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Ce que le monde doit au sucre..
James Walvin   Histoire du sucre, histoire du monde
La Découverte 2020 /  22 € - 144.1 ffr. / 285 pages
ISBN : 978-2-348-04621-6
FORMAT : 15,4 cm × 24,1 cm

Philippe Pignarre (Traducteur)
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Le sucre est une drogue, peut-être l’une des plus anciennes, en ce qu’elle a inspiré le lexique du bonheur dans la plupart des sociétés antiques où l’image du miel est associée à celle du paradis… Et comme toute drogue, elle a inspiré une économie et des circuits de distribution criminels. Le crime en l’occurrence, c’est celui de la main d’œuvre servile, c’est le développement de l’esclavage dans les plantations de canne à sucre, c’est la traite, nécessaire pour faire fonctionner cette économie et apporter à l’occident ce sucre de canne dont il raffole depuis les Croisades, et qui l’engraisse depuis, sans alternative.

Professeur à l’université d’York et spécialiste de l’histoire de l’esclavage, James Walvin livre, dans cet ouvrage, une synthèse ample et érudite, qui brosse, en quelques centaines de pages, plusieurs siècles d’histoire mondialisée, autour d’un produit, en y intégrant des considérations économiques, politiques, sociales et culturelles. Une synthèse riche qui entraîne le lecteur des champs de canne à sucre du XVIIe aux problèmes de surpoids du XXIe siècle, en passant par une histoire du café sucré, du thé à l’anglaise, des bonbons et des sodas. Une histoire qui gagne l’Occident au retour de la première croisade, qui s’immisce dans les cuisines de l’aristocratie (ainsi que dans la pharmacopée) puis gagne lentement le reste de la société. Le sucre a de nombreux usages, depuis la décoration et la préparation de véritables décors de tables monumentaux, jusqu’à la cuisine, en passant par des usages médicaux, commerciaux (le sucre comme monnaie) ou encore pour la conservation. Apparu en Occident au XIIe siècle, le sucre de canne se répand lentement, gagne l’ensemble de la société au XVIe siècle, passant du statut de produit de luxe à celui de produit de consommation très courante, indispensable au moral des ménages. Mais pour cela, il faut produire, cultiver, récolter, raffiner : autant d’opérations couteuses en terres et en main d’œuvre. La découverte du nouveau monde règle donc en partie le problème, et l’esclavage trouve une nouvelle justification. Le sucre s’avère lucratif, mais il a un prix.

L’auteur observe donc cette industrie et ses divers aspects : l’économie de la traite, la mise en place des plantations et la logique de concentration, le rôle des raffineries, le rapport entre le sucre et l’économie coloniale (notamment dans le cas des Amériques), la naissance des géants du secteur, tel ce Sugar Trust américain dont l’évolution est comparable à celle des trust pétroliers ou sidérurgiques, plus médiatisés. L’ouvrage explore également les tensions et les crises mondiales au prisme de ce commerce, la question du sucre et de son approvisionnement devenant une question politique : ainsi, la révolution française, ou encore l’abolition de l’esclavage, viennent bouleverser la chaine de production antillaise, entraînant au passage la recherche d’un succédané, ce sera le sucre de betterave. De même, la guerre civile américaine voit la culture sucrière se déplacer vers Cuba, Porto Rico ou encore Hawaï, avec de lourdes conséquences pour la politique extérieure américaine. Les guerres mondiales sont d’autres occasions de conquérir des marchés, et observant la Seconde Guerre mondiale, l’auteur suit l’avancée parallèle des troupes américaines et du coca cola, vecteur efficace de l’américanisation. Face à ce qui ressemble à une emprise sans fin, James Walvin pose la question des moyens employés pour réduire la consommation, à commencer par la taxation des sodas… Pour constater que le combat contre le sucre, comparable à la lutte antitabac, se joue également sur le plan du marketing, avec l’invention des sodas «sans sucre», nouvel avatar d’un produit protéiforme. Peut-on échapper au bonheur sucré ?

Cet ouvrage très accessible s’avère passionnant, en ce qu'il éclaire l’histoire d’un composant devenu essentiel de notre gastronomie, composant dont on ne mesure pas forcément ni les dégâts, ni l’histoire tragique (et les dangers). Il interroge surtout le lecteur – sollicité également comme consommateur – au sujet de ses habitudes alimentaires. A cet égard, l’ouvrage est aussi militant, dénonçant une consommation aussi excessive que dangereuse pour les individus et les sociétés. Une lecture nécessaire donc, qui, à de nombreux niveaux, incite au changement.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 18/12/2020 )
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