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Faire autorité
Myriam Revault d'Allonnes   Le Pouvoir des commencements - Essai sur l'autorité
Seuil - La couleur des idées 2006 /  21 € - 137.55 ffr. / 265 pages
ISBN : 2-02-067638-9
FORMAT : 14,0cm x 20,5cm

L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye est professeur agrégé d’histoire et achève un DEA sous la direction de Joël Cornette, consacré au Grand Dauphin, fils de Louis XIV.
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Au printemps 1942, dans un petit hôtel de Marseille, Alexandre Kojève, «stalinien de stricte observance» selon ses propres mots, achevait un texte, petit par sa taille, mais d’une grande densité : La Notion de l’autorité. Dans ses premières pages, il s’étonnait du désintérêt de la philosophie pour cette question centrale et se promettait de tracer les grandes lignes d’un problème souvent confondu avec le pouvoir. Mais l’autorité n’est pas le pouvoir. Elle n’a pas pour moyen la contrainte ; l’autorité fait agir le sujet soumis à l’autorité sans violence, de lui-même. S’appuyant sur l’exemple du Maréchal Pétain, Kojève déterminait quatre types d’autorité purs qui permettaient d’expliquer l’adhésion des Français à sa personne : l’autorité du juge, l’autorité du maître, l’autorité du père fondée sur le passé, l’autorité du chef fondée sur le futur.

Myriam Revault d’Allones, dans son dernier ouvrage, Le Pouvoir des commencements, Essai sur l’autorité, reprend ces deux dernières formes de l’autorité et explore, un peu plus minutieusement que ne l’avait fait Kojève, le caractère temporel de l’autorité. Contrairement au pouvoir, essentiellement spatial, l’autorité «réactive, écrit-elle, dans le présent le caractère immémorial de la fondation tout en le projetant dans la durée à venir». Hannah Arendt, dans un article dense, Qu’est-ce que l’autorité ? avait déjà insisté sur la nécessité d’assurer pour toute société la permanence de ses structures politiques «dont les êtres ont besoin précisément parce qu’ils sont mortels ». Leurs disparitions équivalent pour eux «à la perte des assises du monde». Se sentir redevable d’un déjà-là, surgir au monde avec la conscience d’une dette à l’égard des Anciens serait donc la condition nécessaire de l’action pour chaque nouvelle génération.

Cette conception de l’autorité nous a été léguée par l’empire romain. L’auctoritas est proche, selon Benveniste, du verbe augere, "augmenter", terme utilisé autant pour évoquer la croissance des plantes que pour exprimer la force des Dieux. Une autorité est essentiellement une augmentation. Le sénat romain ne possédait pas de pouvoir propre, seulement la capacité de donner son sentiment qui, selon les mots de Mommsen, était toujours moins qu’un ordre, mais plus qu’un avis. Cette augmentation de légitimité que donnait le Sénat aux lois proposées par les consuls provenait de son caractère vénérable, issu des temps anciens de la fondation de Rome. Jusqu’au XVIIe siècle, l’autorité fut dans cette acception une idée-mère qui conduisait le monde.

Mais les Modernes, de Descartes aux Lumières, contestèrent au passé le droit d’organiser le présent. Il était de bon ton alors de juger par soi-même sans rien n’accepter qui ne fut soupesé par le bon sens. Peu à peu le champs de la raison s’étendit aux sciences, aux belles-lettres, gagna l’autorité politique, enfin, domaine préservé longtemps, la théologie. Les hommes avisés tournèrent leur regard vers le futur et seul le projet, la réforme, en un mot l’espoir d’un monde meilleur, apparurent des guides légitimes. La chute des grandes idéologies du XXe siècle fit penser, qu’à son tour, l’autorité du futur avait été éliminée. Notre temps, privé à la fois de son histoire et de perspectives, serait celui de la confusion et de la perte de repères. N’est-ce pas là précisément l’épicentre de la crise d’autorité que les observateurs les plus avisés de nos sociétés ont descellé depuis longtemps ?

Nous vivons donc une crise et la crise est ce moment où les réponses d’hier deviennent inopérantes. Moins que des soupirs résignés, il s’agit de reformuler des réponses, ce que l’auteur s’empresse de faire par le truchement de Rousseau, Max Weber et tant d’autres. Evidemment, la crainte est que l’abandon de la tradition, notamment à l’école, n’empêche les foules de saisir, dans un avenir proche, la nécessité même de la tradition dans le fonctionnement de toute société.

Nul besoin de dire que ces travaux sont d’une importance capitale. Depuis trop longtemps, les sciences humaines ont réduit le politique au pouvoir et à la domination. Il n’est qu’à juger de la faveur du concept de violence-symbolique dans les sciences sociales. Quelle pensée assez réductrice pourrait oser résumer les relations humaines à celle du maître et de l’esclave ? L’admiration, la gratitude, dans certains cas l’amitié, sont toutes ces choses qui nous poussent parfois à obéir avec plaisir.


Matthieu Lahaye
( Mis en ligne le 12/05/2006 )
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