| Jean-Noël Robert L'Empire des loisirs - L'otium des Romains Les Belles Lettres - Signets 2011 / 13,50 € - 88.43 ffr. / 300 pages ISBN : 978-2-251-03015-9 FORMAT : 11cm x 18cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Jean-Noël Robert, latiniste et historien de Rome, a déjà livré aux éditions des Belles Lettres plusieurs ouvrages sur lhistoire du comportement : Eros romain : sexe et morale dans lancienne Rome (1997), Les Plaisirs à Rome (rééd. 2005), Rome, la gloire et la liberté : aux sources de lidentité européenne (2008), La Vie à la campagne dans lAntiquité romaine (rééd. 2009), ou Les Romains et la mode (rééd. 2011). Dans la collection ''Classiques en poche'', il a fourni des éditions commentées du Pro Milone, du Pro Roscio et De la vieillesse de Cicéron, ainsi que du livre I de lHistoire romaine de Tite-Live, sans parler des deux guides des civilisations consacrés à Rome (5e éd. 2005) et aux Étrusques (2e éd. 2007) et de nombreux autres ouvrages. Il nous offre un nouveau ''Signets'' entièrement consacré aux pratiques des loisirs à Rome.
Contrairement aux autres titres de la même collection, il fait le choix de laisser de côté la Grèce pour ne traiter que de Rome, et encore uniquement sous lEmpire. En effet, les pratiques du temps libre étaient très différentes, à la fois dans leur signification et leur expression, dans la Grèce antique et à Rome. A Rome même, on observe des évolutions notables entre les premiers siècles de son histoire et la période impériale. Surtout, sous lEmpire, les loisirs sont quasiment devenus un service public pour les citoyens. Ce parti pris explique ainsi le déséquilibre entre le choix des textes latins et des textes grecs, au détriment des seconds. Il faut dire que la littérature grecque sest largement spécialisée à lépoque impériale, traitant surtout de science, de philosophie, de rhétorique et dhistoire (Denys dHalicarnasse, Dion Cassius, Arrien, Appien, Galien, Strabon, Ptolémée
), ne livrant ainsi guère de témoignages vivants et pittoresques de la vie quotidienne de ses contemporains pas même dans les romans grecs qui se déroulent souvent dans un contexte irréaliste ou historique. Les auteurs grecs ont tendance à idéaliser, à intellectualiser, alors que les Romains de cette époque jettent sur la vie quotidienne un regard plus pragmatique. Le recueil de textes est précédé dun entretien avec Georges Vigarello, historien du sport et Directeur détudes à lEHESS, qui fait le point sur les ressemblances, mais surtout les différences, dans les pratiques des loisirs, entre lAntiquité romaine et les périodes ultérieures.
Le premier chapitre porte un regard général sur les loisirs ou, pour parler avec les catégories indigènes, sur lotium, terme désignant le temps laissé aux activités privées par opposition au negocium, les activités publiques, quil sagisse du travail ou des affaires politiques. Sous linfluence des philosophes grecs, lotium devient synonyme, pour les plus aisés, dune nouvelle philosophie de vie. Le deuxième chapitre traite des «fêtes publiques et privées», très nombreuses au point doccuper peu à peu la majeure partie de lannée. Il sagit généralement de fêtes religieuses, même si sous lEmpire le lien avec le divin saffaiblit. Les jeux, dintérieur ou de plein air (comme la chasse ou la pêche), sont au cur du troisième chapitre, tandis que les loisirs de lesprit, comme lécriture (ou plutôt la dictée à haute voix à un esclave qui prend des notes), les lectures publiques ou plus simplement les plaisirs de la conversation font lobjet du quatrième. Le chapitre suivant est consacré aux plaisirs de la table. Le repas du soir (cena) sinscrit dans la part du jour réservée à la détente et au plaisir ; ce dîner est aussi un spectacle, agrémenté de musique, de chants, et de danses. Le sixième chapitre a pour cadre la campagne, évoquant les séjours de lélite dans ses villas de plaisance suburbaines agrémentées de jardins, comme Pline à Laurentum ou Cicéron à Tusculum. Le septième chapitre est consacré aux thermes. Toutes les classes de la société sadonnaient avec délectation à ce loisir collectif, en moyenne deux heures par jour dans laprès-midi. La présence de thermes constituait dailleurs un des marqueurs les plus nets de la romanité au sein des différentes villes de lEmpire. La magie des spectacles est au cur du septième et dernier chapitre. Le Romain est un voyeur, qui va assister à des spectacles riches en émotions fortes et en explosions de violence. Les spectacles de lamphithéâtre connaissent une faveur toute particulière, mais le nombre de tués dans larène est beaucoup moins important que ce que lon a voulu faire croire ; en effet, un gladiateur coûte bien trop cher à former pour être sacrifié lors du premier combat. On donnait aussi dans larène des chasses et des combats entre animaux. Cependant, on pouvait également y voir des exécutions capitales déguisées en faux combats. Parmi les spectacles, il ne faut pas oublier non plus le cirque, avec ses courses de chars, et le théâtre.
Ce recueil de textes donne une bonne idée de ce que pouvaient être les loisirs des Romains, dont les goûts étaient bien souvent étrangers à ceux de nos contemporains occidentaux. A la fin de louvrage, outre les traditionnelles petites biographies des «auteurs du Signet», lhabituelle bibliographie «Pour aller plus loin» et un index des auteurs et des uvres, on consultera avec profit un lexique de quarante pages qui, d«acteur» à «voyage», explicite plusieurs notions liées à lotium des Romains.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 27/09/2011 ) Imprimer | | |