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Islamophobie dans les médias | | | Vincent Geisser La Nouvelle Islamophobie La Découverte - Sur le vif 2003 / 6.40 € - 41.92 ffr. / 122 pages ISBN : 2-7071-4060-0 FORMAT : 12 x 19 cm Imprimer
Dans son essai sur «la nouvelle islamophobie», Vincent Geisser se propose détudier un racisme anti-musulman propre à la société française. Néanmoins, après quelques pages, lessai se lit davantage comme un pamphlet, un réquisitoire sévère à légard des médias pour leur traitement de la réalité musulmane en France. Lauteur distingue lislamophobie de la xénophobie traditionnelle par le rejet qui se fixe non plus sur lorigine mais sur le référent religieux. La religion musulmane devient «comme le marqueur identitaire entre Nous et Eux». Ce racisme nest pas exclusif à lextrême-droite, il a investi toute la société : «discriminations islamologues» au travail, prises de positions islamophobes dhommes politique modérés, et surtout une «islamophobie médiatique» inquiétante.
Louvrage aurait gagné à sintituler Islamophobie dans les médias. Vincent Geisser pousse, tout au long de quatre chapitres qui composent son essai, un cri du cur à leur encontre. La presse, victime du manque de connaissances des journalistes sur la réalité musulmane ou pire, victime dune «érudition profane», a pour lessentiel un rapport fantasmé à lislam. À travers cet «islam imaginaire», elle participe «à la diffusion et la légitimation dun certain nombre de préjugés». Ainsi, quelle que soit la couleur politique des journaux, lislam est trop souvent réduit à lislamiste : «les islamistes tendent à devenir la norme des représentations médiatiques».
Pour cautionner leur point de vue, les médias excluent de la scène la pensée savante, marginalisant la parole des islamologues, des sociologues et de politologues. Geisser sattache à montrer comment cette «banalisation de lislamophobie» est orchestrée dans la presse par quatre acteurs complices : le journaliste néophyte, le «nouvel expert de la peur», le «musulman islamologue» et le «théoricien de la nouvelle Judéophobie». Proches de lextrême-droite et usant de méthodes scientifiques douteuses, les «experts» brandissent la menace dune «France en danger dislamiste» pour promouvoir «une gestion sécuritaire du dossier islam» et faire valoir lexistence dun «racisme anti-français». Dans cette «compétition victimaire», ils rejoignent les «théoriciens de la nouvelle Judéophobie», ces universitaires en
sciences sociales qui ne veulent voir lantisémitisme que sous les traits de «jeunes arabo-muslumans». Le «musulman islamologue», représente la caution «ethnique» des médias. Cette expression désigne des musulmans issus du milieu associatif ou des intellectuels libéraux maghrébins. Les premiers mettent en avant la «benladenisation des banlieues». Les seconds importent sur les plateaux de télévision un combat idéologique mené contre les islamistes dans leurs pays dorigine. Ainsi est mise en scène une vision manichéenne de lislam : le «bon musulman» ouvert à lOccident et le «méchant islamiste» qui convertit en masse dans nos banlieues.
Quelle que soit lempathie du lecteur pour les idées développées dans louvrage, il est difficile de ne pas en sortir déçu, voire frustré. La promesse affichée par un titre provocateur et efficace nest pas tenue : la première moitié de lintroduction pour une étude de lislamophobie en général, quelques lignes dogmatiques pour lhistorique. Lessai paraît confus, écrit trop vite, les enjeux sont mal hiérarchisés : cinq pages sont consacrés aux «affaires Fallaci et Houellebecq» contre deux sur le voile à lécole. Et surtout, cette réalité de terrain soi-disant non traitée dans les médias nest pas davantage rapportée par Vincent Geisser, qui limite par cet oubli la pertinence de son argumentation. Lexcès daffirmations et les raccourcis théoriques se révèlent vite insuffisants, sauf à donner un blanc-seing à lauteur, islamologue, «docteur es pensée savante». On pourra noter également un recours un peu trop systématique au spectre de lextrême-droite afin de désavouer par le soupçon des prises de positions ou des éditoriaux, sans faire leffort de les discuter.
Cette façon de procéder, qui marque comme la volonté dinterdire certains débats, pourra agacer les lecteurs lassés des excès du politiquement correct. Enfin, notons que si lislamophobie sert les partisans du «tout sécuritaire», elle nest pas non plus dénuée dintérêt pour les libéraux. Ainsi les promoteurs dune laïcité ouverte sappuient également sur la menace islamiste, afin déviter linterdiction du voile à lécole : «exclure (
), cest ouvrir une voie royale aux écoles coraniques» (Mouloud Aounit, secrétaire national du Mrap «Les Véritables défis de la laïcité», Marianne, le 27 octobre 2003).
Thomas Sarret ( Mis en ligne le 02/11/2003 ) Imprimer | | |
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