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Essais & documents -> Politique |
| Philippe Alexandre Béatrix de l’Aulnoit La Dame des 35 heures Robert Laffont 2002 / 16,6 € - 108.73 ffr. / 198 pages ISBN : 2-221-09499-9 Imprimer
Une chose est certaine : Philippe Alexandre et Béatrix de lAulnoit, les deux auteurs de La Dame des 35 heures naiment pas Martine Aubry. Pamphlétaires talentueux, ils nous offrent, tout au long dun récit enlevé, un portrait sur le vif, sans concessions, au vitriol pourrait-on même dire, de celle qui sest érigée peu à peu en grande prêtresse du social en France.
Et pourtant, ils nauraient demandé quà l'aimer, la fille de Jacques Delors, cette énarque prometteuse, travailleuse puissante et décidée, chef dentreprise à lécoute chez Péchiney. Mais voilà : Martine Aubry est tombée en politique et sen est enamourée. Grisée même. Les feux de la rampe, grâce à des médias quelle a su si bien maîtriser et qui lont portée au faîte de la popularité, lont rendue ambitieuse, sûre delle-même et de ses convictions (qui ne se discutent pas), tour à tour cassante ou menteuse, dépourvue de la moindre humilité. Philippe Alexandre et Béatrix de lAulnoit sen donnent à cur joie en nous décrivant les très riches heures de Martine Aubry à la tête de ses différentes « uvres », fondation contre lexclusion, ministère du Travail sous le gouvernement Cresson, super-ministère de lEmploi sous le gouvernement Jospin, mairie de Lille où Pierre Mauroy, bon gré mal gré, la choisie comme dauphine.
Le récit de la négociation des 35 heures est loccasion, pour les deux auteurs, de mettre en lumière les méthodes dadministration de Martine Aubry, dignes dun étatisme que lon croyait définitivement oublié. Et louvrage se révèle dautant plus cruel que ceux qui portent la charge contre « Martine », au gré danecdotes savoureuses, sont ceux-là même qui devraient en être les plus proches : partenaires sociaux, Nicole Notat et Marc Blondel en tête, militants socialistes de base ou hiérarques du PS, Jean Gandois, patron progressiste du CNPF, mentor indulgent mais trahi. Sans parler de lhéritage paternel, cette social-démocratie delorienne mâtinée de catholicisme, qui fait de la concertation la pierre angulaire de laction publique, renié par une fille dont les méthodes, selon Marc Blondel, sinspirent plus du Gosplan que de la précautionneuse méthodologie paternelle. Le coup de grâce est porté par le récit du quasi-putsch de Martine Aubry à la mairie de Lille : accueillie comme un messie par une Fédération socialiste du Nord malmenée par les élections, la « madone des 35 Heures » se mue petit à petit, à la stupéfaction des camarades, en « diva » irascible et incontrôlable. Les auteurs népargnent pas plus luvre du ministre, en sinterrogeant sur les conséquences économiques et sociales des 35 heures, fustigées, dune voix quasi-unanime de gauche à droite, des syndicats au patronat.
Lénigme nen est que plus surprenante : comment, avec un tel bilan, certes monté en épingle par deux auteurs auprès desquels « Martine » ne trouve pas grâce, la "dame des 35 heures" rencontre-t-elle encore une popularité si éclatante dans lopinion publique ?
Alexis Vialle ( Mis en ligne le 18/04/2002 ) Imprimer | | |
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