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Histoire & Sciences sociales -> Biographie |
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La Notre-Dame des Arts et Lettres sous le Second Empire | | | Jérôme Picon Mathilde, princesse Bonaparte Flammarion - Grandes biographies 2005 / 25 € - 163.75 ffr. / 416 pages ISBN : 2-08-210206-8 FORMAT : 15x24 cm
L'auteur du compte rendu : Frédéric Laux, archiviste paléographe, est conservateur aux Archives Départementales de la Gironde. Imprimer
La collection «Grandes biographies» des éditions Flammarion ne démérite pas daccueillir celle que Jérôme Picon vient de consacrer à Mathilde, princesse Bonaparte. Sans sombrer ni dans le récit à leau de rose de la presse spécialisée ès têtes couronnées, ni davantage dans laridité dun académisme trop souvent abscons, prétentieux et jargonnant, Jérôme Picon fait montre dune grande érudition et dune parfaite maîtrise des sources et de labondante bibliographie relative à la cousine de Napoléon III. En un style limpide et bien enlevé, il déroule avec aisance (et cest là tout son art) la vie passionnée et mouvementée de cette éternelle exilée.
Le destin de Mathilde est en effet étonnant. Apparentée par sa mère, princesse de Wurtemberg, au Gotha européen, elle est aussi (et avant tout) la nièce de Napoléon Ier. Elle est née en 1820 à Trieste où ses parents, Jérôme Bonaparte et Catherine de Wurtemberg, ex souverains de Westphalie, sont exilés. Peu après, la famille gagne Rome. Mathilde y passe une enfance heureuse en compagnie de ses frères et au milieu de tous ces Bonaparte, au premier rang desquels Madame Mère, qui vivent relégués dans la Ville éternelle par la loi de 1816 leur interdisant de jamais revenir sur le sol français. Mathilde grandit donc entourée de souvenirs napoléoniens, quil sagisse dobjets ou de récits. Cest aussi là quelle fait la connaissance de son cousin Louis-Napoléon, fils du roi Louis et de la reine Hortense. Grâce aux pensions que le roi de Wurtemberg et le tsar de Russie versent à Catherine, Jérôme et sa famille vivent très confortablement.
La maladie puis la mort de sa mère assombrissent ladolescence de Mathilde et ce dautant plus que les revenus familiaux sen trouvent considérablement amoindris. Pour Jérôme, il ne fait aucun doute sur la nécessité de marier au plus vite et à un parti digne de son rang sa fille de quinze ans. Les projets de mariage avec lun des fils de Louis-Philippe tournent court malgré les conciliabules mystérieux avec Thiers. Le mariage avec le prince Louis-Napoléon semble devoir se conclure lorsque la tentative de coup dEtat du futur fiancé à Strasbourg fait tout échouer. Cest finalement dans les bras de Demidoff, un richissime Russe parvenu que Jérôme pousse sa fille et, partant, rétablit sa situation financière. Mathilde mène alors une vie de plus en plus triste et morne avec un mari caractériel et déséquilibré jusquà la rupture en 1846.
Une vie nouvelle commence alors. elle prend un amant et surtout elle soutient son cousin Louis-Napoléon. Avec le rétablissement de lEmpire, elle devient le pilier culturel du régime. Elle reçoit tout ce que Paris compte décrivains et dartistes renommés. La princesse exerce un véritable magistère tant il est vrai quelle fait figure en quelque sorte de ministre des Affaires culturelles. Son influence est considérable et ne doit pas être négligée pour qui veut faire carrière. Cest Mathilde qui fait les élections à lAcadémie française, cest elle qui permet dobtenir places, faveurs, décorations, sinécures, pensions, cest elle qui permet dêtre présenté aux souverains. Une véritable cour de fidèles parmi les plus beaux esprits du temps se presse soit au palais de la rue de Courcelles, soit au château de Saint-Gratien où la princesse établit ses quartiers dété. Taine, Sainte-Beuve, Flaubert, Théophile Gautier, les frères Goncourt y côtoient Gavarni ou Viollet-le-Duc, lempereur et limpératrice, des ministres, la plus antique aristocratie.
Leffondrement de lEmpire renvoie les Bonaparte sur les chemins de lexil. Depuis la Belgique, Mathilde espère un retour imminent dans la mère-partie. Dès lécrasement de la commune de Paris, elle regagne la capitale et retrouve son palais intact. Thiers lautorise, discrètement, à en évacuer ses effets et meubles, le bâtiment appartenant à lEtat. Mathilde relance son salon. Avec le temps, ses fidèles disparaissent les uns après les autres. Le salon de la princesse sétiole, alors quelle même vieillit. Elle séteint doucement en 1904.
Destin fascinant en vérité que celui de cette égérie des arts et des lettres, mécène et protectrice qui se fie avant tout à ses goûts personnels. Elle rappelle par bien des traits son oncle Napoléon quelle ne connaît pourtant que par ce quon lui en a rapporté. En tout cas, elle est aussi «suractive» que lui et lui ressemble grandement. Jérôme Picon la dépeint et la résume ainsi, alors que de retour de son exil belge en 1871, elle reprend quelques forces, assise sur un banc, rue de Courcelles : «Immense destin ramassé dans cette lourde silhouette, où convergent les vestiges de lAncien régime et du Saint-Empire romain germanique, lavènement de la souche corse sur les trônes européens»...
Frédéric Laux ( Mis en ligne le 21/02/2005 ) Imprimer
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