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Le Maréchal aux trois bâtons
Jean-Christophe Notin   Foch
Perrin 2008 /  25,50 € - 167.03 ffr. / 638 pages
ISBN : 978-2-262-02357-7
FORMAT : 15cm x 24cm

L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse, "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Strasbourg.
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Fils d’un fonctionnaire bonapartiste du Comminges qui l’a envoyé chez les jésuites, Ferdinand Foch (1851-1929) est-il le digne descendant d’une dynastie bourgeoise vouée au service de la France (qu’elle fut monarchique, révolutionnaire, impériale ou «louis-philipparde») ou plutôt une éminente illustration de la montée de ces «couches nouvelles» chères à Gambetta ? Selon leur parti-pris idéologique, historiens et thuriféraires du maréchal ont avancé des explications contradictoires. En tout cas, le jeune Foch aime sa patrie et il souscrit un engagement volontaire en janvier 1871, même s’il n’a pas le temps de rejoindre le front. Sorti de Polytechnique en 1873, il mène une belle carrière dans l’artillerie, sans aucune campagne outre-mer. Soldat sans bataille, c’est – avec Pétain - une exception parmi les «grands chefs» de la Première Guerre mondiale. Joffre, Gallieni, Mangin, Gouraud, Lyautey ont connu, eux, «le feu» dans leur jeunesse.

Nommé en 1895 professeur adjoint, puis titulaire l’année suivante, du cours d’histoire militaire, de stratégie et de tactique générale à l’école de Guerre, il s’inspire des principes qui ont fait le succès de la Prusse : économie des forces, concentration des efforts et liberté d’action. Devenu commandant de l’école en 1908 et l’un des maîtres à penser de toute une génération d’officiers, il continue à mettre l’accent sur la volonté au combat, tout en insistant sur l’indispensable souci de sûreté et sur la puissance du feu (mais son enseignement est souvent mal compris et caricaturé par ses élèves, portés à considérer toute velléité défensive au cours de la bataille comme un aveu d’échec). En revanche, il ne comprend pas encore à cette époque l’intérêt de l’aviation, qu’il considère comme un simple sport. Son règne s’achève sur un incident ; il semble en effet qu’il ait été écarté en raison de ses convictions catholiques non dissimulées – on lui reproche le côté «métaphysique» de ses cours - en un temps où la République ne cultivait l’éloge de la tolérance qu’en paroles. À partir de 1910 il joue un rôle essentiel dans la préparation de la coopération franco-britannique en cas de guerre ; il se rend également en Russie pour y renforcer l’alliance.

Appelé en août 1913 à la tête du prestigieux 20e corps à Nancy, cet homme issu d’une frontière devenue bien calme depuis que l’Espagne est entrée en déclin devient l’un des défenseurs de la Marche de l’Est. Placé à l’aile gauche de la 2e armée du général de Castelnau au moment de l’entrée en campagne, il participe à l’offensive en Lorraine annexée et il est sévèrement battu à Morhange le 20 août 1914. «De la théorie à la pratique», le titre bien choisi de l’un des chapitres de cette biographie illustre parfaitement la situation d’un Foch qui éprouve quelque difficulté à franchir ce pas. Le 29 août, le commandant en chef, Joffre, lui confie pourtant un détachement d’armée (transformé en 9e armée le 5 septembre), avec lequel Foch se distingue au cours de la bataille de la Marne, notamment dans les marais de Saint-Gond où il entre dans la légende. Le 4 octobre, en pleine Course à la mer, il est nommé à la tête du groupe du Nord, adjoint au général en chef pour coordonner les opérations avec les Belges et les Britanniques. Les Allemands sont finalement contenus en Flandre. En 1915, il participe aux offensives d’Artois des 9 mai et 25 septembre, mais c’est surtout à l’offensive de la Somme, déclenchée le 1er juillet 1916, qu’il attache son nom, plutôt à son désavantage. Sa tactique du «martèlement» ne donne en effet pas les résultats escomptés et le 22 décembre il tombe en disgrâce. Pour Jean-Christophe Notin, il s’agit là d’une illustration de la difficulté de maintenir «la fougue à l’épreuve de la durée».

L’échec du Chemin des Dames, dans lequel il ne porte aucune responsabilité, donne à Foch l’occasion de revenir sur le devant de la scène : le 16 mai 1917, il est nommé chef d’état-major général de l’armée, sous les ordres de Pétain. En octobre et en novembre, il contribue à restaurer la situation sur le front italien après le désastre de Caporetto. Lorsque, le 21 mars 1918, l’offensive allemande en Picardie impose la nécessité d’une meilleure entente entre les armées française et britannique, Foch – qui possède plus que tout autre l’expérience du maniement, toujours délicat, des états-majors étrangers - est désigné (le 26, à la conférence de Doullens) pour coordonner l’action des troupes de la Coalition sur le front occidental. Le 13 avril, il devient officiellement commandant en chef des armées alliées en France. Après une période de flottement au début de juin – au cours de laquelle il ne doit son salut qu’à l’appui inconditionnel de Clemenceau -, il installe son autorité, renforcée par son élévation au maréchalat le 6 août après la seconde victoire de la Marne. À la date du 11 novembre, il est à la tête de la plus gigantesque alliance militaire que l’histoire ait connue jusque-là. Son entrée à Strasbourg et à Metz apparaît alors comme une sorte d’apothéose. Les souvenirs de son collège Saint-Clément de Metz abandonnés aux Prussiens, qu’il a vécus adolescents, sont désormais transfigurés par l’accueil délirant des populations alsaciennes et lorraines. «Le plébiscite est fait», s’exclame à ses côtés Poincaré.

Cependant, bien qu’il négocie en personne les conditions de l’armistice et qu’il jouisse d’un extraordinaire prestige après la guerre, Foch ne réussit pas à imposer ses vues au moment des négociations en vue du traité de paix. Son projet de fixation de la frontière allemande sur la rive droite du Rhin – «le Rhin ou rien !» - est repoussé, illustration des difficultés qu’éprouve tout militaire à capitaliser une victoire. Personnalité emblématique de la droite nationaliste et catholique, il refuse pourtant de se lancer dans une carrière politique et renonce, malgré de multiples sollicitations, à briguer la succession de Poincaré en 1920. Élu à l’Académie française, il occupe ses dernières années à des voyages (notamment aux États-Unis), préside de très nombreuses cérémonies patriotiques et ne cesse de mettre en garde ses contemporains contre la renaissance du militarisme allemand. Maréchal de France, de Grande-Bretagne et de Pologne, cas unique dans l’Histoire, il est inhumé aux Invalides à côté de Napoléon après des obsèques dignes d’un roi. Près de Morlaix où il possède une maison et dans ses Pyrénées natales, il est longtemps l’objet d’une sorte de culte civico-religieux.

Très fouillée, l’étude de Jean-Christophe Notin repose sur de nombreuses archives françaises, celles du Service historique de la Défense, des Archives nationales, de la Bibliothèque nationale de France, mais aussi étrangères (britanniques, belges, russes, américaines – manquent tout de même les allemandes). Elle a aussi puisé dans des sources privées inédites, dont la liste est tout simplement celle du ban et de l’arrière ban des officiers généraux et supérieurs français de 1914-1918 : Alby, Barescut, Eydoux, Galbert, Langle de Cary, Maud’huy, Pellé, Zeller. Jean-Christophe Notin a contacté les familles de ces personnages – et bien sûr aussi, celle de Foch -, ce qui contribue à humaniser son récit, à laisser percer, comme il est de coutume de le dire, «l’homme sous l’uniforme». La riche bibliographie aurait cependant gagné à être divisée en ouvrages sources (les Mémoires des contemporains par exemple) et travaux des historiens. En tout cas l’ouvrage est pleinement scientifique, agrémenté de nombreuses notes. Agréable à lire, il fait le tour des connaissances actuelles sur un personnage qui ne fut pas seulement un militaire, mais aussi un diplomate, un meneur de Coalition – art ô combien difficile.

Car la Grande alliance de 1918 préfigure celle de 1944-1945 et nous apparaît comme le reflet des derniers feux d’une «France puissance mondiale» qui vit déjà, sans le savoir, au dessus de ses moyens. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, après l’affront de 1940, ce sont les Américains qui donnent les ordres et les Français qui obéissent ; les rôles sont inversés.


Jean-Noël Grandhomme
( Mis en ligne le 09/06/2009 )
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