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Un plaidoyer pour l’archéologie préventive
Jean-Paul Demoule   La France archéologique - Vingt ans d'aménagements et de découvertes
Hazan 2004 /  45 € - 294.75 ffr. / 256 pages
ISBN : 2-85025-968-3
FORMAT : 25x29 cm

L’auteur du compte rendu : autodidacte formé à la préhistoire, notamment le Néolithique du sud-est de la France, Yvon Luneau a travaillé sur plusieurs chantiers archéologiques dans la Drôme et l’Ardèche avec Marie Hélène Moncel, de l’Institut de Paléontologie Humaine de Paris. Il poursuit actuellement une campagne de prospection de surface sur la Valdaine (26), en relation avec le Centre d’Archéologie Préhistorique de Valence, M. Beeching, archélogue (CNRS) et M. Brochier, archéo-géologue.
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Ce livre se présente comme un bilan des dernières découvertes faites lors de fouilles de sauvetage sur de grands chantiers d’aménagements du territoire. Il ne s’agit pas d’une liste complète et détaillée, mais d’un ouvrage de vulgarisation. Ses objectifs sont de sensibiliser le public à l’archéologie préventive et d’en démontrer l’intérêt à travers la présentation et l’analyse des informations collectées.

Ce travail collectif, sous la direction de Jean-Paul Demoule, se construit simplement. Il commence par l'explication du pourquoi et du comment de l’archéologie préventive. Puis, après des rappels sur l’histoire de l’environnement, le livre se déroule chronologiquement, en résumant les connaissances actuelles et en donnant des exemples de chantiers de fouilles. La partie finale est spécialement consacrée à la Guyane et aux Antilles.

70 000 hectares sont creusés profondément en France par an, soit un terrain de football toutes les quatre minutes. Ces chantiers concernent la construction de toutes les infrastructures nécessaires à notre vie sociale et économique. 20 000 générations nous ont précédés : ces hommes ont aussi marqué la terre, ils y ont laissé les traces de leurs habitations, de leurs activités, et ce, presque partout. Devant les destructions déjà survenues et les menaces à venir, a été créée l’archéologie préventive, une archéologie qui précède les grands travaux. Elle emploie aujourd’hui 2000 archéologues, principalement au sein de l’Institut national d’archéologie préventive.

La deuxième partie est un rappel des connaissances relatives à l’histoire du climat et de l’environnement. En effet, l’archéologie préventive apporte de nombreuses informations notamment grâce à la multiplication des analyses et aux investigations sur des tracés linéaires (TGV, autoroutes…) permettant une vision à grande échelle. Les auteurs passent ensuite à la plus ancienne période d’occupation humaine : le Paléolithique. Cette partie brosse l’état des connaissances de l’Homo erectus aux derniers chasseurs cueilleurs Homo sapiens. Des encarts expliquent les cinq principales cultures du Paléolithique final, la taphonomie (étude des modes de conservation des vestiges), l’analyse sédimentaire et l’outillage lithique. La recherche archéologique de cette période s’était surtout concentrée sur les grottes. Les fouilles préventives ont permis la découverte de sites majeurs de plein air, permettant une meilleure perception de l’occupation du territoire et de l’organisation sociale de ces hommes. Cinq exemples de chantiers de sauvetage et leurs résultats sont présentés, notamment le site de Ruffey-sur-Seille, dans le Jura, où a été découvert l'une des plus vieilles sépultures à incinération de France (Mésolithique).

De même, au Néolithique, la présence d’archéologues sur les chantiers a permis de nombreuses découvertes de sites de plein air. Elles ont apporté de précieuses informations, tant techniques avec, par exemple, les «fours polynésiens» dès le Cardial, tant sociales avec l’apparition de manifestations d’inégalités et de violence, qu'en ce qui touche à l’occupation spatiale du territoire. Ce dernier point est bien illustré par le premier exemple présenté : le programme de sauvetage archéologique systématique mené dans la vallée de l’Aisne.

A l’âge du Bronze, mal connu, l’apparition de la métallurgie n’a pas particulièrement changé les modes de vie. Néanmoins, les apports de l’archéologie préventive ont permis d’affiner les connaissances de cette période complexe, où se confrontent et se succèdent de nombreuses cultures. Ont été découverts, par exemple, des indices de parcellaires et, pour ce qui est de l’environnement, des traces d’importantes variations climatiques. Le lecteur découvre l’exemple passionnant des relations entretenues entre le Nord-Pas-de-Calais et la Grande Bretagne à cette époque.
L’âge du Fer bénéficie aussi de ces chantiers. L’archéologie préventive dévoile une évolution de la ferme vers la ville au cours de cet âge et nous dépeint une société complexe où les artisans et les commerçants sont très actifs. Parmi les sites présentés, on trouve une exploitation de sel dans la Somme et un village gaulois dans les rues de Martigues.
La Gaule romaine est connue par ses sites les plus spectaculaires, mais il a été fait peu cas des agglomérations secondaires et des sites ruraux autres que les villas. L’archéologie préventive ne choisit pas les lieux de fouilles, ce sont les aménagements à venir qui les lui imposent. Cela a permis la découverte de fermes construites en matériaux périssables, de systèmes d’égouts dans les villes et même de véritables trésors comme celui de Vaise, à côté de Lyon.
Le haut Moyen-Âge est souvent pris pour une période «barbare», de régression. L’archéologie préventive bouscule cette idée reçue et montre combien il s'agit d'une période de transition vers la christianisation, où l’héritage antique reste très important. En effet, certaines villas sont occupées tardivement avec, en parallèle, des constructions de bâtiments ruraux rappelant les époques précédant la romanisation. La découverte d’un habitat aristocratique fortifié sur un marais à Pineuilh (33) évoque au lecteur le désormais célèbre habitat des chevaliers paysans du lac de Paladru.

Le lecteur apprend que l’archéologie préventive pour le Moyen-Âge classique ne se cantonne pas aux sous-sols, mais travaille aussi à la «verticale» notamment lors de piquetage d’enduits permettant la redécouverte de fresques. Les auteurs expliquent comment la recherche se concentre sur les activités économiques et domestiques, moins documentées, sans pour autant oublier des bâtiments religieux tels que l’hypothétique synagogue gothique de Lagny-sur-Marne.
Pour les périodes moderne et contemporaine, l’archéologie préventive prouve aussi son utilité notamment pour ce qui est des connaissances des industries, très peu préservées. Elle s’intéresse aussi aux derniers conflits (découverte saisissante des 20 soldats britanniques de la Grande Guerre sur la ZAC d’Arras).
La dernière partie présente l’archéologie préventive en Guyane et dans les Antilles. Il faut noter que dans ces îles, où les Amérindiens ont complètement disparu, l’archéologie est la seule à même de témoigner de leur vie. L’esclavagisme et la colonisation, souvenirs que certains voudraient voir s’effacer, sont mieux connus par le sauvetage de certains sites.

Cet ouvrage est un très bon état des lieux de l’archéologie préventive en France. Il intéressera le néophyte comme l’amateur éclairé. Les textes sont clairs, de bons encarts explicatifs les accompagnent et de belles illustrations, justement commentées, viennent à bon escient. La dernière partie rappelle l’histoire des lointains DOM-TOM, injustement méconnue et négligée en Métropole ; Jean-Paul Demoule a bien fait de leur consacrer plusieurs pages. La principale qualité de ce livre reste son message : nous rappeler que le moindre mètre carré de notre pays a été foulé par nos prédécesseurs, qu’ils ont laissé des traces partout. Tout terrassement détruit une portion d’une histoire millénaire. La science, notre société et nous-mêmes, simples lecteurs, avons la capacité et le devoir de préserver cette histoire.


Yvon Luneau
( Mis en ligne le 21/02/2005 )
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