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Le vrai bureau des légendes
Sergueï Jirnov & François Waroux    KGB DGSE - 2 espions face à face
Mareuil éditions 2021 /  19 € - 124.45 ffr. / 203 pages
FORMAT : 14,0 cm × 21,5 cm

Martin Leprince (Interviewer)

Eric Denécé (Préfacier)

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Serguei Jirnov, espion du KGB puis du SVR de 1984 à 1992, fut longtemps responsable de l’infiltration et de la gestion des agents illégaux à l’étranger. Parlant parfaitement le français, il put approcher les cercles de décision et passer deux ans à l’ENA sous couvert d’études, sans être inquiété. François Waroux, officier traitant (OT) du SDECE puis de la DGSE de 1977 à 1985, a opéré aux Etats-Unis pour le renseignement industriel et économique, ainsi qu'en Éthiopie et au Pakistan comme chef de poste. Il a appris dans ce but l’Amharique et l’Ourdou. Les deux hommes ont participé ensemble à ce recueil d’entretiens, interrogés par Martin Leprince.

De 1947 à 1991, un conflit idéologique a opposé l’URSS et ses pays satellites aux occidentaux. Pendant la Guerre froide, le renseignement était essentiel, entraînant souvent une vraie paranoïa. Les deux hommes lèvent le voile sur les aspects quotidiens de la vie d’un officier traitant, apparemment monotone, loin des clichés cinématographiques et de James Bond ; ils réfléchissent à leur utilité, leurs limites - pratiquement inexistantes - et l’avenir de leur profession. Ils manipulaient des individus pour qu’ils trahissent leur pays en révélant des informations ou en transmettant des documents confidentiels. En fait l’OT ne fait pas le sale boulot, c’est l’agent sur place qui prend le plus de risques. Ils orientent les esprits et trichent par tous les moyens possibles pour arriver à leur fin ; au nom de la raison d’Etat, leur champ d’action est illimité.

Pendant la Guerre froide, l’URSS, fondée sur un système idéologique et un pouvoir autocratique, avait pour principal objectif la conquête mondiale, avec des moyens correspondants, une technologie adaptée bien qu’un peu obsolète, un nombre important de personnels dans tous les pays. Le KGB était le bras armé du parti unique ; il a participé à la création des goulags, aux purges staliniennes. La France, beaucoup plus modeste, se concentrait sur l’espionnage économique pour maintenir sa place dans le jeu diplomatique.

Le mot espion est péjoratif, et ne concerne que les services secrets ennemis. Eux sont des officiers traitants, ils se considèrent comme des hommes du renseignement, dirigeant et formant les agents de terrain qui doivent se procurer les secrets des forces adverses. En France, les basses besognes sont effectuées par le Service Action. Dans l’affaire Ben Barka, qui fut enlevé en 1965, on a enfin su que le Mossad avait tout orchestré en remerciement du Maroc pour service rendu, en tuant et enterrant l’opposant au roi Hassan II avec le général Oufkir - lui-même assassiné plus tard -, sans l’aval de de Gaulle, sur le sol français où les services secrets français n’ont joué qu’un rôle anecdotique. Dans la tragédie du Rainbow Warrior, un photographe portugais est mort à cause du plan foireux français.

Le Vatican, sans structure officielle, a un très bon réseau d’information dans le monde catholique... bien qu’un peu soudoyé par la mafia : les hautes instances catholiques savent nager en eau trouble (loge P2, directeur de la banque Ambrosiano du Vatican, trouvé suicidé sous un pont londonien, malencontreusement pendu). Au palmarès du KGB, on peut mettre l’attentat raté du pape Jean-Paul II, les services bulgares n’étant que des exécutants.

Aujourd’hui la technique a beaucoup évolué, les deux intervenants sont un peu dépassés, l’ennemi a changé, bien que Poutine, ancien officier raté du KGB, contrairement à sa légende, maintienne partout la pression. «Nos alliés d’aujourd’hui sont nos ennemis de demain». L’espionnage est éternel, depuis Moïse qui a envoyé douze hommes en espions au pays de Canaan, il est inhérent à la nature humaine. La guerre s’est déplacée géographiquement depuis le 11 septembre 2001 (la CIA aurait fabriqué Ben Laden). Chaque pays a des visées hégémoniques pour intoxiquer l’ennemi, lui faire perdre ses repères.

Le constant le plus important de ces entretiens est le suivant : par leur fonction, ces deux spécialistes du silence ou de la parole tronquée, du secret et de la dissimulation... n'inspirent pas confiance, ils ne livrent que des informations banales, éventées, et la fin du livre laissera le lecteur dans une profonde frustration. Les deux hommes s’amusent, loin des vrais enjeux et de leurs méthodes réelles.

La préface et la postface d’Eric Dénécé sont remarquables de concision et très didactiques ; elles éclairent plus la lecture que l'entretien. Qui nous dit que Serguei Jirnov, officiellement en délicatesse avec la Russie, ne vit pas en France sous légende ?... «Ce qui travaillait la tête était davantage le secret que le danger. Le secret pèse lourd. Ne pas pouvoir se confier ou avoir l’obligation de se souvenir à chaque moment de tous les détails de sa légende demande un important travail sur soi».


Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 10/05/2021 )
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