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Hommage à Georges Friedmann | | | Pierre Grémion Françoise Piotet Collectif Georges Friedmann - Un sociologue dans le siècle (1902-1977) CNRS éditions - Sociologie 2004 / 19 € - 124.45 ffr. / 184 pages ISBN : 2-271-06234-9 FORMAT : 17x24 cm
L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales au lycée Michelet de Vanves (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide. Imprimer
Pour le centenaire de la naissance de Georges Friedmann, en 2002, quelques-uns de ses amis, élèves ou collègues se sont réunis avec dautres pour lui rendre hommage. Louvrage se compose de trois parties : la première concerne lhistoire, la deuxième certains aspects de luvre, et la troisième est composée de témoignages.
Georges Friedmann est connu pour ses recherches en sociologie du travail. On lui doit le fameux ouvrage intitulé Le Travail en miettes, qui, plus de 50 ans après sa publication, présente toujours de lintérêt. Plus tardivement, on lui doit La Puissance et la sagesse, publié en 1970, vaste interrogation sur la civilisation technicienne.
Au fil des pages, on découvre un personnage, chercheur et militant, attachant et parfois original. Une anecdote donne une riante idée du personnage. Georges Friedmann, grand bourgeois, après un héritage important, décide den faire don au Parti communiste français, «ce qui est rare chez un intellectuel», remarque Edgar Morin avant de poursuivre : «Georges va voir André Marti, ce terrible apparatchik, en lui disant : «Voulez-vous tant de millions ?», et lautre : «Foutez-moi à la porte ce provocateur !»» (p.162). Et cest à une fondation de lutte contre le cancer que seront attribués ces millions
Dans le chapitre intitulé «histoire», on pourra lire un article intéressant et fouillé de Rachel Mazuy sur les trois voyages de Georges Friedmann en Union soviétique, effectués en 1932, 1933 et 1936. Sociologue marxiste, il publiera De la sainte Russie à lURSS en 1938, qui sera finalement critiqué par de nombreux communistes. Cette période est un savant mélange de marques de soutien et dexpressions plus ou moins timorées de doutes ou de dénonciations nuancées, dont lhistoire des intellectuels a le secret. Pour reprendre lexpression dEdgar Morin, Georges Friedmann a compté parmi les «justificateurs» de lURSS. Ses années de résistance à Toulouse sont aussi évoquées. Dans ces réseaux de combats et damitié, pour partie parisiens, on découvre des contacts nombreux avec des figures marquantes, comme Vladimir Jankélévitch et surtout Jean Cassou.
Cest aussi luvre qui est analysée. La philosophie na semble-t-il jamais quitté les préoccupations de Georges Friedmann. Il a dailleurs publié en 1946 un ouvrage sur Leibniz et Spinoza, qui témoigne de lattention de son auteur à la philosophie classique mais aussi aux enjeux de la philosophie contemporaine. Pour sa part, Shmuel Trigano aborde avec respect et reconnaissance une autre interrogation permanente de Georges Friedmann : la religion, et spécifiquement le judaïsme. Louvrage Fin du peuple juif ?, publié en 1965, est pour l'auteur de l'article autant une uvre de sociologue quune «quête éthique plus large» (p.132).
Mais évidemment, Georges Friedmann fut surtout sociologue du travail, professeur de sociologie industrielle, fin connaisseur de la sociologie américaine dont il fut un «médiateur» selon Pierre Desmarez (p.104). A travers ces différentes contributions, analyses et témoignages - de Henri Mendras, par exemple, qui fut l'un de ses élèves, ou de Alain Touraine - se dessinent les contours dune uvre qui épouse ceux dune vie. En un mot, un parcours intellectuel.
Guy Dreux ( Mis en ligne le 14/01/2005 ) Imprimer
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