Marcel-E. Grancher 5ème de campagne - au front pendant la Grande Guerre Grancher (Editions Jacques) 2003 / 19 € - 124.45 ffr. / 261 pages ISBN : 2-7339-0848-0
L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse, "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" Strasbourg II.
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Au cours de la Grande Guerre, nombreux furent les jeunes Français qui sengagèrent en devançant lappel et parfois même le cas de Georges Guynemer est bien connu en falsifiant leurs papiers afin de tromper les autorités militaires sur leur âge ou leur état de santé. Mais au fur et à mesure que les échos de la grande tragédie parvenaient jusque dans le moindre village de larrière, les engagements comme la montré Philippe Boulanger dans son ouvrage sur la conscription (La France devant la conscription, Economica, 2001) se cantonnent surtout à lartillerie et la marine, linfanterie nétant plus «la reine des batailles» mais «le plus sûr moyen de se faire casser la gueule». Désireux de servir son pays, le jeune Jurassien Marcel-E. Grancher fut de ces engagés-là : certes patriote, non pas suicidaire. Comment lui en vouloir ? Il servit dans une batterie de 75.
Voici donc la réédition dun classique de la littérature «critique» de la guerre de 1914-1918. Dans ses souvenirs romancés, Grancher ne se prive pas, en effet, de stigmatiser «la bêtise militaire» : sous-officiers bornés, ordres imbéciles, officiers incompétents. «Cependant, précise-t-il, si jai trouvé idiot ladjudant Coriza, immonde le lieutenant Jacquot, et limogeable le commandant Baudard ; si jai souvent souffert dêtre placé sous les ordres de supérieurs incapables ; si jai déploré la promiscuité odieuse de la caserne et du front, qui nivelle si dangereusement par le bas ceux ayant à la subir, la haine nhabite pas mon cur. Les gradés commandent des hommes, mais il faut leur pardonner de nêtre, eux aussi, que des hommes !
» On ne trouvera donc pas dans cet ouvrage le ton dun Barbusse ou dun Remarque, mais plutôt celui dun Georges Courteline qui, en dépit des Gaîtés de lescadron, a ensuite tenu à se démarquer de lantimilitarisme érigé en idéologie. «On peut et cest mon cas précise Grancher, aimer profondément son pays, être prêt à lui sacrifier sa vie sil était attaqué, et ne pas se découvrir un esprit intensément militariste.» Et le futur romancier fit son devoir plutôt mieux que dautres puisque la médaille militaire, la croix de guerre et la Légion dhonneur lui furent attribuées.
Lapproche finalement assez originale qui est celle de 5e de campagne fait tout lattrait de ces souvenirs de guerre où lon trouvera aussi, bien sûr, la boue, les marmitages, la camaraderie du front, la mort, lespoir et parfois le «cafard» des combattants. Un livre à découvrir ou à redécouvrir.
Jean-Noël Grandhomme ( Mis en ligne le 31/01/2004 ) Imprimer |