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Du siècle des Saints au siècle des Lumières | | | Alexandre Maral Les Derniers jours de Louis XIV Perrin - Pour l'Histoire 2014 / 22,50 € - 147.38 ffr. / 308 pages ISBN : 978-2-262-04335-3 FORMAT : 14,0 cm × 20,9 cm
L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est responsable des collections de monnaies et médailles du musée Carnavalet après avoir été adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié, entre autres titres, Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Louis XIV. Homme et roi (Tallandier, 2012), Fontainebleau. Mille ans d'histoire de France (Tallandier, 2013). Imprimer
De livre en livre consacré au Grand Siècle, Alexandre Maral met en uvre la méthode historique quil affectionne : le retour aux sources. Mettant de côté les mémorialistes trop célèbres ou trop fantaisistes au premier chef, le duc de Saint-Simon , il sappuie le plus souvent possible sur des sources manuscrites ou sur des sources imprimées dapparence austère et ne retient pour sûr que ce quaffirment des sources concordantes.
Cette «méthode Maral» de saine critique a des résultats souvent décapants. On la vu avec son premier essai en matière dhistoire politique, une biographie de Mme de Maintenon, À lombre du Roi-Soleil, parue en 2011. On la vu une nouvelle fois avec son livre sur la religion de Louis XIV, Le Roi-Soleil et Dieu, publié en 2012. On retrouve les résultats fructueux de cette pratique dans ces Derniers jours de Louis XIV.
Quand la plupart des biographes du Grand Roi se satisfont du magnifique récit que développent les Mémoires de Saint-Simon, Alexandre Maral confronte le Journal de Dangeau, ceux dautres contemporains, les témoignages des diplomates, le récit des frères Anthoine et des relations anonymes demeurées méconnues. Plutôt que de rechercher lanecdote ou le mot historique, lauteur se livre à une enquête de micro-histoire, au plus près de lévénement. Il ne sagit plus de faire prendre la pose au monarque ou, au contraire, de dépeindre ses dernières heures sous un jour satirique, mais de montrer comment un souverain de lâge baroque «vit sa mort». Le propos sordonne autour de létude des «dernières fois» : dernier Carême, dernier Marly, dernière promenade, dernier Conseil, dernière messe, dernières prières, etc.
En ressort limportance fondamentale des rites curiaux ou proprement religieux. Le rite curial nest pas une manifestation extérieure de lÉtat, il en est le rouage même. De même, la religion de Louis XIV est profondément ritualiste ; le rite en est ressenti comme lossature, à lopposé des tendances de lhérésie quiétiste que le roi-soleil a combattu
ou de celles de notre christianisme contemporain. Subordonnés au rite, les derniers jours de Louis XIV suivent un cours majestueux, à limage de la vie du roi dont ils constituent en quelque sorte le couronnement ou lapothéose.
Les Derniers jours de Louis XIV nous introduisent ainsi à un univers mental radicalement différent du nôtre, un univers où une longue agonie nest pas ressentie comme un drame mais comme un bienfait, où la démonstration extérieure compte autant que le sentiment intérieur, où la foi se nourrit moins deffusion que du respect scrupuleux de la règle. Fénelon venait de dénoncer cette religion que Louis avait héritée dAnne dAutriche «Dieu se contentera-t-il dune dévotion qui consiste à dorer une chapelle, à dire un chapelet, à écouter une musique, à se scandaliser facilement et à chasser quelque janséniste ?» et en ce sens la mort de Louis XIV, en 1715, appartient à un passé depuis longtemps révolu, à ce siècle des Saints qui sefface peu à peu devant le siècle des Lumières.
Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 11/11/2014 ) Imprimer | | |