurtre «au-delà du seul jugement esthétique tel que celui-ci pouvait être considéré au début du XIXe siècle par le satiriste anglais». Le meurtre est conçu comme un évènement, en tant que tel, qui s’inscrit dans «une configuration à élucider». Pour les auteurs, il convient donc d’élaborer une typologie selon les critères du droit pénal (homicides, meurtres, assassinats ; accidentels, volontaires ou non, prémédités). La nature du lien qui unit l’auteur du forfait à la victime doit également être prise en compte. Les assassinats peuvent, au surplus, être différenciés selon qu’ils sont intelligibles ou pas. A vrai dire, de l’aveu même des auteurs, les taxinomies sont infinies, tant la palette d’appréciations possibles est large.

Répondant à chaque fois à une «interrogation métaphysique», les notices du Dictionnaire des assassins et des meurtriers ont été rédigées par plusieurs dizaines d’auteurs d’une grande diversité, comprenant notamment des historiens, des philosophes, des romanciers, des critiques, des psychiatres, etc. Les portraits esquissés sont ceux des plus «grands» meurtriers : il est ainsi question d’assassins de renom comme l’officier SS imaginé par Jonathan Littel, Maximilian Aue, la normande Charlotte Corday qui tua Marat en pleine Révolution française, Dexter, Dracula, Jack l’éventreur, Judas, Néron, le personnage shakespearien Othello, le sinistre docteur Marcel Petiot, Gavrilo Princip, Raskolnikov, Romulus, et bien d’autres encore.

A propos de l’anti-héros de Crime et Châtiment, Jean-Louis Backès rappelle notamment qu’il s’agit d’un étudiant pauvre et sérieux, qui malgré tous ses efforts ne parvient pas à s’extirper de la misère. Il conçoit alors le plan de tuer une usurière, tenant tout le quartier sous ses griffes, afin de faire meilleur usage de son argent. Armé d’une hache, Raskolnikov tue la vieille dame ainsi que sa sœur, puis il s’enfuit dans la précipitation, oubliant de belles parts du magot. Finalement, travaillé par son crime, le «malheureux» se rendra et sera condamné à huit ans de bagne. Débarrassant l’humanité d’une vile usurière, explique l’auteur de la notice, Raskolnikov se considèrerait d’une certaine façon comme une sorte de «bienfaiteur», de «sauveur» à la Napoléon, c’est-à-dire comme un «être d’exception, un génie admirable, mais scélérat qui a fait brûler Moscou». Se ferait ici jour le caractère mégalomane de l’étudiant. Mais, d’un autre côté, en tuant une femme sans défense (i.e. la sœur de la vieille dame), le «malheureux» Raskolnikov s’apparenterait à un véritable «sadique à l’état pur, qui égorge des petits enfants, et qui rit». Jean-Louis Backès ajoute qu’il est par ailleurs possible, mais plus difficile, d’interpréter le comportement de Raskolnikov à la lumière de la psychanalyse et de l’idée de parricide, le père étant étrangement absent de l’œuvre de Dostoïevski.

C’est ainsi l’un des mérites de ce Dictionnaire de proposer d’intéressantes et novatrices interprétations des actes les plus odieux des «grands» assassins.


Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 13/11/2012 )
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