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Fragments d'une vie de théâtre et d'amour | | | Silvia Monfort Lettres à Pierre - réunies par Danielle Netter Rocher 2003 / 22 € - 144.1 ffr. / 456 pages ISBN : 2-268-04-552-8
Préface de François Nourrissier, de l'Académie française. Imprimer
Griffonnés sur le coin dune nappe, au dos dun programme de théâtre ou sur du papier à en-tête dun hôtel, les lettres et mots damour de la comédienne et écrivain Silvia Monfort à ladresse de son époux Pierre Gruneberg senchaînent quotidiennement, voire plusieurs fois par jour. Lettres à Pierre est un recueil de ce courrier sur vingt-six ans, de 1965 à 1991, réuni par Danielle Netter, amie de Silvia et son assistante à la mise en scène, sur linitiative de Pierre Gruneberg. Une correspondance amoureuse qui dévoile la force du lien entre les deux amants séparés pendant de longues périodes de lannée à cause de leur travail et passions respectives.
Moniteur de ski et de natation, Pierre Gruneberg officie l'hiver à Courchevel, tandis que lactrice travaille à Paris, puis lété au Cap Ferrat alors que la santé de Silvia Monfort - décédée le 30 mars 1991 dun cancer des poumons - la contraint à passer la période estivale à Courchevel, seule. Le parti pris de présentation de chaque lettre précise non seulement le lieu, lheure et la date denvoi, mais aussi le support et le lieu de résidence du destinataire. Ce choix met en relief léloignement géographique des amants et leur proximité dêtre de chaque instant. Si ce recueil démontre la force du lien, son intérêt ne réside pas dans léchange amoureux en tant que tel. Même si lensemble se rapproche dun «journal intime», les lettres évoquent parfois des événements dune manière si allusive que le lecteur sy perd et lattention et le plaisir en pâtit. Une difficulté de compréhension qui donne la désagréable sensation de pénétrer dans une intimité par effraction, sans réussir à lapprocher vraiment.
Vraisemblablement, lintérêt de ces lettres est dans le regard que la comédienne porte sur ses pairs - les anecdotes y sont nombreuses et, tendres ou acides, toujours savoureuses - agrémenté de réflexions sur le devenir du théâtre. Générales : «Il faut vraiment mettre les acteurs sous contrat-contraintes et ne jamais se fier à leur enthousiasme de travail», ou plus directes, par exemple à propos du metteur en scène Patrice Chéreau et de la pièce Richard II de Shakespeare : «je fus à lOdéon (
) Eh bien, jai trouvé ça beau. Bien sûr, Chéreau narticule pas toujours parfaitement, bien sûr, il y a des mélanges, des fausses audaces, des 'si ça prend' - mais jai pleuré sur la misère métaphysique des rois» ; ou encore sur le comédien et metteur en scène Christian Benedetti, actuellement directeur du Studio-Théâtre dAlfortville : « Pour le reste, Benedetti se prend pour Strehler (
). Tout va, quoi, puisque je taime».
Au long des pages, on suit les craintes, les hésitations, les échecs et les succès dune carrière hors norme. Le combat pour installer son chapiteau sur les anciens abattoirs de Vaugirard, pour monter la première école de cirque avec Alexis Grüss en 1974, et le théâtre devenu aujourdhui le Carré Silvia Monfort. Lexistence de cet ouvrage permet de reparler de cette comédienne de talent qui apporta une pierre essentielle dans lhistoire du théâtre, en continuité de lesprit de Jean Vilar, malheureusement un peu oubliée du grand public aujourdhui.
Actrice populaire bien quexigeante, sa renommée et son passé de résistante lui valaient pourtant dêtre souvent abordée par des admirateurs, même dans des villages de campagne. On découvre une travailleuse acharnée, sur les planches ou sur ses romans, reprenant sans cesse et enchaînant des journées de 14 heures. A travers les lettres transperce lénergie colossale dune femme qui se battait inlassablement pour sa passion, envers et contre tout, surtout envers une santé toujours plus fragile.
Céline Jacq ( Mis en ligne le 01/07/2003 ) Imprimer | | |
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