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| Lionel Jospin Le monde comme je le vois Gallimard - Le Débat 2005 / 20 € - 131 ffr. / 328 pages ISBN : 2-07-077443-0 FORMAT : 14,5cm x 20,5cm Imprimer
Lors de sa sortie, il y a quelques semaines, Le Monde comme je le vois a beaucoup fait parler. En pleine préparation du congrès socialiste du Mans, la parution de cet ouvrage marquait-elle le retour de son auteur ? Un soir davril 2002, ce dernier avait pourtant affirmé quil quittait définitivement la scène politique. Sur le moment louvrage était devenu un prétexte et personne ne semblait sintéresser aux thèses défendues par lancien premier ministre. Lagitation qui sétait alors emparée des médias est franchement retombée, ce qui offre désormais loccasion de sintéresser sereinement à louvrage lui-même.
Comment Lionel Jospin voit-il le monde ? Fait-il entendre une voix discordante ou à tout le moins originale sur les problèmes du moment ? A-t-il progressé dans son analyse des causes de léchec du 21 avril ? Remet-il en cause la politique menée entre 1997 et 2002 ?
A la plupart de ces questions il faut répondre par la négative. Lancien premier ministre passe en revue la plupart des problèmes du monde contemporain, mais ses analyses, ennuyeuses le plus souvent, ainsi que ses propositions, se distinguent surtout par leur banalité. De ce point de vue, les titres des paragraphes du second chapitre, consacré à la mondialisation, sont révélateurs : «Tempérer le libre échange», «Rééquilibrer la vision de léconomie», «Les dangers de la financiarisation», «Pour une gouvernance globale», «Vers un nouveau multilatéralisme», «Construire un monde commun» : aménager, tempérer ce qui existe, faire du neuf avec du vieux en évitant de faire des vagues, tel est le projet de Lionel Jospin, devenu socialiste juste-milieu. Existe-t-il dans ces conditions une vision jospinienne ?
Probablement pas : Lionel Jospin est un gestionnaire plus quun visionnaire, et, de fait, il faut attendre le milieu de louvrage et le chapitre intitulé «Le mal institutionnel français» pour trouver trace dun véritable engagement personnel de lauteur, prompt à dénoncer les méfaits de la cohabitation. Analyste anonyme pas franchement inspiré tout au long du livre, Lionel Jospin devient, dans ces quelques pages hélas trop courtes, témoin engagé. On retrouve alors lhomme pétri de certitudes, volontiers moralisateur et donneur de leçons. Sil ne rate pas une occasion dégratigner la politique menée par la droite depuis 2002, il nexprime pas le moindre doute sur son action à la tête du gouvernement. Le paradoxe du 21 avril reste donc entier : lélimination du candidat socialiste serait le fruit de la seule division de la gauche et de léparpillement des voix. Et Lionel Jospin dajouter que pareille mésaventure aurait bien pu arriver au candidat Chirac. Certes, mais quest-ce qui a poussé ces électeurs de gauche à se disperser, à voter pour dautres ? Sur ce point, lauteur préfère esquiver, tergiverser que de sinterroger vraiment.
En labsence danalyses visionnaires ou propositions fécondes, Le Monde comme je le vois napporte pas grand chose au débat public, ni même au débat interne au PS. Tout compte fait, il nest guère étonnant que la presse nait point jugé utile de se pencher longuement sur cet opus mineur.
Raphaël Muller ( Mis en ligne le 28/11/2005 ) Imprimer
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