|
Histoire & Sciences sociales -> Sociologie / Economie |
 | |
Les classes moyennes n’existent plus | | | Christophe Noyé Christophe Guilluy Atlas des nouvelles fractures sociales en France - Les classes moyennes précarisées et oubliées Autrement 2004 / 14.95 € - 97.92 ffr. / 63 pages ISBN : 2-7467-0552-4 FORMAT : 18x25 cm Imprimer
La France aujourdhui ? Une société dans lensemble intégrée, grâce aux fameuses classes moyennes, à laquelle sopposent des minorités, plus marginales, issues de limmigration et concentrées dans les quartiers dits difficiles ? Ce portrait souvent brossé par les médias et les discours politiques est en fait bien loin de la réalité. LAtlas des nouvelles fractures sociales en France vient sinscrire en faux par rapport à cette conception confortable intellectuellement. Le plus grand mérite de ce petit opuscule est sans aucun doute de briser les miroirs aux alouettes et daffirmer dans son sous-titre que «les classes moyennes [sont] oubliées et précarisées».
Lanalyse de Christophe Guilluy et Christophe Noyé sappuie principalement sur les résultats du dernier recensement de la population, réalisé en 1999. Graphiques et cartes organisés par double page livrent une radiographie de la population, de ses «classes» et du territoire français. Ils servent une démonstration assez impitoyable : les métropoles et laccès au progrès aux bourgeois traditionnels et aux fameux «bobos», nouvelle bourgeoisie intellectuelle mais qui se veut sociale, et les périphéries, de plus en plus éloignées et sous-équipées aux couches populaires qui ne peuvent plus se permettre de payer un loyer en ville. Certes, grâce au parc social et au logement inconfortable, des poches plus populaires demeurent dans les villes, mais sans empêcher la ghéttoïsation par le haut que provoque la gentrification. Les auteurs préfèrent donc à lexpression «la France den bas» celle de «France périphérique».
Les principales conséquences sociales de lexclusion spatiale des villes centres sont le repli sur lindividu et son habitat, et par là, la désorganisation des classes populaires. Car le départ du centre se fait souvent au prix de laccession à la propriété. Le cadre de vie et sa préservation sont du coup surinvestis par ceux qui ont dû quitter des centres urbains bien équipés pour des zones de plus en plus éloignées des centres, donc souvent rurales. La relégation dans des banlieues populaires, identifiées culturellement et politiquement représentées par le parti communiste a ainsi cédé la place à une France populaire aphone. En effet, les classes populaires, quoique toujours majoritaires, se sont retirées du monde associatif et sont de moins en moins syndiquées, en général. La conséquence ultime de cette lente perte de voix qui sest faite dans les vingt dernières années est la constitution dune sorte de contre-culture par opposition aux partis politiques de gouvernement. Contre-culture qui sest traduite par une forte abstention conjuguée au vote extrême (principalement Front national) lors des derniers scrutins.
La conclusion de cet atlas, amère, tire la sonnette dalarme et rappelle aux médias, politiques et associations, lurgence de la situation. Cest un appel à oublier la casuistique des discours sur la mixité sociale et lintégration, afin de mieux se saisir de questions telles que la surévalution foncière ou la précarisation des salariés les plus modestes.
Amélie Rigaud ( Mis en ligne le 01/11/2004 ) Imprimer | | |
|
|
|
|