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Histoire & Sciences sociales -> Géopolitique |
| Stephen Lendman Collectif Ukraine - Le Coup d’Etat fasciste orchestré par les Etats-Unis Delga 2014 / 20 € - 131 ffr. / 340 pages ISBN : 978-2-915854-70-1 FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm
Daniel Sillou (Traducteur)
Michèle Brand (Préfacier)
L'auteur du compte rendu : Romancier, essayiste, docteur en sociologie, Frédéric Delorca a publié entre autres, aux Editions du Cygne, Transnistrie : Voyage officiel au pays des derniers Soviets (2009). Imprimer
Le changement de régime survenu en Ukraine à la suite dune révolte populaire a fait lobjet en Europe de lOuest dune couverture médiatique exagérément favorable aux nouvelles autorités de Kiev, rendant la plupart du temps incompréhensible la réaction hostile non seulement du gouvernement de la Fédération de Russie, mais aussi des populations russophones locales, qui, dans les oblasts de Lougansk et Donetsk en sont venues à opter pour le séparatisme. Cet unilatéralisme méritait dêtre contré, cest ce quentreprend de faire ce livre collectif qui est en fait la traduction en français darticles publiés par des militants doutre-atlantique.
A nen pas douter, beaucoup de lecteurs apprécieront le contenu informatif de ces billets, qui jure avec ce quils ont lhabitude de trouver dans la presse. Larticle de Stephen Lendman sur le travail de «containment» de la Russie, celui de Matthew Witt, qui éclaire sous un jour autrement plus malin que ne la fait le journal Le Monde en février 2014 la phrase de la vice-secrétaire dEtat Victoria Nuland : «Iats est notre homme. Il a lexpérience économique, lexpérience de direction» ; ou encore létude dEdward S. Herman et David Peterson à la manière de «Manufacuring consent» sur le traitement médiatique de la crise ukrainienne, ou celle de Robert Abele sur le «devoir de protéger» appliqué à lUkraine aideront tout un chacun à sortir des sentiers battus et à réfléchir par lui-même aux enjeux véritables du conflit ukrainien.
Pour autant le livre comporte un grand défaut : il manque de nuances. Dire sans réserve que «la crise ukrainienne a été montée à partir de rien par des intrigants à Washington qui lont fabriquée dans le seul but daffaiblir la Russie» (p.31), que Washington a «financé et orchestré le coup dEtat de Kiev» (p.33) sans apporter jamais aucun élément de preuve (même si lon ne peut exclure quun jour cette thèse finisse par être objectivement étayée) relève au jour daujourdhui de la mystification pure et simple. Le titre même «coup dEtat fasciste», par son excès, heurte lintelligence (rappelons que le parti bandériste Svoboda na pas passé les 5% aux élections législatives doctobre 2014). On ne sert pas la vérité en opposant un dogme à un autre. Et il eût été plus intelligent de braquer les projecteurs sur les oligarques locaux plutôt que de tout imputer au complexe militaro-industriel étatsunien.
Le côté un peu trop unilatéral du livre sexplique par le choix même de certains contributeurs (autoproclamés «la crème des analystes anti-impérialistes américains» p.9 sic !) : Paul Craig Roberts, ancien sous-secrétaire de Reagan bizarrement apprécié par lextrême gauche, jurait en 2007 que George W Bush et ses amis de la droite du parti républicain préparaient un coup dEtat pour empêcher une alternance avec les démocrates ; Michel Chossudovsky accusait au milieu des années 2000 Washington davoir organisé sciemment une famine en Afrique de lEst ; la préfacière Michèle Brand ne sest pas distinguée par un sens très poussé de la confrontation contradictoire des sources sur le régime biélorusse dAlexandre Loukachenko quelle a présenté aux lecteurs américains sur des sites «dissidents» il y a quelques années.
Le livre pèche aussi sur la forme : labondance des américanismes notamment («les communistes et dautres personnes» - p.8 ; «il faudra quen Europe naisse un mouvement solide et fort» - on croirait entendre ces adjectifs qui détonnent en français prononcés dans leur langue dorigine - ; «la confusion européenne a cédé à lagressivité américaine», etc.) en rend souvent la lecture un peu inconfortable et contribue à limpression dinachèvement que laisse cette contribution, pourtant utile, au débat public.
Une fois de plus lexistence de ce genre de livre pose la question de loptimisation de la réflexion politique. Quest-ce qui est aujourdhui plus utile à lintelligence ? Faut-il seulement des réquisitoires à charge qui sautent aux conclusions préconçues et ne reculent pas devant les simplifications risquées, ou ne vaut-il pas mieux faire le pari dune étude minutieuse des faits, avec des enquêtes sur place, et des places accordées aux «peut-être», aux «on ne sait pas», qui, sans sacrifier la dénonciation des théories dominantes, mise sur la capacité du lecteur à faire la part des choses ?...
Frédéric Delorca ( Mis en ligne le 02/12/2014 ) Imprimer | | |
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