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Un œil raconte…
Ambroise Vollard   Souvenirs d'un marchand de tableaux - Edition revue et augmentée
Albin Michel 2007 /  20 € - 131 ffr. / 426 pages
ISBN : 978-2-226-15867-3
FORMAT : 14,5cm x 22,5cm

L’auteur du compte rendu : agrégée d’histoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié L’Histoire en France du Moyen Age à nos jours. Introduction à l’historiographie (Flammarion, 2002).
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Ambroise Vollard (1866-1939) fait partie des marchands de tableaux mythiques. Né à la Réunion, dans une famille où rien ne le prédisposait à s’intéresser aux milieux de l’art, il vient en métropole suivre des études de droit. En fait, dès son arrivée à Paris il se prend d’une passion qui ne le quittera jamais pour la peinture, à une époque qui est celle où Durand Ruel a commencé à poser les bases du métier neuf de «marchand de tableaux», celle aussi de Degas, Monet, Renoir. Autant de peintres que Vollard rencontre et qu’il vendra. Comme il se passionnera pour Gauguin et Cézanne, puis les cubistes, Picasso etc. Ouvrant les horizons du marchand de tableaux, Vollard sait aussi se faire éditeur de peintres graveurs. Il persuade Renoir à la fin de sa vie, les mains déformées par l’arthrite, de s’essayer à la sculpture. Actuellement (juin/septembre) une exposition au Musée d’Orsay (venue du Metropolitan museum à New York) présente quelques uns des «tableaux de Vollard», De Cézanne à Picasso, et nous permet de saisir l’ouverture du marchand, la qualité de son œil.

Ses Souvenirs se lisent à plusieurs niveaux ; en premier lieu un amusement de lecture : saisis sur le vif, des croquis successifs, anecdotes savoureuses, font défiler tous les grands noms (et les moins connus, ou ceux qui ont carrément sombré dans l’oubli) de la peinture des années 1890/1939. On en retiendra Madame Manet et son frère, qui après la mort du peintre, vendent ses toiles pour vivre, opèrent des choix, le frère découpant dans l’Execution de Maximilien un sergent qu’il vend, mais madame Manet refusant à une riche amatrice de continuer à découper la toile pour en emporter les seuls morceaux qui lui plaisaient ! La toile reste en attente sous un meuble… Les mêmes Manet en séjour à Venise, avec le peintre Toché et Madame Manet jouant une sérénade de Schuman sur une gondole dans la nuit vénitienne, tandis que Manet rêve de peindre les régates et construit le tableau qu’il envisage : belle leçon de peinture, retransmise par Toché à Vollard qui à son tour… Les dîners organisés par Vollard dans sa «cave» (au sous sol de sa galerie), où se croise le tout paris mondain, les peintres et les amis (souvent les mêmes !) : il faut aussi attirer le chaland. Les expositions organisées pour vendre des peintres encore peu appréciés (il est le premier à organiser un exposition de Cézanne), les rencontres entre générations : Degas et Ingres…Vollard est un délicieux conteur, plein d’humour, il appartient à une époque où ennuyer, s’appesantir relevait de la faute, où l’ellipse suffisait entre gens d’esprit.

Le second niveau est celui du marchand qui a su «faire des coups», dénicher des études et tableaux, faire monter les prix. Le même marchand qui est stupéfait de l’envolée des prix à l’époque de la guerre (1914/18), et aligne les chiffres multipliés par mille et plus ! L’homme d’affaires avisé qui sait recevoir les Américains et les Russes, nouveaux riches des nouveaux mondes, mais qu’il n’est pas pour autant facile de persuader. Le voyage aux Etats-Unis, les liens qu’il noua avec le célèbre collectionneur et homme d’affaires Barnes… Ses relations avec les journalistes américains. L’anecdote de ce jeune hollandais qui lui achète des dizaines de tableaux de peintres contemporains et rentre chez lui ; effrayés par les achats réalisés, ses parents le font immédiatement interner dans un asile psychiatrique où il mourra dix ans plus tard. La famille en vendant alors la collection découvre brusquement quel gisement il avait ramené ! On pense à la nouvelle d’Edith Wharton dans Mon vieux New York, mais ici la réalité dépasse la fiction ! Les collectionneurs, personnages essentiels passent : de Barnes à Auguste Pellerin, à côté des spéculateurs avisés tels les fondateurs de grands magasins (BHV, Samaritaine) qui investissent… Des dames du monde qui s’enthousiasment par snobisme : Proust n’est pas très loin, ni Balzac…

Enfin, le fond du livre, finalement : les rencontres attentives de Vollard et de ses peintres, l’ouverture dont il sait faire preuve, les liens d’amitié, d’estime réciproque. Revivent pour notre plus grand bonheur Degas, Renoir, Monet, Cézanne, Rouault… On pourra se reporter à un autre de ses livres En écoutant Cézanne, Degas, Renoir (rééd. Grasset, 2005). Mais à le lire on comprend que «marchand de tableaux», ce n’est pas seulement une affaire commerciale… C’est aussi cette histoire que nous raconte Kahnweiller dans ses Entretiens avec Crémieux (Mes galeries et mes peintres, rééd. Gallimard,1998), ou Pierre Assouline dans sa biographie de Durand Ruel, cette passion pour l’art qui ouvre nos horizons, qui rend la vie plus intéressante…

Bref une lecture passionnante de bout en bout, que l’on peut lire à la suite ou en plongeant au hasard des rencontres, ou des envies d’autant qu’un index bienvenu permet de se diriger de Mistinguett à Modigliani, en passant par Zola, Montparnasse, Jarry ou L’Aiguille creuse de Maurice Leblanc. Lecture que l’on pourra compléter avec la biographie que J.-P. Morel consacre à Vollard, le catalogue de l’exposition De Cézanne à Picasso (RMN, 2007), etc.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 06/07/2007 )
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