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Histoire & Sciences sociales  ->  Biographie  
 

Catholique avant tout
Marguerite Castillon du Perron   Montalembert et l'Europe de son temps
François-Xavier de Guibert 2009 /  34 € - 222.7 ffr. / 666 pages
ISBN : 978-2-7554-0350-3
FORMAT : 15cm x 23,4cm

L'auteur du compte rendu : Agrégé, Pierre Triomphe vient de soutenir une thèse sur «Les mises en scène du passé au Palais-Bourbon (1815-1848). Aux origines d’une mémoire nationale». Il a publié L’Europe de François Guizot (Privat, 2002).
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Comme nous le rappelle le titre Montalembert et l’Europe de son temps, la vie du célèbre apôtre du catholicisme libéral, comme celle de maints aristocrates de son temps, a une dimension continentale, ne serait-ce que pour des raisons familiales. Né Outre-Manche en 1810 d’une mère anglaise, sa femme est belge et il entretient de multiples liens avec sa belle-famille, elle aussi activement engagée dans la vie politique du petit royaume fondé en 1830. Ceci dit, l’ouvrage ne propose pas de réflexion suivie sur l’Europe de cette époque. Il s’agit d’une biographie classique, qui suit un plan chronologique. L’auteure s’appuie principalement sur les multiples sources laissées par Montalembert lui-même : son abondante correspondance et surtout son journal, récemment publié, qu’il tient fidèlement de son adolescence à sa mort.

L’ouvrage retrace minutieusement le parcours d’un homme qui fait une entrée fracassante dans la vie publique à l’âge de 20 ans, en 1830, et reste l’un des acteurs majeurs de l’actualité politique et religieuse française, voire européenne et mondiale, jusqu’à sa mort en 1870. Parlementaire aux talents oratoires reconnus, il est membre de la Chambre des Pairs de 1831 à 1848, avant de siéger au Palais-Bourbon jusqu’en 1857. Par ailleurs, ses activités sont foisonnantes : journaliste, pamphlétaire, animateur du «parti catholique» ou du catholicisme libéral. Il cherche par tous les moyens à concilier l'Église et la société moderne, c'est-à-dire «Dieu et la liberté» selon la célèbre épigraphe du journal L’Avenir qu’il anime avec Lacordaire et surtout Lamennais au début de la Monarchie de Juillet. Il en espère une réconciliation entre les deux France, celles d’avant et d’après 1789, autour d’un régime politique idéal qui ressemble fortement à la monarchie parlementaire et aristocratique britannique.

Fortement impliqué dans les débats idéologiques de son temps, Montalembert ne parvient cependant pas à exercer personnellement le pouvoir, au contraire d’un Thiers ou d’un Guizot. Tout au long de sa vie ou presque, il pâtit en effet d’une double marginalité. Au sein du monde catholique, les partisans de la papauté, de plus en plus majoritaires, ont beau apprécier son activisme et son talent dans certains combats, ils restent fondamentalement hostiles aux idées de tolérance et de liberté proclamées par ce laïc, ce dont témoignent les condamnations de Grégoire XVI en 1832, puis celles de Pie IX, et notamment le fameux syllabus qui refuse la réconciliation avec «le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne». Montalembert a beau, après s’être soumis, reprendre par la suite le combat sous d’autres formes, ces compromis lui font perdre à chaque fois une partie notable de ses appuis, et les ruptures jalonnent sa route, que ce soit avec Lamennais en 1834, avec Lacordaire en 1848…

De même, Montalembert a presque toujours été un opposant au sein de la classe politique française, aussi bien sous la Monarchie de Juillet que sous le Second Empire. Il n’y a que sous la Seconde République qu’il est associé au pouvoir et se montre fort peu libéral. Sa peur de l’anarchie révolutionnaire en fait l’un des piliers du Parti de l’Ordre et l’un des ardents promoteurs de la loi Falloux libéralisant l’enseignement secondaire confessionnel, de l’expédition de Rome rétablissant l’absolutisme papal dans les États pontificaux ou de la loi mutilant le suffrage universel le 31 mai 1850, qu’il qualifie lui-même d’expédition de Rome de l’intérieur. Mais même durant cette période qui constitue en quelque sorte le couronnement de sa vie politique, il reste à l’écart des maroquins ministériels, et n’est qu’un homme influent parmi d’autres au sein du Parti de l’Ordre.

Quoi qu’il en soit, sa vie et son action offrent un éclairage original sur les évolutions idéologiques du XIXe siècle, et amènent en bien des circonstances à repenser certains lieux communs, comme l’opposition entre les deux France. Il est dommage que cette biographie ne permette cependant pas de pousser davantage la réflexion. L’auteure, qui a déjà consacré plusieurs ouvrages au XIXe siècle, fait preuve d’une connaissance solide de cette période, en dépit des inévitables coquilles qu’on retrouve ici ou là. Elle est cependant datée, ainsi que le manifeste sa bibliographie qui ignore nombre d’ouvrages récents parus sur le sujet. Cela l’amène parfois à des jugements contestables, reflétant le plus souvent les jugements à chaud de Montalembert sur sa propre action. Ainsi, elle exagère sans doute le succès des célèbres discours de Montalembert sur Rome et surtout sur la Suisse, en janvier 1848, alors que ces États connaissent les premières secousses qui annoncent le printemps des peuples. L’auteure aurait également pu tirer parti du renouveau des études sur la foi au XIXe siècle (Gérard Cholvy), sur l’éloquence parlementaire, sur les structures partisanes (Robert Alexander), sur le voyage (Sylvain Venayre), des apports de la politologie et de la sociologie des réseaux, essentiels pour cet homme dont l’action doit tenir compte des rapports de force politiques hexagonaux, de l’état d’esprit de la curie romaine, voire de celle de tel ou tel autre pays, comme lorsqu’il s’investit en faveur des catholiques de Pologne, de Belgique ou d’Irlande. Sur un exemple ponctuel, les discours de Montalembert du début de l’année 1848, un article de Sylvain Milbach, («Les catholiques libéraux en révolution avant l’heure. Fin 1847 : Suisse, Italie, France», Revue d’histoire du XIXe siècle, 2004) nous fournit ainsi une analyse à beaucoup d’égards plus enrichissante de l’action de Montalembert.

Ceci dit, cette biographie de plus de 600 pages est plutôt agréable à lire. Elle permet de découvrir ou de mieux connaître un des acteurs majeurs de la vie politique et religieuse française, dont la mort devance de quelques mois les échecs majeurs et simultanés de ses idéaux politiques et religieux. Alors que la République est proclamée en France le 4 septembre 1870, à Rome, la proclamation du dogme de l’infaillibilité pontificale semble sonner le glas du catholicisme libéral.


Pierre Triomphe
( Mis en ligne le 16/03/2010 )
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