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Le droit du plus fort ?
Pierre Merle   L'Elève humilié - L'école : un espace de non-droit ?
PUF - Education et formation 2005 /  19 € - 124.45 ffr. / 214 pages
ISBN : 2-13-055014-2
FORMAT : 13,5cm x 21,5cm

L'auteur du compte rendu: titulaire d’une maîtrise de Psychologie Sociale (Paris X-Nanterre), Mathilde Rembert est conseillère d’Orientation-Psychologue de l’Education Nationale.
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«Ectoplasme décérébré» : c’est ainsi que tel enseignant désigne un de ses élèves. «L’usage du corrector (blanco) est interdit», précise curieusement tel règlement intérieur d’établissement. Deux procès intentés à des instituteurs par les parents d’élèves pour violences à l’égard d’enfants se soldent dans un cas par une condamnation, dans l’autre par un acquittement. Question complexe que celle du droit dans l’école ! Pierre Merle, sociologue enseignant en IUFM, qui publie depuis une dizaine d’années, s’y attelle dans cet ouvrage court (200 pages) et simple à lire. Il intéressera en premier lieu les conseillers principaux d’éducation, chefs d’établissements et enseignants. Si le titre est provocateur, le contenu l’est beaucoup moins. L’Elève humilié induit en erreur : Pierre Merle s’intéresse finalement peu aux sentiments des élèves. Son approche est plus juridique que psychologique.

En effet, seule la première partie concerne l’humiliation des élèves. L’auteur a interrogé 500 étudiants en IUFM, leur demandant de «donner un exemple de (leur) scolarité d’un droit respecté ou non respecté» (soit vécu personnellement, soit observé). Il met de côté certains exemples d’«humiliation» qui résultent d’un malentendu entre professeur et élève : par exemple, une remarque telle que «tu peux faire mieux» peut être mal vécue par l’élève alors que l’enseignant a l’impression de le valoriser. Parfois aussi, l’intérêt d’un enseignant pour les difficultés personnelles d’un élève, qui part d’une bonne intention, est considéré par celui-ci comme une intrusion dans sa vie privée. Merle se centre donc sur les humiliations «réelles», distinguant celles qui relèvent du rabaissement scolaire (remarque visant l’élève en tant qu’élève) et celles qui relèvent de l’injure (remarque visant l’élève en tant que personne).

L’enseignant peut mettre en cause publiquement un élève de façon individuelle, par exemple lors d’un passage au tableau, ou en rendant les copies «faibles» avec un commentaire ironique. Mais le rabaissement peut aussi être collectif : par exemple, en plaçant certains types d’élèves dans tel espace de la salle de classe. A un niveau qui dépasse celui de la relation entre enseignants et élèves, la constitution de classes de niveau peut venir d’une politique plus ou moins avouée de l’établissement. L’injure, elle, qui vise la personne et non plus simplement l’élève, est liée à l’«idéologie du don» (on retrouve ici l’influence de Bourdieu, souvent cité par Merle), la hiérarchie des disciplines scolaires et le jugement de classe. L’auteur propose donc une double interprétation de l’humiliation scolaire : d’une part, elle est le produit de l’idéologie scolaire de classement, qui autorise la mise en exergue de l’élève faible ; d’autre part, le jugement de l’enseignant a à voir avec la hiérarchie sociale générale. Reste à savoir pourquoi certains enseignants font appel à cette pratique d’humiliation. Merle l’explique par le sentiment d’impuissance et de perte d’efficacité de la réglementation scolaire qui affecte les enseignants.

La deuxième partie de l’ouvrage traite du droit des élèves dans l’institution scolaire à partir de trois enquêtes : l’audit des collèges réalisé en 1998 en réponse à une demande ministérielle, des entretiens avec des écoliers, collégiens et lycéens à partir de la question «qu’est-ce que tu as comme droits en tant qu’élève ?», et enfin une analyse des lois, décrets, circulaires et règlements intérieurs portant sur le droit des élèves. Né après 1968, le concept de «droit des élèves» prend de l’ampleur dans la loi d’orientation de 1989 qui met l’élève au centre du système éducatif. Merle montre que ces droits (par exemple d’association, d’expression…) sont plutôt méconnus des élèves, qui en ont parfois une vision qualifiée par l’auteur de «syndicale» : «on a le droit d’avoir de bons profs», clament certains élèves… Certains d’entre eux croient avoir le droit de grève, qui n’existe pourtant pas. Il confondent la règle (il n’y a pas de droit de grève) et l’usage (dans de nombreux lycées, l’absence pour cause de grève est tolérée).

Merle montre dans la troisième partie que les règlements intérieurs sont souvent marqués par une asymétrie entre enseignants et élèves. Le respect des droits de la défense (principe du contradictoire) n’est pas toujours assuré, ni l’obligation de motiver les sanctions disciplinaires. La définition de la faute et l’appréciation des faits par les professeurs et par le chef d’établissement peuvent poser problème. En 2000, les établissements scolaires ont dû réviser leurs règlements intérieurs avec de nouvelles dispositions. Un règlement est en effet censé se conformer aux principes généraux du droit. En ce qui concerne les sanctions par exemple, sont exigés la légalité, le principe du contradictoire, la proportionnalité et l’individualisation. Malgré ces dispositions, remarque Merle, nombre d’établissements ont gardé leurs habitudes, que le sociologue nomme un «modèle répressif» qui fait de l’établissement un «no man’s land juridique».

D’autres établissements cependant adoptent un «modèle des droits et devoirs effectifs» selon lequel il existe des obligations générales qui s’appliquent à tous, non limitées aux seuls élèves. Dans ces règlements intérieurs, le droit de punir est limité et les droits des élèves sont présentés de façon détaillée.


Mathilde Rembert
( Mis en ligne le 14/11/2005 )
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