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''Je préfère ne pas...''
 Collectif   Le Symptôme Bartleby, ou le travail réticent
Kimé - Détours littéraires 2020 /  24 € - 157.2 ffr. / 240 pages
ISBN : 978-2-84174-982-9
FORMAT : 14,5 cm × 21,1 cm

Sous la direction d'Eric Dayre, Florence Godeau, et Eric Hamraoui
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. «Dans la glorification «du travail», dans les infatigables discours sur la «bénédiction du travail», je vois la même arrière-pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond on sent aujourd’hui, à la vue du travail – on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir – qu’un tel travail constitue la meilleure des polices, qu’il tient chacun en bride et s’étend à entraver puissamment le développement de la pensée, des désirs, du goût de l’indépendance. Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l’amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin» (Nietzsche, Aurore)

En 1856, Hermann Melville (1819-1891), publie une nouvelle devenue célèbre, Bartleby, souvent adaptée au cinéma, et qui met en scène un employé qui refuse d’accomplir une tâche, ce qui entraîne une catastrophe humaine sans précédent dans la vie du patron, celle de son subalterne, et l’entreprise. Le texte est évidemment engagé et épouse la condition de cet être réticent qui se met en opposition silencieuse avec un système établi, qui plus est bête et autoritaire.

Une équipe de chercheurs lyonnais a publié des travaux autour de la question de la réticence au travail d’après cette nouvelle de Melville, auteur de romans classiques tels Pierre ou les Ambiguïtés (1839) ou Moby Dick ou la baleine blanche (1841). De la littérature (en passant par l’intertextualité, la paralittérature et autres matériaux analytiques) à la sociologie, il y a ce pas que font les universitaires réunis ici, pour puiser dans l’œuvre de Melville de quoi nourrir une réflexion pluridisciplinaire sur le système néo-libéral que les salariés subissent depuis un demi-siècle. En dépit de la difficulté à appréhender une telle somme d’informations, de références et d’interprétations, le lecteur peut puiser des concepts tout à fait stimulants sur la thématique funèbre et contemporaine du «travail-labeur-horreur».

L’idée de réfléchir sur un tel sujet de société est une très bonne chose, mais cette publication, réservée aux experts des sciences sociales voire des humanités, n’aura pas l’impact souhaité auprès d'un lecteur non spécialiste mais non moins intéressé par cette réalité : le travail, au-delà des enjeux de domination, d’inégalité des salaires, voire d’aliénation, est devenu fou, sans contrôle, et s’apparente de plus en plus à ce que Hannah Arendt appelait «la banalité du mal», dynamique par laquelle le zèle et la folie libérale entraînent des comportements inappropriés voire inhumains (Arendt utilisait cette notion pour le nazisme qui a su puiser dans les fondements du rapport malsain «employé/patron»). La nouvelle de Melville est symptomatique de ce que nous vivons ; la seule issue, autre que la réticence, est le suicide (le personnage de Bartleby se laisse mourir).

N’échappant hélas pas aux défauts classiques des études universitaires hermétiques, ce recueil, plus accessible sur les derniers textes sociologiques, reste néanmoins globalement peu attractif. C’est la faiblesse de ce type de publication qui semble vivre dans un circuit fermé et corporatiste ; nous avons ici des universitaires qui ont tendance à s’adresser à leurs collègues, voire à leurs étudiants, ce qui réduit considérablement la portée de tels travaux, pourtant essentiels, en dépit du relatif silence (cette fois-ci ne venant pas de Bartleby mais du pouvoir en général) qui pèse sur cette problématique de plus en plus inquiétante et dont les principaux instigateurs continuent d’œuvrer sans le moindre contrôle.


Simon Anger
( Mis en ligne le 07/12/2020 )
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