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Docteur Quichotte et Don Diafoirus
Jean-Paul Penin   Les baroqueux ou le musicalement correct
Gründ 2000 /  14.96 € - 97.99 ffr. / 272 pages
ISBN : 2700021088
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J’ai rarement lu de livre qui m’ait à ce point donné l’impression de perdre mon temps. Peut-être ai-je été victime, une fois de plus, des fausses promesses d’un titre racoleur. Je m’attendais en tout cas à une réjouissante mise en pièces, une de ces bonnes parties de bourre-pif que j’aime tant – d’accord ou pas. Hélas ! M. Penin, chef d’orchestre spécialisé dans le répertoire romantique, a le souffle court, l’indignation petit calibre et la véhémence flasque ; un sens de l’humour proche du zéro absolu n’arrange rien. De surcroît, ce qu’il a à dire ne m’a paru ni très neuf, ni très solide, ni très profond. Cela explique peut-être un constant déferlement de citations érudites (de Cicéron à Paul Valéry), dont certaines très jolies ; autant d’agréables guirlandes sur un discours totalement creux. Elles sont malheureusement, quant au sujet qui nous préoccupe, d’une valeur démonstrative rigoureusement nulle.
Sur le fond, le problème est simple : le livre refermé, on ne sait pas, tout simplement, de qui l’auteur peut bien parler. C’est même l’une des grandes surprises qu’on a en le lisant : le Grand Imprécateur n’éructe qu’à voix basse, le Destructeur d’Idoles travaille à la pince à sucre. Pas de noms, surtout pas de noms ! (Harnoncourt excepté, et encore de façon biaisée, par l’intermédiaire de citations). Et encore moins d’exemples précis ! La considérable discographie des baroqueux aurait pourtant dû permettre quelques éreintements argumentés, dont nous n’aurions pu que tirer profit. Ce sera pour une autre fois. Même quand notre auteur entre dans certains détails techniques (ainsi la différence entre archet baroque et archet moderne), c’est pour triompher à peu de frais sans jamais se donner la peine de montrer du doigt tel ou tel enregistrement baroqueux – qui pourtant, si on le suit bien, ne saurait qu’être ridicule –, ni même rapporter les propos effectivement tenus par tel ou tel.
Sur près de 300 pages, la dénonciation incessante, mais sans aucune preuve à l’appui, des " spécialistes autoproclamés " (qui ?) et de leurs interprétations " scolaires ", " mortellement ennuyeuses ", " élitistes " (j’écourte), finit par lasser. Cette " critique " qui ne sait se battre qu’avec les fantômes qu’elle a elle-même suscités, sans d’ailleurs parvenir un instant à les animer, fuit le débat qu’elle prétend lancer ; elle est nulle et non avenue.
Au demeurant, la vivacité même de la dénonciation finit par poser problème de son propre point de vue : par quel maléfique miracle une esthétique aussi misérable a-t-elle pu finir par s’imposer ? Nous n’aurons pas de réponse franche à la question. Les baroqueux semblent être tombés sur le monde musical comme la vérole sur le bas-clergé. Leur mouvement a bien une histoire, mais elle se perd dans des brumes lointaines et n’est évoquée que sommairement. Pour l’occasion, l’auteur s’installe aux pupitres des grandes orgues géopolitiques :
" Pays-Bas, Cologne, Bâle, Vienne : en ces années cinquante, c’est principalement sur un axe Rhin-Danube que fleurissent les centres d’études sur la musique baroque, ainsi que les ensembles d’instruments anciens. Cette ligne, qui sépare géographiquement l’Europe en deux parties égales, ramène à celle qui la scinde de même en des mentalités différentes, ligne invisible mais plus présente encore que des frontières, qu’un simple trait de plume peut abolir.(etc., etc. etc.) "
J’avoue n’avoir vu là qu’une version fraîchement repeinte du bon vieux cliché de la " lourdeur germanique ". Mais j’ai un mauvais fond. D’ailleurs, M. Penin, après ce tonitruant constat, bizarrement suivi de quelques hochements de tête bizarrement approbateurs (mais de pure forme, rassurez-vous) devant l’œuvre de ces précurseurs, passe très vite à autre chose. Pourquoi se priver, pourtant, d’une telle occasion de dénoncer la main de l’étranger ? Autrichiens retors (Harnoncourt), Bataves sournois (Leonhardt), Rosbifs sans aveu (Deller et un bon millier d’autres), Catalans cauteleux (Savall)...
Un autre silence surprend davantage. Les premiers baroqueux n’ont pas remporté la bataille sans affrontements titanesques. J’ai été disquaire classique de 1976 à 1982, du temps où, si la situation commençait à tourner à leur avantage, ils étaient loin d’avoir triomphé. Je me rappelle parfaitement la polémique qui faisait encore rage alors, donnant lieu à des étripages byzantins dont j’avoue avoir gardé la nostalgie. Je me souviens ainsi du cher Antoine Goléa piquant une de ses pyramidales colères après audition d’un enregistrement d’Alfred Deller : " Cet homme qui chante avec une voix de femme, c’est... c’est... c’est... enfin, vous voyez ce que je veux dire ! " J’ai pareillement lu, il y a fort longtemps, tous les arguments ou presque de M. Penin dans A Contre-bruit de Gérard Zwang, ouvrage d’une verdeur polémique autrement pugnace que le sien. Mais on cherchera en vain dans Les Baroqueux la moindre référence, le moindre hommage, aux luttes menées par des gens qui, pourtant, étaient du même bord que notre auteur et défendaient les mêmes idées.
Rhétorique tapageuse, arguments bancals, virulence déplacée… ce pamphlet où l’esprit, décidément, ne souffle pas, finit par décourager le débat au lieu de le stimuler. Quant à ses motivations, elle sont rien moins que douteuses. Pour un peu, on les devinerait dans la violente diatribe visant les baroqueux (Herreweghe, Immerseel, Savall, entre autres) qui osent se tourner vers le répertoire romantique et post-romantique. Notre chef en aurait-il pris ombrage ?


Jean-Baptiste Ajamet
( Mis en ligne le 09/11/2000 )
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