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Histoire & Sciences sociales -> Biographie |
| Bernadette & Bernard Chovelon Bruckberger, l'enfant terrible Cerf - L'Histoire à vif 2011 / 20 € - 131 ffr. / 284 pages ISBN : 978-2-204-09240-1 FORMAT : 13,7cm x 21,5cm Imprimer
Bernard et Bernadette Chovelon viennent décrire Bruckberger. Lenfant terrible, paru aux éditions du Cerf. Comme lindique léditeur dès les premières pages de cet intéressant ouvrage, les auteurs ont entendu offrir à un très large public une approche plutôt bienveillante du père Bruckberger, «cette personnalité étonnante, admirée et fortement critiquée». La tâche nétait pas aisée, loin sen faut. Si les auteurs «nont pas voulu faire uvre dhistorien», Bernard et Bernadette Chovelon ont néanmoins traité la trajectoire hors du commun de Bruckberger. Et ce «dans ses étapes et côtés moins connus».
Assurément, la figure de Raymond Léopold Bruckberger est originale et truculente. Il fut en effet un «enfant terrible», comme les auteurs de louvrage lindiquent demblée. Bernard et Bernadette Chovelon précisent en sus quils ont fait montre de libéralisme sagissant des paradoxes et des errements du religieux dans sa conduite privée et dans ses rapports avec ses supérieurs. La provocation était partie intégrante du père Bruckberger, dont la vie a toutefois été «dominée (
) [par] son amour inconditionnel pour Jésus Christ, un amour quil na jamais oublié dans les pires épreuves, un amour qui lui a donné en abondance une joie communicative et généreuse jusquà son dernier jour, un amour qui a traversé les nombreuses et violentes tempêtes de sa vie sans jamais faiblir».
Le prêtre dominicain est issu dun milieu social défavorisé. Son père Franck était autrichien et eut cinq enfants dont la jeunesse a été à tout le moins difficile. Pis, lenfance de Bruckberger fut douloureuse. En 1914, lorsque la Grande Guerre éclate, les injures haineuses fusent dans la cour décole de Murat. Le jeune Raymond Léopold Bruckberger est à cette époque traité de «boche» et d«ennemi». En raison de ses origines autrichiennes et de son refus de prendre la nationalité française, son père fut considéré comme espion et connut lemprisonnement. Il réussit toutefois à sévader. Il en profita pour rejoindre lAutriche et sy installer définitivement. Par la suite, il ne soccupa guère de sa famille restée en France. Celle-ci sombra dans la misère. Les biens familiaux furent par exemple mis sous séquestre. Ce qui conduisit la famille Bruckberger à vivre de la charité.
Léopold étudia au collège Saint Eugène à Aurillac, ce qui fut pour lui une véritable bouée de sauvetage. Ensuite, il entra dans lordre des dominicains, dont la devise est «contempler et transmettre aux autres ce que lon a contemplé». Il fera sien ce mot dordre. «Cette mission, écrivent les auteurs, a empli toute son existence sous des formes diverses : prière, liturgie, lectio divina, prédication, étude, cinéma, rencontres, écriture de nombreux livres». Lordre des dominicains lui demanda daccueillir les visiteurs au couvent et de diriger la revue thomiste de lordre, consacrée comme son nom lindique à Saint Thomas dAquin. Il fera la connaissance des époux Maritain et de Georges Bernanos de retour dEspagne, lequel lui fera prendre conscience des horreurs du franquisme.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, Bruckberger sengage dans les corps francs et lutte contre les Allemands. Il fait notamment la connaissance de Darnand. Blessé, puis fait prisonnier, il parviendra à séchapper. Il fera la connaissance de Gaston Gallimard, quil conseillera. Gaston Gallimard ne fuira pas et acceptera que Drieu La Rochelle soit nommé directeur de la NRF à la demande des Allemands. Bruckberger essaya par ailleurs de dissuader Darnand de collaborer avec lennemi. Finalement, le prélat sera arrêté par la Gestapo, puis à nouveau emprisonné et libéré. Il sengage alors dans la Résistance et fait la connaissance dAlbert Camus. Il gagne Paris pour sa libération et se rend à la messe célébrée à Notre Dame de Paris. A cette occasion, il obtiendra que ne soit pas présent le cardinal Suhard, qui sétait compromis avec loccupant nazi. A la Libération, il tentera de sauver de la peine de mort des collaborateurs comme Darnand.
Il fréquenta également les milieux du cinéma et de la littérature, ce qui lui vaudra des problèmes avec lordre des dominicains. Ami de Robert Bresson, il tourne avec lui Les Anges du pêché, dont il avait écrit le scénario. Ce fut un véritable succès. Alors quil se mit en ménage avec une femme, il contesta le concile Vatican II et prit des positions allant dans le sens des intégristes.
Bref, un personnage haut en couleurs.
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 05/07/2011 ) Imprimer | | |
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