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Marx l’émancipateur
Karl Marx   Daniel Bensaïd   Sur la Question juive
La Fabrique 2006 /  14 € - 91.7 ffr. / 188 pages
ISBN : 2-913372-52-X
FORMAT : 13,0cm x 20,0cm

Traduction de Jean-François Poirier.
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Réflexion à haute teneur explosible, Sur la question juive de Karl Marx n’en a pas fini de susciter commentaires, polémiques et mésinterprétations. Publié en 1843 dans la Nouvelle Gazette Rhénane, «Zur Judenfrage» était initialement une réponse à Bruno Bauer à propos de l’émancipation des juifs, que l’auteur prétendait atteindre par l’abandon pur et simple du judaïsme, par lequel ses adeptes s’auto-exclueraient de la société civile. Marx se doutait-il que ce débat lui inspirerait les passages les plus discutés de son immense travail critique ? Imaginait-il que ces quelques pages amèneraient certains de ses futurs glossateurs à classer sa pensée parmi celle des représentants du «socialisme des imbéciles», d’après l’expression dont August Bebel taxait les antisémites de gauche ?

Grâce au dossier très détaillé qui l’encadre, et dans lequel Daniel Bensaïd éclaire autant le contexte de sa rédaction que son établissement philologique ou les infortunes de sa traduction, Sur la question juive reprend pleinement la dimension qu’il mérite : celle d’un moment-clé dans le parcours intellectuel de Marx qui, quand il le publia, avait à peine 25 ans. Bensaïd va jusqu’à écrire que «toutes les tentatives pour traiter de la question juive comme question politique profane et non plus comme mystère théologique s’inscrivent encore dans les traces de ce texte fondateur».

Marx sape en effet rapidement les remarques étriquées de Bauer en affirmant que, même si l’État prétend se séparer de la religion, il démontre par là encore sa force et n’agit en rien pour l’affranchissement de notre espèce. Toute libération politique n’est qu’un leurre et laisse le citoyen à la merci d’une sophistique qui le dépasse, justement celle imposée par l’État.

Ce qui inspire naturellement à Marx de remettre en cause les «Droits de l’homme», de loin plus significatifs à ses yeux que l’unique problème de la pratique religieuse. Après avoir souligné les apories des «Déclarations» successives et être arrivé au constat que la notion de «citoyen» ne crée qu’une entité égoïste, incarnée en bourgeois, Marx définit ce qu’est selon lui la véritable émancipation humaine : «C’est seulement lorsque l’homme individuel réel réintégrera en lui le citoyen abstrait et sera devenu comme homme individuel dans la vie empirique, dans son travail individuel, dans ses rapports individuels, un être appartenant à l’espèce, que l’homme aura reconnu et organisé ses forces propres comme forces sociales et ne séparera donc plus de lui la force sociale sous la forme de force politique».

Moins que ce pan de l’argumentation de Marx, ce seront les raccourcis fulgurants, ou plutôt expéditifs, de la deuxième partie de son article qui se verront incriminés par la postérité. «Quel est le fondement profane du judaïsme ? Le besoin pratique, le profit personnel. Quel est le culte profane du juif ? L’agiotage. Quel est son dieu profane ? L’argent. Eh bien soit ! s’émanciper de l’agiotage et de l’argent, donc du judaïsme pratique, réel, serait l’autoémancipation de notre temps.» Ayant lu ces lignes, d’aucuns clameront que déjà sous Marx pointait Drumont, voire un précurseur du génocide. Bensaïd opère, pour sa part, les précisions historiques nécessaires à la compréhension du propos, notamment quand il rappelle la «modernitude» du corpus idéologique antisémite. Le judaïsme ne serait finalement chez Marx que «le pseudonyme provisoire d’un système qui n’a pas encore reçu le nom de Capital», ou mieux : «la dénomination métaphorique, inexacte et balbutiante de ce que sera l’esprit du capitalisme adéquatement nommé».

Bien sûr, on pourra crier au tour de passe-passe rhétorique, à la justification de l’injustifiable, à l’impardonnable aveuglement. Les procès d’intention n’ont de meilleure plaideuse que la mauvaise foi… La lecture de Daniel Bensaïd est certes engagée, par exemple lorsqu’il fait le lien avec la situation actuelle des banlieues en France ou l’autisme des nouveaux théologiens du sionisme ; elle semble en tout cas peu suspecte de complaisance et offre une vision dépoussiérée d’un opus qu’on ne ressort habituellement des oubliettes que pour le livrer à l’autodafé.


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 14/04/2006 )
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