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Orwell : de l’anticolonialisme à l’antistalinisme
John Newsinger   La Politique selon Orwell
Agone - Banc d'essais 2006 /  24 € - 157.2 ffr. / 332 pages
ISBN : 2-7489-0036-7
FORMAT : 12,0cm x 21,0cm

Traduction de Bernard Gensane.

Préface de Jean-Jacques Rosat.

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Sur le vieux continent, Georges Orwell est essentiellement connu pour deux ouvrages, La Ferme des animaux et 1984 – fictions mettant en procès le stalinisme et décrivant, pour l’un, l’avènement d’un système totalitaire, pour l’autre, son fonctionnement pathologique. Or, en Grande Bretagne, non seulement Orwell, écrivain prolixe, est bien plus que l’auteur de ces deux romans, mais il est aussi l'une des plus importantes figures de la gauche littéraire de la première moitié du XXe siècle, ce qui lui vaut d’être l’objet de diverses controverses quant au sens de son antistalinisme et de son engagement socialiste.

La biographie politique de John Newsinger a pour objectif de remettre cet engagement socialiste en perspective afin de montrer que, loin d’être un ventre mou de la gauche ou un tory honteux, Orwell est demeuré jusqu’à sa mort - malgré ses prises de positions pragmatiques ou farouchement anticommunistes - un homme à la gauche de la gauche. Au passage, elle permet aux lecteurs francophones de faire plus amplement connaissance avec une personnalité littéraire que l’on ne peut décidément pas réduire à son rejet des systèmes totalitaires.

Né au Bengale dans une famille de fonctionnaires coloniaux (son père travaillait dans un service gouvernemental voué au commerce de l’opium en Inde), Eric Blair, qui prendra plus tard le nom de Georges Orwell, est, durant sa jeunesse, un parfait petit britannique impérialiste, méprisant et brutal. Il devient même fonctionnaire colonial, en l’occurrence policier en Birmanie durant cinq années, puis, après cinq années d’un travail pour le moins zélé, abandonne soudainement son poste, écoeuré, sincèrement honteux et décidé à en découdre avec l’impérialisme britannique. Son premier roman, Une Histoire birmane, est d’ailleurs consacré à ce thème. Il s’engage alors dans un véritable processus de révisions de ses croyances aussi bien vis-à-vis des colonisés que vis-à-vis du «peuple», des pauvres, que méprisent les membres de la moyenne bourgeoisie dont il provient – au point d‘aller vivre, à Londres et à Paris, avec les clochards, indigents et marginaux de toutes sortes afin, croit-il, de connaître et de comprendre qui sont et ce que subissent les opprimés du système.

Cet épisode est raconté dans Le Quai de Wigan et au cours de nombreux articles destinés à des revues de gauche ; il manifeste la conversion d’Orwell à un socialisme à l’origine plus ou moins sympathisant de la révolution bolchévique et qui le mènera, quand survient la guerre d’Espagne, à passer de la réflexion à l’activisme... Arrivé à Barcelone, impressionné par l’enthousiasme révolutionnaire dans lequel baigne la ville, Orwell s’engage en effet dans les rangs des miliciens du POUM, mouvement d’obédience anarchiste dont il admire l’égalitarisme concret. Englué dans une guerre de position sans grand intérêt ni réel danger, il assiste alors, à l’instar des personnages du film de Ken Loach Land and Freedom, d’ailleurs largement inspiré du témoignage d’Orwell Hommage à la Catalogne, à l’étouffement de l’expérience révolutionnaire par le gouvernement républicain à la solde du Komintern. La révolution est sacrifiée à la realpolitik de Staline ; les miliciens du POUM subissent des campagnes de dénigrement, sont bafoués, parfois même torturés et assassinés par les communistes. Cet épisode est la seconde secousse intellectuelle d’Orwell, lui-même menacé et bientôt obligé de quitter l’Espagne. Comme en témoigne son œuvre ultérieure, et quand bien même il est soumis à des choix, des engagements pragmatiques difficiles (notamment concernant le soutien aux gouvernements britanniques durant la guerre, ou aux travaillistes à la fin de celle-ci), soutient John Newsinger, il n’aura de cesse de défendre les principes d’une révolution trahie à la fois par les démocraties dirigées par le front populaire et par les soviétiques.

Si, tel qu’il est présenté par Monsieur Newsinger, l’engagement socialiste d’Orwell, et sa persistance jusqu’à sa mort, ne fait aucun doute, on est bien en peine de dire de quel socialisme il s’agit, notamment parce qu’aucun extrait suffisamment long, commenté et contextualisé des écrits d’Orwell à ce sujet n’est donné. A vrai dire, si l’Orwell de Monsieur Newsinger réfléchit beaucoup aux questions tactiques, aux questions de moyens, s’il en discute jusqu’à la fin de sa vie avec des anarchistes et des trotskistes américains, il semble ne pas être concerné par la question des fins, par les réflexions théoriques, à l’exception d’une vague volonté de nationalisation de l’économie et de quelques clichés progressistes largement partagés dans les années trente et quarante, même par les libéraux ; sa connaissance des théories socialistes paraît bien maigre et l’on est tenté de parler d’une socialisme intuitif, sociologique, voire d’un solidarisme à la Dickens, plutôt que d’un socialisme au sens plein, quel que soit son contenu.

Plus que le socialisme, c’est la révolution, la mythologie de la révolution qui paraît fasciner Orwell. Ce qu’il souhaite, à l’échelle de la société, c’est une rupture comparable à celles qu’il a opéré lui-même, en lui-même : rupture avec ses croyances colonialistes et familiales d’abord, avec ses croyances de classe ensuite.


Frédéric Dufoing
( Mis en ligne le 22/01/2007 )
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