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Histoire & Sciences sociales -> Sociologie / Economie |
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Le chant du cygne des sciences sociales ? | | | Michel de Fornel Cyril Lemieux Collectif Naturalisme versus constructivisme ? Editions EHESS 2008 / 27 € - 176.85 ffr. / 334 pages ISBN : 978-2-7132-2152-1
L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de lInstitut dEtudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, chez LHarmattan, de Individualité et subjectivité chez Nietzsche (2004). Imprimer
Dans le courant des années 1990, aux États-Unis, les travaux de Tooby, Barkow et Cosmides ont porté un coup important à lensemble des sciences sociales, dont le paradigme commun, identifié sous lexpression «modèle standard des sciences sociales» fut accusé notamment de percevoir le réel, sous linfluence de Durkheim, comme une construction sociale. Bien des chercheurs en neurosciences et psychologie évolutionniste comme Steven Pinker ont ensuite enfoncé le clou contre les illusions du «constructivisme». La réplique des sciences sociales a tardé à venir. Naturalisme versus constructivisme ? en constitue peut-être une.
Étrangement, le propos de ce livre collectif ne porte à aucun moment sur une défense du constructivisme en tant que tel. Reconnaissant aux sciences «dures» le droit de prétendre approcher le réel dans son objectivité, et notamment, de dénier la pertinence de la rupture «nature-culture», qui était pourtant au cur de la légitimité des sciences humaines à lépoque du structuralisme, louvrage est édifié ainsi demblée sur une position défensive. Tout prêts à admettre lanimalité de lhumain et la pertinence dune approche naturaliste de ses comportements, ses auteurs oscillent entre la volonté de montrer que les sociologues et anthropologues sont plus objectivistes et naturalistes quils ne veulent bien ladmettre (tel est le cas dAnne Rawls dans son effort, très controversé et débattu dans le livre, pour démontrer, à la lumière des Formes élémentaires de la vie religieuse, que les critères de vérité de Durkheim senracinent dans la pratique sociale et non dans des catégories collectives posées a priori et le projet de réserver aux sciences humaines «une petite place» à côté des sciences positives.
Le problème, bien sûr, tient à ce que le statut épistémologique de cette cohabitation reste des plus énigmatiques : les unes ayant pour elles des règles de vérification que les autres nont pas. Les auteurs du livre soulignent la nécessité dune telle cohabitation pour échapper à ce quils appellent le «réductionnisme» du naturalisme pur. Mais la défense des sciences sociales comme garantie dun «supplément de subtilité» (comme lon dirait un supplément dâme) dans lapproche des comportements humains, ne préserve que leur dimension «compréhensive» et ruine leur prétention à expliquer les phénomènes. «La culture ? Cest quelque chose que je mettrais dans la catégorie des licornes», a pu déclarer Noam Chomsky.
En refermant ce livre riche et utile à la réflexion actuelle sur la hiérarchie des savoirs, on peut se demander si les sciences sociales ne seraient plus finalement quun art de décrire les licornes.
Christophe Colera ( Mis en ligne le 02/09/2008 ) Imprimer | | |
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