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Le Hacker tragique
Flore Vasseur   Ce qu'il reste de nos rêves
Equateurs (Edition des) 2019 /  22 € - 144.1 ffr. / 341 pages
ISBN : 978-2-84990-522-7
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm
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. "Il n'était pas le plus brillant, mais le plus touchant des brillants". - Flore Vasseur à propos de Aaron Swartz (1986-2013).

Le 11 janvier 2013, Aaron Swartz est retrouvé pendu dans son appartement de Brooklyn. Le jeune homme de 26 ans était persécuté par le procureur du Massachusetts qui l'inculpait pour plusieurs chefs d'accusation, et par le MIT (Massachusetts Institute of Technology) pour lequel il travaillait. Informaticien précoce et déscolarisé, le jeune prodige se découvre deux passions dès la prime enfance : le codage et la pensée. Deux activités louables mais solitaires qui vont le conduire à l'inadaptation sociale, aux angoisses existentielles, à des tentatives insurrectionnelles puis au suicide.

Flore Vasseur (née en 1973) est écrivain, entrepreneuse et snowboardeuse ! Le destin singulier de Aaron Swartz ne pouvait que l'intéresser. Dans ce livre, elle décide de partir sur les traces du personnage défunt en remontant telle une pendule numérique les quelques années qu'il a vécues, en rencontrant proches et famille, de manière à reconstituer à sa façon la destinée tragique du jeune hacker.

Le sous-genre de l'enquête devient de plus en plus répandu dans la littérature actuelle, dépassant le simple cadre du roman policier. Le lecteur suit un auteur qui suit les traces d'un personnage énigmatique. Cette quête devient véritablement l'obsession de Flore Vasseur et les deux protagonistes (auteur et personnage) interviennent en se succédant au fil des pages. Un coup, c'est Aaron le héros, un coup c'est Flore qui divague sur sa condition.

Ce récit qui aurait pu être passionnant se perd malheureusement dans les méandres d'un style robotique tout autant que dans le langage technique et abrévié des nouveaux codes hi-tech. Cette nouvelle guerre informatique, où il ne se passe rien en dehors des réseaux, où les flux d'informations, d'argent, le contrôle et le pouvoir prennent des dimensions cataclysmiques, doit être abordée par les intellectuels. Aaron était de ceux-là, agent, dissident, puis victime d'un système qui broie les cerveaux avant les âmes. Très tôt, il se rend compte (tout comme lorsque la télévision est apparue) qu'Internet, au lieu de servir n'importe quel pouvoir grâce à la censure et à la propagande d'Etat, aurait pu être un vecteur de culture de masse, rendant la parole et l'éducation au peuple. A la place, Internet est devenu l'instrument primordial d'un pouvoir législatif, économique et judiciaire, autrement dit mortifère, qui stocke des données en les vendant aux plus offrants ou en les archivant secrètement.

Lucide sur l'utilisation de ces informations par les gouvernements, il va tenter de lutter contre l'Etat en s'infiltrant sur ses bases web de manière à les proposer gratuitement, prenant comme argument académique que ces informations doivent servir aux chercheurs, aux universitaires, ou à n'importe quel individu intéressé par ce type de littérature. Amoureux des espaces culturels, Aaron cherchait à créer la première bibliothèque virtuelle gratuite en libre accès. Mais le gouvernement Obama (le président américain en prend pour son grade, création d'un monde totalement perverti qui construit un faux héros métissé pour rassurer les masses incultes) ne l'entend pas de cette oreille et lui colle le FBI sur le dos. Le cauchemar durera deux ans, et sous la pression des compromis, des menaces, des inculpations (35 ans de prison et 1 million de dollars d'amende), le jeune informaticien précoce et idéaliste met fin à ses jours. Parallèlement et avec sa "bécane", Sartz écrivait des textes percutants et engagés pour la liberté d'expression tout en continuant son infiltration dans les données secrètes du régime américain. Cela ne plut évidemment pas au MIT qui le dénonça aux autorités juridiques et il se retrouva accusé pour crime contre la sûreté de l'état.

Si le style n'était pas si affreux et l'implication émotionnelle de Vasseur si pathétique, l'auteure aurait pu écrire un essai intéressant sur cette époque cybernétique où la violence bureaucrato-virtuelle broie les dissidents en silence. Mais l'auteure est malheureusement tombée dans les pires travers du piège qu'expose l'historien Raul Hilberg dans La Politique de la mémoire (qui concerne certes un tout autre sujet) : "L'écrivain usurpe la vérité ; il substitue un texte à une réalité qui s'estompe rapidement. Les mots ainsi écrits prennent la place du passé ; on ne souviendra plus de ces mots que des événements eux-mêmes. Si cette transformation ne se révélait pas nécessaire, on pourrait parler de présomption ; mais elle est inévitable. Ce que je dis ici ne se limite pas à mon sujet. Cela vaut pour toute historiographie, pour toute description d'un événement".

Vasseur se perd dans des mièvreries assez lourdes, sans compter certaines approximations (qu'est ce qu'une variante de la maladie de Crohn, dont serait atteint le hacker ? Il y avait là un vrai sujet clinique à traiter). Le lecteur parvient difficilement à être transporté du début à la fin (le livre fait 100 pages de trop) sans souffrir des élucubrations politiquo-sentimentales de son auteur. Exemple : "A la sortie de Penn Station, au petit matin, ma route se fond dans la sienne. Elle va disparaitre dans le néant. Il a tenu dix-huit mois, le temps qu'il m'a fallu avant de hurler dans mon lit, la nuit. A force de rêver la mort, je l'ai vue. Aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec celle d'Aaron. Nous faisons corps". Les entretiens avec les personnages importants du livre sont quant à eux plus convaincants (quoique la présence fantomatique de Jean d'Ormesson laisse quelque peu perplexe !).

Le pauvre jeune homme méritait mieux que cette enquête cyber-romantique. Elle a tout de même l'intérêt sociologique de révéler ce monde virtuel comme le nouvel enfer sur terre, faisant de Facebook et Twitter de véritables organes sataniques vendus au plus faibles d'esprits comme une nouvelle liberté d'expression. La surveillance et le contrôle informatiques enfreignent nos libertés individuelles et dissimulent la vérité ; c'est ce que Aaron Swartz cherchait à dénoncer. Mais qui tentera de le faire sera massacré par la machine bureaucratique. Raul Hilberg avait vu tout cela il y a 70 ans en analysant la destruction du peuple juif par le régime nazi... Et Richard L. Rubenstein de conclure en 1974 dans La Perfidie de l'Histoire : "Heureusement qu'ils n'avaient pas d'ordinateurs...".


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 06/02/2019 )
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