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Histoire & Sciences sociales -> Histoire Générale |
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Les Français, peuple maritime ? | | | Alain Cabantous André Lespagnol Françoise Péron Collectif Les Français, la terre et la mer - XIIIe-XXe siècle Fayard 2005 / 32 € - 209.6 ffr. / 902 pages ISBN : 2-213-62414-3 FORMAT : 16x24 cm
L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat, agrégé d'histoire, est enseignant dans le secondaire. Il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
Que le porte-avion Charles de Gaulle, fleuron de la Marine nationale, participe aux premières commémorations de la bataille de Trafalgar (Ouest France, 28 juin 2005), voilà qui, tout en soulignant les paradoxes de la pratique commémorative, constitue à la fois une reconnaissance de lindéniable puissance maritime anglaise et un rappel dune certaine insuffisance française à exercer sa puissance sur les mers au fil dune histoire militaire qui ne manque pas de héros mais de victoires. En publiant lannée du bicentenaire de la dernière victoire de Nelson, Les Français, la terre et la mer aux éditions Fayard, quatorze historiens et géographes sous la direction dAlain Cabantous, André Lespagnol et Françoise Péron rappellent que les rapports à la mer dun peuple dont le territoire a des littoraux aussi longs que ses frontières terrestres, ne sauraient se limiter au politique sans pour autant faire de ce peuple une grande nation maritime.
Fruit dune recherche universitaire en plein essor depuis une vingtaine dannée, louvrage se défend dêtre le pendant maritime des Histoire de la France rurale, urbaine ou religieuse parues entre 1975 et 1988 dans la collection LUnivers historique. Dabord parce que linfluence réciproque entre lespace marin et les Français déborde largement le littoral, perçu comme une interface à partir de laquelle lair marin se répercute, pour envahir lensemble du territoire jusque dans les esprits, certes à des degrés divers selon les régions, les individus et les activités économiques. Cest «une histoire complexe et fuyante» qui ne connaît pas la délimitation géographique, pourtant pas forcément claire, de la France rurale ou de la France urbaine.
Bien que prenant pour point dancrage chronologique le XIIIe siècle qui marque le début dune réelle extension du domaine royal vers les périphéries littorales, donc un choix très politique, ce nest pas une Histoire de la France maritime parce que la périodisation cède quelque peu le pas à une approche plus sectorielle. Les Français, la terre et la mer ne constitue cependant pas une succession de synthèses, sur «LEtat et la mer», sur «les ressources de la mer» ou sur «le commerce maritime de la France», même si une nécessaire séparation, notamment entre les approches économiques et culturelles, peut en donner limpression. Le choix fait par Mme Péron, MM. Cabantous et Lespagnol, et leur équipe mêle chronologie et thématique, reflet incontournable des grandes mutations économiques qui rythment le cours de lHistoire. Ce qui aboutit généralement à une césure au tournant de lère industrielle, suivie dune deuxième à labord dune histoire plus immédiate, ou dune géographie plus économique cest selon, lorsque société de consommation et mondialisation de léconomie débouchent sur une littoralisation de léconomie.
Pour certains aspects, de tels découpages nôtent rien à la logique de leurs traitements. Ainsi le commerce maritime se partage dune part entre les chapitres V sur les flux et VI sur les infrastructures, pour la période allant jusquau XVIIIe siècle ; dautre part entre les chapitres XI, XII et XV pour les mutations économiques des XIXe et XXe siècles. Il en va sensiblement de même pour létude des représentations culturelles que les Français se font de la mer (chapitres IX et XVIII) ; la rupture est alors plus tardive, plus contemporaine, correspondant à lavènement des classes moyennes. Pour pratique et juste quil soit, ce découpage souffre quelques dérogeances, reflet de sa relative complexité. Ainsi le chapitre IV, «Les ressources de la mer : le sel et le poisson», introduit les ressources halieutiques envisagées jusquau seuil de lindustrialisation, mais épuise la question saline jusquau XXe siècle. Il appartient au chapitre XII de revenir sur la pêche, mais nest-ce pas alors prématuré de conclure le chapitre sur les ressources en en parlant comme de deux activités maritimes en grand danger ?
Sans se livrer à une énumération exhaustive et donc fastidieuse des chapitres, qui aurait eu néanmoins lintérêt de rendre à chacun des auteurs leurs travaux respectifs et leurs mérites indéniables, disons que Les Français, la terre et la mer sinscrit dans les trois directions de recherches principales quévoque le chapitre introductif parce que ce sont «les éléments démographiques, économiques et culturels qui définissent linterface des littoraux». Encore faut-il prendre en compte la dimension sociale, sous-tendue dans le démographique et léconomique : du rôle dacteur économique résulte une société littorale avec ses hiérarchies et ses métiers. Quant à la perspective politique, institutionnelle et militaire, elle sefface quelque peu, mais nest jamais omise. Elle ne cède pas à la tentation du récit, car létude des structures, sur le temps long, est ici privilégiée.
Il est dommage que la société médiévale se noie dans cette approche très socio-économique : Jacques Bottin, Gilbert Buti et André Lespagnol font peu de cas des racines médiévales des professions de la mer. Cest sans doute un reproche généralisable à lensemble de louvrage que ce manque de Moyen Age. Il nen est pas moins très sérieux. Un texte très dense, écrit à partir dune riche documentation dont rend compte la bibliographie consistante, recèle des analyses solides, appuyées sur des schémas ponctuels et un insert de peintures au milieu du livre.
Ces approches plurales se fondent en un ultime chapitre qui se veut prospectif. Outre quil dresse le tableau de loccupation des littoraux, manière de constater lévolution économique et culturelle des rapports des Français à la mer par son inscription dans lespace, il fait le constat de lappauvrissement des activités primaires. Cette marine na de noir que le discours général marqué par le pessimisme ambiant : le bilan est loin dêtre entièrement négatif, y compris pour la pêche. Il offre même des perspectives encore à développer avec les technologies de pointe. Au terme de cet ouvrage fondamental, si les Français ne sont assurément pas un peuple marin, ils semblent bien un peuple proche de ses littoraux.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 18/08/2005 ) Imprimer | | |
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