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Papatrick Buisson
Georges Buisson   L'Ennemi
Grasset 2019 /  25 € - 163.75 ffr. / 25 pages
ISBN : 978-2-246-85463-0
FORMAT : 15,3 cm × 23,5 cm
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La vie de Patrick Buisson, homme de l’ombre, éminence grise, préférant de son propre aveu se tenir «aux premières loges mais jamais en première ligne», méritait-elle un tel pavé ? Oui, apparemment, puisqu’il s’agissait de le jeter dans les eaux sanieuses tout droit sorties d’un essorage de linge familial, avec un maximum d’éclaboussures. Si le personnage n’est pas sympathique (mais quel influenceur œuvrant dans les hautes sphères du pouvoir l’est jamais ?), au moins présente-t-il un réel intérêt pour qui prétend comprendre les rouages de la vie politique française des soixante dernières années. Et puis il y a cette odeur de soufre mâtinée d’huile de ricin qui en font un sujet toujours porteur, et vendeur ; un géniteur délégué à la CGT ou tête pensante de Greenpeace, eût-il été le pire des salopards, n’aurait sans doute pu donner lieu à une telle épopée du discrédit.

On s’est laissé affrioler par l’annonce qui ceignait le volume : «Le secret le mieux gardé de l’extrême droite». Puis intriguer par, sinon un style, du moins une voix qui sourd dès les premières pages, authentiquement douloureuses, mettant en scène un conseil de grands-mères bien décidées à tirer leur (belle-)fille des griffes d’un homme qui la détruit psychiquement et moralement, et dans la foulée à protéger leur petit-fils unique. On a suivi avec intérêt le parcours dudit machiavélique dans les rangs des mouvances ultra-droitistes issues de l’après-OAS (la FEN, Occident, le GUD, etc.) mais là, déjà, la question a surgi… Qu’était-on en train de lire au juste : un essai historique, alors qu’il y en a déjà tant, et de plus sérieux, sur le sujet ? Une enquête sur les coulisses de la droite française, genre bien représenté en librairie également ? Une autobiographie déguisée, sous couvert d’une biographie non autorisée ? On s’est résolu, non sans dépit, à la thèse de plus en plus patente du règlement de compte personnel.

La presse s’est empressée, au moment de sa parution, de souligner les révélations choc contenues dans ce livre, en extrayant les fameuses deux pages et demi où, d’une part, le fils découvre les enregistrements des conversations élyséennes effectués par son père, et où, d’autre part, la relation improbable Buisson-Mélenchon est confirmée, le national-sénestriste ayant demandé au national-dextriste des services pour accéder à certains médias. Si c’est là tenir la tapageuse promesse formulée sur le bandeau…

Au fil des pages, l’intentionnalité de ce récit torrentiel apparaît de moins en moins clairement. Du drame intime vécu par l’ex-épouse de Patrick Buisson – qui dut endurer de voir bafouer ses droits de mère et d’apparaître au final comme la véritable fautive dans la séparation – il n’est presque plus question une fois passée l’adolescence de «Jojo». Cette occultation est dommageable, l’enfant rebelle préférant se mettre en scène sous l’oppressante coupe d’un père verbomoteur, qui le retient jusqu’à pas d’heure pour lui déverser tous les malheurs de sa funeste existence, et va jusqu’à lui faire craquer les cartilages du nez au cours d’une violente attrapade. Mais le pire reste à venir quand Patrick Buisson embringue sa progéniture dans d’obscurs montages financiers, afin de profiter d’avantageuses réductions fiscales et autres incompréhensibles notions comptables à qui n’a pas fait HEC. Autant dire, sans malveillante intention de spoiler le récit, que ces problèmes empêtreront encore Georges Buisson au moment où il mettait le point final à son manuscrit, en septembre 2017…

Et là, le lecteur implore : «N’en jetez plus». Encore pouvait-on accorder un soupçon d’attention aux scènes entre un père autoritaire, pétri de principes cathos ultramontains, et son fils, tout remonté contre lui, jeune coq sortant des ergots qu’il finit toujours par baisser. Par contre, le malaise gagne quand, ayant adopté les mêmes techniques que son paternel (bon, ni mauvais, sang ne saurait mentir, est-ce là la seule morale de l’opus ?), Georges Buisson reproduit en large et en long les conversations captées sur son téléphone, et qui sont ponctuées de laborieux monologues de justification, de détails sur les pertes et profits financiers des deux parties, de redites sur les motivations à agir de chacun… Buisson Jr cesse à ce moment-là d’être l’écrivain que l’on escomptait avoir vu naître, pour se faire le banal transcripteur des paroles de son père, et nous faire entrer dans la logique hyperconstruite (autre appellation du délire) de ce personnage, forcément insupportable. Mais pas moins au final que l’attitude de Georges, ambivalente jusqu’au bout.

Car s’il n’y a pas de tendresse exprimée dans ce livre – et ce jusqu’envers la mère –, il n’y a pas non plus de véritable haine assumée. Parfois même pointe la fascination envers un homme doté d’une culture immense, d’un bagout redoutable, d’une force de travail peu commune, et à qui il est reconnu d’authentiques élans de générosité. Cette mise à distance d’un géniteur trop magnétique qu’il persiste à appeler «Patrick Buisson» empêche au final Georges de trancher avec son père, de définitivement s’en détourner, de le tuer. Mais qu’espérait-il d’autre, en fin de compte, le fiston ? Il ignore donc que les pères n’auraient absolument plus aucun rôle à jouer dans notre société s’ils n’étaient pas là pour nous inculquer le sens de la déception.

En guise de tomber de rideau, un envoi en forme de poème, soufflé d’une ultime haleine, se termine sur cette adresse : «Si tu te remets à crier / “Il n’y aura personne à mon enterrement ! ” / Rappelle-toi mes pauvres mots de réconfort, / Ceux que je prononçais tout bas : / “ Non Papa ! / Je serai là. ”». La belle consolation pour l’opposant à l’avortement (repenti, pour le coup ?) que l’apparition de l’affectueux vocatif qui lui aura été obstinément dénié pendant 700 pages ! Une manière peu élégante, sinon cruelle, de consumer définitivement l’ardent Buisson avant même de l’envoyer ad Patres


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 29/11/2019 )
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