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Histoire & Sciences sociales  ->  Biographie  
 

Monumental
Benoît Rossignol   Marc-Aurèle
Perrin - Biographie 2020 /  29 € - 189.95 ffr. / 715 pages
ISBN : 978-2-262-03745-1
FORMAT : 15,5 cm × 24,0 cm
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Il y a des personnages historiques qui appellent la fresque, le monumental, du souffle et du grandiose. Empereur romain et empereur philosophe, empereur modèle et incarnation d’une certaine conception de la souveraineté éclairée par le stoïcisme, Marc Aurèle est une figure majeure qui méritait une grande biographie… C’est chose faite avec cet ouvrage particulièrement réussi de Benoît Rossignol, une biographie qui traite non seulement du personnage, mais qui sait replacer ce personnage au cœur de son époque et de son histoire, une fresque où le souci du détail ne nuit pas à l’ampleur du tableau.

Maître de conférences en histoire ancienne à la Sorbonne, Benoît Rossignol est en prise avec la recherche comme avec ses archives, et mobilise pour ce beau volume une masse importante de textes et de données. A cet égard, on dispose là d’une biographie qui fait date dans la connaissance du personnage comme de son temps. Charme supplémentaire, le style est agréable, la lecture aisée, et l’auteur sait entraîner son lecteur dans une histoire qui ne verse ni dans l’érudition trop pointilliste, ni dans l’abstraction : c’est une vie, et quelle vie, bien évoquée, dans sa complexité.

Car la vie de Marc Aurèle, qui commence en 121, débute sous des auspices favorables, dans un empire agité. Une famille à l’ascension sociale solide et prometteuse, une parentèle qui se hisse jusqu’à l’empereur Hadrien, une éducation soignée éclairée par la philosophie du Portique… au risque de transformer ce jeune homme prometteur en philosophe, tant la vie philosophique conjugue alors la réflexion et l’attitude. Repéré par l’empereur, qui cherche désespérément un héritier à sa mesure tout en luttant contre la maladie, Marc Aurèle est placé très tôt dans la situation, dangereuse, de futur empereur, se trouvant ainsi désigné à la vindicte de ses rivaux. Il fait en tous les cas ses classes sous Hadrien, puis sous son successeur Antonin le Pieux, et accède finalement au pouvoir en 161, après deux règnes majeurs.

Conscient, car bien formé, que le métier d’empereur n’est pas des plus simples, il associe son frère adoptif, Lucius Verus, au pouvoir, le proclamant Auguste. Ce règne à partie double s’interrompt toutefois dès 169, avec la mort de Verus, laissant Marc Aurèle seul à affronter les menaces… et elles sont nombreuses. Car son règne, même éclairé par la lumière de la philosophie, s’avère difficile, scandé par les guerres aux frontières de l’empire (notamment dans les territoires germaniques), les épidémies (la «grande pestilence» qui fit fuir Galien), la guerre civile au prétexte de la rébellion d’Avidius Cassius, la mort de son épouse Faustine, et bien d’autres difficultés. La colonne Aurélienne, quoique moins réputée que celle de Trajan, préserve la mémoire de ce règne guerrier. Le temps des lettres philosophiques et des «Ecrits pour lui-même» est un temps compté, et même contraint, dans un fracas d’armes.

C’est pourtant par sa plume que Marc Aurèle entre dans l’Histoire. Posant la question du mythe, l’auteur s’interroge finalement sur la postérité de l’empereur philosophe, dont l’art de gouverner frôlerait, aux dires des humanistes qui l’exhumèrent, presque celui d’un prince chrétien, nonobstant la religion. C’est en effet l’humanisme qui redécouvrit Marc Aurèle, dont les Pensées pour moi-même, oubliées en Occident, avaient survécu à Byzance avant de revenir au XVIe siècle en Europe, et de servir d’ailleurs (non sans manipulation) à l’éducation d’un Charles Quint. C’est le moment où la statue équestre de Marc Aurèle parvient au Capitole, comme confirmation de cette réputation renouvelée de «bon prince»... peut-être aussi en contraste avec son héritier et successeur, Commode, illustration facile de la figure du mauvais prince.

Que demande-t-on à une bonne biographie ? De nous restituer une vie et une époque ? De rendre intelligible une pensée et des actes noyés dans le flot de l’Histoire ? Tout cela et sans doute aussi, et plus encore, de nous entraîner dans une autre vie que la nôtre, nous plonger dans un autre temps, à la rencontre d’une société qui ne saurait être réduite à la société actuelle. Toute histoire est contemporaine, disait Benedetto Croce : Benoît Rossignol démontre, de manière éclatante, que le souci de rendre intelligible le passé, peut aller de pair avec des interrogations plus actuelles, au service d’une réflexion politique qui sait confronter le mythe, le modèle, la tradition et les sources.

Un plaisir de lecture et un immense mausolée, dédié à un empereur dont l’ombre plane toujours sur le concept même de souveraineté.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 19/02/2021 )
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