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Plus si invisibles...
Christophe Guilluy   Le Temps des gens ordinaires
Flammarion - Champs 2021 /  7 € - 45.85 ffr. / 208 pages
ISBN : 978-2-08-024702-5
FORMAT : 10,8 cm × 17,7 cm

Première publication en octobre 2020 (Flammarion)
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Le géographe Christophe Guilluy s’est fait connaître par plusieurs ouvrages analysant avec pertinence la déconnexion des élites de ce qu’il a appelé la ''France périphérique''. On lui doit Fractures françaises (Bourin Éditeur, 2010), La France périphérique (Flammarion, 2014), Le Crépuscule de la France d'en haut (Flammarion, 2016), et No Society (Flammarion, 2018). Dans son dernier ouvrage, aujourd'hui disponible en format de poche, il opère une synthèse en montrant l’apparition et la résistance de cette France périphérique aux élites de la métropolisation. Une phrase résume son propos : «Les gens ordinaires ont compris que le progressisme de façade des élites n’était en réalité qu’un habillage qui a longtemps permis de masquer la régression sociale». On peut considérer que cet essai constitue une sorte de condensé de son observation.

Christophe Guilluy revient donc sur tout ce qui a conduit à effacer et à mépriser ces gens ordinaires. Il rappelle au tout début cette phrase du milliardaire américain Warren Buffett en 2005, qui annonça, péremptoire : «La guerre des classes existe, et nous l’avons gagnée». L’auteur évoque donc comment les nouvelles classes dirigeantes sont parvenues un temps à stigmatiser les gens de peu comme des arriérés et des réactionnaires, hostiles à la société ouverte tant vantée, mais, selon lui, ce temps est terminé. Les gens populaires réagissent, tentent de résister à cette atomisation forcenée, et ce fut notamment l’apparition des Gilets jaunes dont il rappelle l’intense matraquage alors que d’autres manifestations se déroulent sans incident et sans répression policière.

Christophe Guilluy n’idéalise pas cette France périphérique, et remarque que non seulement elle reste majoritaire à 60% (avec quasiment aucun élu dans l’Assemblée nationale), mais que l’on se demande pourquoi elle devrait accepter une mondialisation qui lamine ses conditions sociales, outre de mettre la France à plat, notamment ses services publics. C’est le grand divorce ou la fracture indélébile. Le géographe évoque cette histoire de la métropolisation, le remplacement des quartiers populaires par les "bobos" (et donc la hausse des loyers), le remplacement des quartiers ouvriers par une population ethnique travaillant à moindre coût, et les conséquences de discours lénifiants sur l’immigration, le féminisme, le multiculturalisme, l’anti-racisme institutionnel, la mixité sociale qui touche plus les pauvres que ceux qui l’ont promue (évitement de la carte scolaire). Il avait appelé cela du brouillage de classes dans un précédent ouvrage. On voit bien l’objectif de ceux s’opposant à ce discours, faire passer le commun des mortels comme immonde alors que dans les faits, les gens des classes populaires vivent cette fragmentation croissante, l’éclatement de leur monde commun, une rivalité infernale qui les dépossèdent du peu qu’ils avaient et les exilent du marché du travail, donc de la vie courante, réelle et vécue.

Avec cet essai assez court, Christophe Guilluy démasque une politique redoutable, cynique et inégalée de la part des élites mondialisées : se servir de mots d’ordre généreux, remplis d’ouverture à l’autre, pour mieux enterrer, pour mieux torpiller les gens des classes populaires, pour asseoir le délitement de la société, pour ruiner les conditions sociales des plus démunis. La multiplication des revendications sociétales (sur l'ethnicité, le genre, la sexualité) vient de personnes de milieux aisés ou assez aisés, posant un écran de fumée sur les vrais drames sociaux. Au moins, les classes dirigeantes d’autrefois avouaient-elles ouvertement qu’elles exploitaient les classes populaires et que le monde était ainsi fait. Karl Marx avait tout à fait identifié cette politique des droits de l’Homme comme bouclier protecteur de la bourgeoisie.

Christophe Guilluy dit voir une opposition à cette élite et cite par exemple Virginie Despentes qui, après la Cérémonie des Césars en 2020, écrivit un article incendiaire, «Désormais on se lève et on se casse», dans le journal Libération (1er mars 2020). Or Despentes elle-même fait partie des cercles parisiens et d'une extrême gauche sociétale ou libérale-libertaire (théorie du genre, féminisme radical et pro-sexe) que l’auteur critique vigoureusement par ailleurs pour son travail à «invisibiliser» les gens populaires. Christophe Guilluy est peut-être un peu trop optimiste : la machine de guerre des élites est puissante même si cette France périphérique réagit avec ses modestes moyens. On se demande comment il voit l’apparition de cette nouvelle société des GAFAM, exhibitionniste et virtuelle, une société mise sous cloche. La pandémie du Covid-19 a déjà occasionné près de 800 000 chômeurs supplémentaires suite au confinement. Peut-être le géographe analysera-t-il cela dans un prochain essai ?...


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 25/08/2021 )
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