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Histoire & Sciences sociales -> Historiographie |
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Existe-t-il une école française historique ? | | | Jean-François Sirinelli Pascal Cauchy Claude Gauvard Collectif Les Historiens français à l'oeuvre - 1995-2010 PUF 2010 / 29 € - 189.95 ffr. / 336 pages ISBN : 978-2-13-058498-8
Pascal Cauchy collabore à Parutions.com
L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye, agrégé dhistoire, professeur en classes préparatoires littéraires, achève une thèse consacrée au fils de Louis XIV sous la direction du professeur Joël Cornette à lUniversité Paris-VIII. Imprimer
Jean-François Sirinelli, dans une livraison récente de la revue Le Débat, fit part de son inquiétude sur le dynamisme de lécole historique française. À le lire, elle noccuperait plus, dans les colloques internationaux, sa place de jadis. Pour autant, comme il le rappelle dans ce bilan de la production historique française de ces dix dernières années quil dirige avec des historiens aussi prestigieux que Claude Gauvard et Roger Chartier, il sagit moins dincriminer la quantité, puisque 10 000 articles et ouvrages historiques sont référencés par an, que leur qualité ou leur intérêt.
Pour cette simple raison, la lecture de cet état des lieux de la recherche historique nest pas sans intérêt. En dépit de laridité du propos, propre aux colloques universitaires, on y devine une recherche historique recroquevillée sur elle-même. Signe qui ne trompe pas, peu dhistoriens français sintéressent à lhistoire des pays étrangers, faute sans doute de maîtriser correctement les langues étrangères, faute surtout de soutiens financiers. Peu dhistoriens aussi sont capables de faire école autour dune approche originale qui ne soit pas la réutilisation dun concept venu de létranger. Le faible nombre de traductions des livres français naide pas, il est vrai.
Pour autant, les atouts de la recherche française sont considérables : des doctorants en nombre, un concours très exigeant, lagrégation, qui garde un certain prestige, laccueil de collèges et de lycées qui assurent aux chercheurs une planche de salut sils ne parviennent pas à obtenir de si rares postes universitaires, le statut de maître de conférences qui permet une modeste indépendance financière et leur épargne de trouver des financements pour leurs projets. Contrairement à ce que lon peut entendre ici ou là, lUniversité française est loin dêtre dans une situation comparable au drame que vit lUniversité italienne et à la fragilité de lUniversité allemande.
Comment comprendre alors cet affaiblissement du rayonnement des historiens français ? On est frappé, à lire ce livre, de limportance accordée par certains auteurs à la corporation historienne, au pouvoir intellectuel, aux réseaux qui le structurent, aux écoles, aux chapelles, qui in fine semblent parfois plus au service de stratégies individuelles que de la science. Sy insérer exige en effet de montrer patte blanche, en donnant des gages de soumission, sacrifiant laudace, linventivité et loriginalité à une sophistication souvent vaine des concepts et de la langue. Aussi lhistoire scientifique se coupe-t-elle peu à peu dun large public, qui aime les livres intelligents, bien écrits et sensibles. Peut-être aussi que lhistoire souffre de la disparition de ces grandes figures dont le rayonnement intellectuel et médiatique dépassait leur champ disciplinaire.
Alors simple éclipse ou déclin durable ? Cette question a au moins lavantage de ne pas concerner que la discipline historique.
Matthieu Lahaye ( Mis en ligne le 23/11/2010 ) Imprimer | | |
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