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Un homme de lettres et une femme d’idéal | | | André Gide Aline Mayrisch André Gide - Aline Mayrisch - Correspondance 1903-1946 Gallimard - Les cahiers de la NRF 2003 / 21 € - 137.55 ffr. / 381 pages ISBN : 2-07-072946-X FORMAT : 14x21 cm
Edition établie et annotée par Pierre Masson et Cordel Meder
L'auteur du compte-rendu : chercheur au Centre d'Histoire de l'Europe du Vingtième Siècle (Sciences-Po, Paris), spécialiste de Walter Benjamin, Nathalie Raoux s'intéresse plus largement à l'histoire des intellectuels français et allemands au XXe siècle. Elle vient de traduire Allemands en exil. Paris 1933-1941 (Autrement, 2003).
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Si le rôle des correspondances dans la vie littéraire, et son étude, nest plus à démontrer, la correspondance échangée par André Gide et Aline Mayrisch, présentée et annotée avec le soin qui caractérise les Cahiers de la Nrf par Pierre Masson et Cordel Merder, ne déroge pas à la règle, loin sen faut. Véritable «correspondance-réseau», pour reprendre la pertinente formule forgée par Michel Trebitsch dans larticle quil consacra aux «correspondances dintellectuels» (in Nicole Racine et Michel Trebitsch, Sociabilités dintellectuels. Lieux, milieux, réseaux. Cahiers de lIHTP, mars 1992), elle nous fait pénétrer, de plain-pied, dans quelques-uns des lieux où se noua, par excellence, le commerce intellectuel de lentre-deux-guerres.
Et tout dabord, bien évidemment, dans le «cercle de Colpach», dont Aline Mayrisch singénia à faire un salon non seulement littéraire mais aussi, sous limpulsion de son époux, lindustriel Emile Mayrisch (dont on sait le rôle quil joua dans les tentatives de réconciliation franco-allemandes nées Entre Locarno et Vichy), politique. Là où intellectuels et hommes politiques français et allemands se livrèrent à un brillant chassé-croisé, Gide rencontra Ernst Robert Curtius et Walter Rathenau, entre autres, et sinstalla même à demeure, le temps de travailler aux Faux-Monnayeurs.
Dun creuset de lEurope des Esprits, lautre
Nous voici à Pontigny, autre plaque tournante intellectuelle dont François Chaubet dans son ouvrage Paul Desjardins et les Décades de Pontigny (Septentrion, 2000), et plus récemment Claire Paulhan (De Pontigny à Cerisy, un siècle de rencontres intellectuelles, IMEC, 2002), ont remarquablement pris la mesure. Puis, après un quasi-silence de près de dix ans, où la correspondance se fait elliptique, nous retrouvons Aline Mayrisch et André Gide, dans le Sud de la France, où tous deux trouvèrent refuge au printemps 1940. On ne sétonnera guère que, bien vite, se soit reconstitué dans la villa dAline Mayrisch La Messuguière un Colpach miniature, où passent Sartre, Michaux, Malaquais, Martin du Gard mais aussi de vieilles connaissances, Jean Schlumberger, entre autres. Cest une «oasis merveilleuse, à labri, grâce à vous, des soucis, des difficultés, des tristesses qui déferlent de tout part sur notre pauvre monde» confiera Gide qui sy était réfugié en septembre 1939, avant délire résidence, un mois plus tard, à Nice puis à Vence, à quelques encablures de là
Colpach Paris Pontigny - La Messuguière : voilà donc un parcours qui suffirait déjà à dire tout lintérêt de cette correspondance si elle ne nous entraînait vers une autre découverte, plus intime. Celle dune femme didéal, que lon ne saurait cantonner au seul rôle de passeur, si précieux fut-il. Celle dune Aline Mayrisch, tourmentée, passionnée, en quête du sens de la vie, et qui ne put trouver quelque apaisement quà travers lAutre
Nathalie Raoux ( Mis en ligne le 10/10/2003 ) Imprimer
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