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The show must Gottschalk !
Catherine Sauvat   Le Pianiste voyageur - La vie trépidante de Louis Moreau Gottshalk
Payot 2011 /  16 € - 104.8 ffr. / 174 pages
ISBN : 978-2228906524
FORMAT : 15 x 24 cm
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Lorsque en 1853, après dix années de triomphes sur le Vieux Continent, le jeune prodige revient en héros à La Nouvelle-Orléans, personne ne l’attend sur le quai : chacun est convaincu qu’il a péri sur le Mississippi, dans l’explosion de son vapeur. Quatre ans plus tard, les journaux annoncent sa mort de la dysenterie à Cuba. À Porto Rico, en 1858, alors que la scène s’est effondrée sous son piano, on le confond avec le cadavre d’un homme retrouvé comme lui dans les décombres. Lors de sa grande tournée américaine, il voyage dans un wagon de marchandises, en compagnie de deux cercueils. En 1865, à Panamá, l’hôtelier refusera de reconnaître ce fantôme. Sa vie est peuplée de macchabées : victimes de la guerre civile (1863), insurgés de Lima (1865), cholériques de Buenos Aires (1867)… Il meurt pour de bon en 1869, dans les environs de Rio, d’une syphilis soignée à l’arsenic ; il s’est écroulé sur scène après l’ultime exécution de son plus pathétique succès : Morte !!

Et pourtant, quel meilleur vivant que Louis Moreau Gottschalk ! Sa biographe énumère les conquêtes du dandy : la diva Jenny Lind, la demi-mondaine America Vespucci (sic), ou encore l’ardente féministe Ada Clare, prêtresse de l’amour libre, adepte du « people » avant l’heure, n’hésitant pas à brandir la menace de son suicide par voie de presse. Une obscure affaire de mœurs, fin 1865, obligera notre homme à quitter San Francisco en catastrophe, pour entamer l’interminable tournée sud-américaine dont il ne reviendra pas. Sa vie, du reste, ressemble une fuite permanente. Il a calculé le nombre de miles parcourus en deux ans sur le territoire américain : 95 000 ! Vingt années de carrière, dix mille concerts : on jurerait que c’est pour lui qu’Érard a inventé le piano à échappement. Ce personnage digne des Mystères de l’Ouest, acclamé de New York aux saloons de Californie (où il achète une mine d’or), aura connu, selon ses termes, « une existence de sac de nuit ». « Ma maison, dit-il, est quelque part entre la soute à bagages et le wagon de queue. »

Mais qu’est-ce qui fait courir Gottschalk, et pourquoi ses admiratrices s’arrachent-elles ses mèches et ses gants de chevreau ? Un physique de bellâtre, certes, mais surtout une technique « colossale » qui lui vaut à Paris, dès treize ans, la reconnaissance méfiante des virtuoses Thalberg et Kalkbrenner et celle, sincère, de Chopin. Sans oublier les dettes léguées par son père, imprudent entrepreneur juif marié à une créole fort dépensière. En un clin d’œil, voici leur fils transformé en bête de cirque, que Barnum n’aura de cesse d’accueillir dans son écurie. À Paris, Gottschalk apprend de Chopin l’art de pâmer les femmes et, de Berlioz, celui des « concertos monstros », qu’amplifie sa démesure américaine. À La Havane, en 1859, il dirige huit cents musiciens dans sa Nuit des Tropiques et à Rio, deux mois avant sa mort, cinquante-six pianistes dans une paraphrase délirante de Tannhäuser ! Rompu au show-business, il n’oublie jamais de trousser, dans les pays qu’il traverse, un Grand Caprice cubain de bravoure ou quelque pompeuse Fantaisie triomphale sur l’hymne brésilien.

Mais son titre de gloire est d’avoir été le premier musicien « sérieux »à mâtiner son répertoire, sans singerie, d’exotisme tropical et de ritournelles « nègres » entendues dans sa jeunesse sur Congo Square. Sans faire de lui un abolitionniste, le spectacle de l’esclavage l’indispose. Sa postérité, en ce domaine, s’est résumée à quelques savoureuses miniatures : Bamboula, Le Bananier, La Savane ou le sautillant Banjo. Leur « rythme accentué et étrange, écrit Gautier en 1851, fait tournoyer devant vous toute une ronde de sauvages dansant la bamboula avec bottes, tambours et cymbales. Tous ces chants du Nouveau Monde ont une originalité pleine de mélancolie, d’énergie et de suavité qui vous entraîne bien loin dans vos fantaisies et dans vos rêves »… Ce style, précurseur du ragtime et du cinéma muet, fit sensation dans les salons romantiques, livrés aux « sauvages de Paris » dont parle George Sand.

Catherine Sauvat (biographe de Stefan Zweig, Alma Mahler, Robert Walser) a truffé cette haletante narration d’une galerie de personnages excentriques qui en font l’attrait, comme le superstitieux ténor Brignoli, entiché d’une tête de biche empaillée, ou l’intrigante Mlle Zoyara, écuyère hermaphrodite qui défraya les chapiteaux du Far West… On ne lui tiendra pas rigueur d’avoir suivi d’aussi près les pocket books de Gottschalk, parfois très anecdotiques, mais d’avoir jugé inutiles un catalogue de ses œuvres et une discographie.


Olivier Philipponnat
( Mis en ligne le 22/10/2011 )
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