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| Hervé Algalarrondo Les Derniers jours de Roland B. Stock 2006 / 18 € - 117.9 ffr. / 285 pages ISBN : 2-234-05941-0
Lauteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française, diplômé de lUniversité de Nottingham Trent (PhD). Professeur de Lettres Modernes, il est aussi membre du Groupe «Autofiction» ITEM (CNRS-ENS) et co-fondateur du site Hervé Guibert (http://herveguibert.net/). Imprimer
Le 7 janvier 1977, Roland Barthes donnait, au Collège de France, sa leçon inaugurale. Le sémiologue puis le structuraliste quil fut avait goûté depuis 1973 au «plaisir du texte». Il en venait, à lépoque de «sa leçon», au rêve du roman, genre auquel il aspirait mais quil neut que trop tardivement le courage daffronter et dont on ne retrouva après sa mort que «lesquisse de lesquisse dun plan» (p.188).
Signalons-le tout de suite, ces considérations sur le parcours intellectuel et littéraire de lauteur de La Chambre claire nintéressent que moyennement Hervé Algalarrondo qui publie une biographie pudiquement intitulée Les Derniers jours de Roland B. De pudique, on ne trouvera que le titre. Mais cela semble assumé par Algalarrondo qui déclare dès son prologue laisser volontiers «Barthes aux Barthésiens pour [se] consacrer sur Roland» et demande au «non rolandien [de] sabstenir» (p.14). Etre «rolandien» serait, toujours selon lauteur, restituer la part dhumanité de celui quil nomme, tout au long son ouvrage, le «maître».
Pour ce faire, il se base sur les témoignages de ceux qui constituaient le «cercle» de Roland Barthes, cercle que le «maître» avait fondé dès 1962, date à laquelle il devint directeur détudes à lEcole pratique des Hautes Etudes (et non en 1966 comme le note lauteur à la page 16). Mais, par fausse pudeur cette fois-ci, Hervé Algalarrondo ne donnera que les prénoms des disciples de Barthes, prénoms qui ne masquent en aucun cas leur identité. Ainsi, par exemple, «Roland» passa-t-il une nuit avec un certain «Yann» «pour lentendre parler presque sans interruption de Marguerite Duras» (p.61)... Autre source du biographe, ce quil nomme «lautobiographie» de Roland Barthes et qui est en fait son Roland Barthes par Roland Barthes, publié en 1975, texte à la première page duquel nous pouvons lire : «Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman». Il se basera aussi sur ses Soirées de Paris extraites du journal que tint Barthes à la fin de sa vie et qui seront longuement paraphrasées à la fin de louvrage. Enfin, il sappuie sur les romans et récits qui évoquent la figure de Roland Barthes, particulièrement les «témoignages» de Philippe Sollers et Julia Kristeva.
Le résultat, on laura compris, est particulièrement décevant. Les révélations, qui nen sont pas pour ceux qui connaissent Barthes, pourraient manquer dintérêt pour ceux qui voudraient le découvrir - tant ce qui est dit ne se borne souvent quà l'anecdotique - et peuvent se résumer, hélas, assez rapidement. Passant les détails «passionnants» sur la sexualité du «maître», nous retiendrons que Roland Barthes était homosexuel et aimait les jeunes hommes qui lentouraient. Cet aspect sera largement développé tout au long de louvrage. Il préférait leur compagnie à toute compagnie féminine, même sil voulut se marier pour échapper à la solitude à la toute fin de sa vie. Il fut profondément marqué par la mort de sa mère avec qui il entretenait une relation fusionnelle et ce point aussi fait lobjet de toutes les attentions de lauteur. Les dernières difficiles années de celle quil appelait «Mam» plongèrent Barthes dans une extrême mélancolie qui ne le quitterait plus jusquà sa mort, le 26 mars 1980, des suites dun accident de la circulation. Barthes qui avait voulu être célèbre et létait désormais, en avait assez des diverses sollicitations, quil avait du mal à refuser. Il souhaitait se consacrer au roman, à la manière de Proust qui, lui aussi, après la perte de sa mère, avait entrepris lécriture dA la Recherche du temps perdu. Ses dernières interventions au Collège de France en sont dailleurs la marque : une des ultimes conférences du «maître» porta ainsi le titre suivant : «Longtemps je me suis couché de bonne heure»...
Cependant, quelques chapitres viennent tout de même nous éclairer de manière intéressante, notamment sur la rédaction de La Chambre claire, sur les relations de Barthes et Philippe Sollers ou encore sur les conséquences de la mort de «Mam» et le caractère pathétique de la fin de vie du «maître» vécue comme un échec tant professionnel (échec du roman) que personnel (échec de la vie amoureuse). Mais la plupart du temps, lauteur nous plonge, et ce de manière répétitive, dans la petite histoire de «Roland», celle où les gigolos, ses «biquets», ainsi que ses soirées au restaurant prennent de plus en plus de place et dimportance.
Certes, lauteur nous avait averti... «Non rolandien sabstenir...». Mais avec ces Derniers jours de Roland B., on est loin dun souhait formulé par Roland Barthes quHervé Algalarrondo reproduit pourtant en épigraphe : «Si jétais écrivain et mort, comme jaimerais que ma vie se réduisît, par les soins dun biographe amical et désinvolte, à quelques détails, à quelques goûts, à quelques inflexions [...] : une vie trouée, en somme». Avec cette déclaration, Roland Barthes remarquait quil aurait voulu que sa vie soit évoquée sous forme de «biographèmes», non liés entre eux, dispersés, fragmentés, éparpillés comme des cendres... Mais ici, ce sont les cendres que lon rassemble, ce sont les trous dune vie que lon comble... On aura, peut-être, retrouvé Roland. Mais en échange, on aura, assurément, perdu Barthes.
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 04/12/2006 ) Imprimer | | |
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