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Une Fatwa contre les « Bo-Bo » | | | Philippe Muray Chers djihadistes... Mille et une nuits - Fondation du 2 Mars 2002 / 9.01 € - 59.02 ffr. / 118 pages ISBN : 2-84205-649-3 Imprimer
La lettre ouverte que Philippe Muray adresse aux « chers djihadistes » est un coup de billard à deux bandes. Car, feignant décrire aux séides de Ben Laden, il sadresse avant tout à lhomo festivus également connu sous l'appellation « bourgeois-bohème », en tant que produit achevé de cet Occident soi-disant menacé par le Péril Vert. Philippe Muray se fait faussement pédagogue, sattelant à expliquer aux terroristes pourquoi les occidentaux « mous », occupés seulement de « faire la fête », auront raison de leur détermination kamikaze. Ces « chers djihadistes » se sont donc trompés en croyant s'attaquer à une civilisation, en visant lOccident et ses valeurs : tout cela nexiste plus depuis belle lurette, parti en fumée, non pas dans les décombres du ground zero à New York, mais dans le confortable renoncement quotidien à la Raison, à lesprit critique, à la recherche de lautonomie individuelle.
Cette exercice épistolaire est donc une énième charge de Philippe Muray contre la nouvelle religion dominante, le credo cathodique, et son évangile faussement anti-conformiste. Dans ce quon appelle de façon rapide lOccident, la déconstruction est devenue, assène l'auteur, la forme de la modernité. Et le Média, son Église. On retrouve donc les thèmes développés par Philippe Muray dans son roman-fleuve On ferme et ses essais (Après lHistoire I et II, Désaccord Parfait) : le mythe de la fin de lhistoire (Muray est un lecteur passionné de Kojève), la nullité de lart officiel, la logorrhée droits-de-lhommiste, la tendance à lannihilation de la différence (en premier lieu sexuelle), le marketing ersatz de la philosophie, bref, un Digest de la médiocrité de notre époque.
Moralité, et pour en revenir aux djihadistes, les attentats ont bien failli compromettre le bon déroulement dHalloween. Heureusement, et tout est bien qui commence bien, le clip de CNN sur les tours fumantes na pas empêché la fête des morts bidon de triompher. Mieux encore ! Les cohortes de fausses sorcières auraient, autorités politiques et religio-médiatiques dixit, montré la cohésion et la force morale de lOccident, décidé à « faire la fête » malgré tout. Et limage des sorcières de carton-pâte dapparaître comme un prélude à une chasse aux sorcières bien réelle, celle-ci, contre les opposants extérieurs et les dissidents intérieurs à lEmpire et à son « despotisme de la joie ». Celui-la même dans lequel sest dissous lOccident et que les djihadistes ont cherché à faire vaciller avec des boeing kamikazes. « Vous êtes les premiers démolisseurs à sen prendre à des destructeurs ; les premiers Barbares à sen prendre à des Vandales. »
Au total, la charge de Philippe Muray est jubilatoire et serait réjouissante, si elle n'était pas aussi systématique ! Sa colère donne trop souvent leffet de nêtre quun effet de style, oratoire. On le préfère donc lecteur de Céline ou explorateur du XIXe siècle (Le XIXe siècle à travers les âges) plutôt que « pourfendeur de bo-bo ». Pourtant, ses charges contre les lieux communs de lère médiatique sont séduisantes, voire hygiéniques. Au lecteur davoir un peu de patience.
Vianney Delourme ( Mis en ligne le 25/01/2002 ) Imprimer | | |
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