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Cogito ergo ''Boum''
Elisabeth Lévy   La Gauche contre le réel
Fayard 2012 /  19 € - 124.45 ffr. / 319 pages
ISBN : 978-2-213-62771-7
FORMAT : 13,5 cm × 21,5 cm
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Il y a une chose singulière de nos jours concernant la liberté d'expression, c'est qu'on ne peut s'exprimer librement qu'avec des personnes partageant notre propre opinion. Un paradoxe colossal se cache ainsi dans la démocratie issue des Lumières, donc de la pensée critique : comment avoir des opinons, être capable d’argumenter, et ne pas être inquiété justement de penser et d'argumenter ?...

C'est ce débat de fond que soulève Élisabeth Levy dans son livre. Ceux qui se battaient pour la liberté d'expression prenaient auparavant de vrais risques (libertins, athées, de surcroît blancs et occidentaux) et il est normal qu'ils soient défendus, surtout si l'on n'est pas d'accord avec eux. Défendre ce principe n'est pas épouser leur avis. Ces trublions d'antan portaient le feu de leur critique contre les institutions d'alors au péril de leur vie. Par un retournement sidérant, les descendants de ces trublions, trublions qui, rappelons-le, défendaient la liberté d'expression et semaient le trouble et le doute, sont devenus les tenants d'une rigoureuse doxa.

Ils seraient éminemment respectables et démocrates s'ils acceptaient à leur tour le débat, les opinions contradictoires. Mais voilà : ils se sont mis à exclure, à faire des listes, à lyncher médiatiquement, à demander des sanctions, à user plus de leur émotion que de leur intellect sous prétexte qu'ils ont forcément raison de penser ce qu'ils pensent, sauf que cette raison qui devrait les gouverner a été abandonnée pour l'invective, l'avis péremptoire, le ressenti, l'inverse précisément de la raison, de la démocratie, de la pensée critique. Ils sont devenus les censeurs, similaires à ceux d’antan, passant de victimes à «bourreaux», phénomène de mimétisme caractéristique et qui se trouve justifié à leurs yeux par le fait que le racisme et autres discriminations sont des délits. Mais peuvent-ils avoir obligatoirement raison sur ce point en qualifiant tel ou tel de raciste, d’homophobe, ne laissant aucune marge de manœuvre à leurs antagonistes ?

On peut aller plus loin : si quand bien même ils ont raison de qualifier Éric Zemmour, Elisabeth Levy, Philippe Muray, Robert Ménard (et Marine Le Pen...), de racistes, en quoi ne seraient-ils pas tenus d’argumenter raisonnablement face à eux ? On sait que le plus sûr moyen de terrasser un ennemi est de lui opposer tranquillement faits et arguments plutôt que de l’exclure du débat et de le destituer publiquement en accumulant des procès qui servent de parades : cela ne règle pas la réalité et couvre d’un sceau moraliste la complexité et l’ambiguïté du réel. Être démocrate se vérifie dans les faits. L'inverse relève plutôt de méthodes policières. D’ailleurs, si l'on est logique, soit on interdit Le Pen et les autres, soit, dans une démocratie, on argumente contre eux pour réduire à néant leurs idéologies fumeuses. Car quand ils ne sont pas racistes, ils sont réactionnaires. En quoi d’ailleurs être un néo-réactionnaire ou un conservateur serait-il interdit et déloyal, au point d’être rayé de la carte intellectuelle et sociale, idéologiquement embastillé par cette gauche moralisatrice ?...

Le livre d’Elisabeth Levy met l’accent sur ce point. Le titre est ambiguë car elle ne vise pas la gauche dans son ensemble mais une certaine gauche moralisatrice et inquisitoriale qui a fait main basse sur ce qu'il fallait penser de bien ou de mal. Être de gauche est bien et être de droite est mal. «Puisque le réel leur déplaît, le réel sera frappé d'illégalité», écrit-elle (p.14). Autre paradoxe.

Notons que ces querelles en disent long sur les humeurs intestines qui gouvernent l'être humain dans son rapport à autrui. Accepter l'altérité, c'est tolérer que l'autre ne soit pas d'accord avec soi et ne rien faire pour le destituer, l'accepter pour ce qu'il est, surtout s'il n'est pas de son propre avis. Si l’on suivait ce simple précepte, tout ce tohu-bohu n’existerait pas. Quand on a constaté chez l’être humain cette propension à dessiner une image honorable de soi au détriment de la réalité des faits, on comprend qu'il devient facile de s’auréoler d’un «cordon sanitaire» et de trouver des boucs émissaires faciles. Comme si ceux qui instituent des listes pouvaient être sans tache, propres sur eux, sans mal et sans ombre, bref surhumains. C’est oublier que la jalousie, le ressentiment, l’acrimonie, l'esprit de revanche n’ont pas d’étiquette politique et qu’il serait bien présomptueux de s’en croire absout.

La conception dogmatique de l'histoire irait dans le sens de la gauche, qui vit Albert Camus qualifié «d’homme du Figaro» face à Jean-Paul Sartre. On nous sert aujourd'hui le même couvert sous le sceau de progressisme, des droits de l’homme, de l’antiracisme et de l’homophobie. A être aussi virulent, ce dogme cache-t-il des intérêts financiers (l'invention de ''nouveaux'' racismes comme course à la subvention ?) ou une stratégie de prédation, voire le besoin de se ''refaire une santé de gauche'', comme le dit l’auteur à plusieurs reprises ?...

Les cabales, note Élisabeth Levy utilisent des «arguments» datant des années trente (antifascisme, antiracisme, etc.), à une époque où la HALDE s’en prend aux manuels scolaires («place des stéréo­types et des discriminations dans les programmes scolaires»), commandés à l'université de Metz moyennant 38000 euros payés par le contribuable. Une agence publique comme celle-ci, fondée par Jacques Chirac, indiquerait bien que les obsessionnels combats antidiscriminateurs cachent en fait tout autre chose puisqu’ils ne sont plus isolés comme auparavant mais sont devenus un refrain fredonné en masse. C'est tout l’art de faire croire que l’on est dans la révolte alors qu’on a les pieds dans la norme. Le philosophe Clément Rosset notait que lutter pour la tolérance recélait en son sein une contradiction majeure dans l'idée que l'on exclut ceux qui ne luttent pas pour la tolérance instituée. La tolérance ne se négocie pas comme la bonté.

Écrit dans un style simple et vif, le livre d'Élisabeth Levy tente de faire entendre cette voix face à une pensée circulaire et narcissique, qui croit instituer un homme dépouillé de la moindre ambiguïté ou de pensées mauvaises. Il y a même là pour elle un travers clinique, anthropologiquement parlant, car sous prétexte de tolérance, ces gens ne tolèrent plus qu’eux-mêmes. Il s’agit d’un étrange combat purificateur que de croire que l’on va éradiquer la jalousie, la haine, le ressentiment de l’âme humaine. A ce compte, des auteurs comme Flaubert, Maupassant, Molière, Nietzsche, Schopenhauer, Marcel Aymé, Clément Rosset, Claude Levi-Strauss et tant d’autres sont aussi des réactionnaires.

Élisabeth Levy revient sur le fait que si les antiracistes dénoncent le colonialisme comme étant blanc et occidental, ils stigmatisent bien une ethnie (celle-là est permise) alors qu’ils purifient d’emblée toute autre ethnie considérée comme ne posant aucun problème. Ce n’est guère œuvrer pour l’égalité. «On applaudit Diam's quand elle chante, coiffée du foulard isla­mique, «Ma France à moi, elle parle du bled», mais parler de son village du Cantal ou de basse Norman­die est déconseillé — mieux vaut être bledouillard que franchouillard», écrit l'auteur. L’erreur est de croire que les réactionnaires critiquent telle ethnie dans son essence alors qu’il ne s’agit pas de cela. Étrange stigmatisation de l’occident qui a apporté la pensée critique et autocritique dont se servent justement les antidiscriminateurs en la retournant contre eux-mêmes, comme le relevait Cornélius Castoriadis dans Les Carrefours du labyrinthe IV.

Élisabeth Levy aborde ainsi la cabale lancée par Daniel Linderberg avec son livre Les néo-réactionnaires, l'Affaire Zemmour, quand celui-ci déclara : "Les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes… C’est un fait !» ; ou l’affaire du député Vaneste quand il affirma qu’il n’y avait pas eu de déportations homosexuelles venant de France, ce qui se révéla juste quand on interrogea Serge Klarsfeld, mais auparavant il y eut une indignation quasi unanime. La vérité sort-elle de la bouche des victimes ? Ces dernières peuvent-elles demander n’importe quel droit sous prétexte qu’eux ou leurs ancêtres ont été victimes? Le problème surgit quand la victimisation remplace la réalité des faits ; c’est dire sa puissance de nuisance.

Les faits sont pourtant là à foison ; le dernier en date est l’éviction pour une raison officieuse par deux maisons d’édition de l’écrivain Renaud Camus qui avait appelé à voter Marine Le Pen. Si l’on peut ne pas être d’accord avec lui, il est important de défendre un homme qui a le droit de penser ce qu’il pense sans être inquiété pour ses opinions. C'est aussi inclus dans la Déclaration des Droits de l'Homme.

Voici donc un livre salutaire... surtout si l’on n’est pas d’accord avec sa thèse.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 20/06/2012 )
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