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Demain, le pire
Christian Chelebourg   Les Ecofictions - Mythologies de la fin du monde
Les Impressions nouvelles - Réflexions faites 2012 /  19,50 € - 127.73 ffr. / 253 pages
ISBN : 978-2-87449-140-5
FORMAT : 14,5 cm × 21,0 cm

L'auteur du compte rendu : Chargé d'enseignement en FLE à l'Université de Liège, Frédéric Saenen a publié plusieurs recueils de poésie et collabore à de nombreuses revues littéraires, tant en Belgique qu'en France (Le Fram,Tsimtsoum, La Presse littéraire, Sitartmag.com, etc.). Depuis mai 2003, il anime avec son ami Frédéric Dufoing la revue de critique littéraire et politique Jibrile.
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«N’attendez pas le jugement dernier. Il a lieu tous les jours». Cette formule bien connue, qu’un personnage d’Albert Camus fait sienne au cœur de la nuit amstellodamoise, aurait pu figurer en exergue de l’essai foisonnant que Christian Chelebourg consacre aux «écofictions». Mais, davantage que La Chute, c’est plutôt La Peste qui aura notamment nourri les réflexions du professeur de littérature dans son approche d’un discours transgénérique qui hypothèque autant qu’il philosophe la caducité de notre espèce.

Présente dans le roman depuis H.-G. Wells, la thématique écofictionnelle s’articule durant la Guerre froide avec des peurs globales comme celles de la bombe atomique et, même si elle est exploitée dans les comics ou le roman populaire, elle trouve à cette époque son média privilégié d’expression, le cinéma. Elle connaîtra son apogée dans les années 80-90, alors qu’elle entre en résonance avec un certain apocalyptisme écologique, hurlant au réchauffement de la planète, à la disparition de la biodiversité et à la compréhensible vengeance de Mère Nature à l’encontre de ses plus indignes enfants : les hommes.

D’une plume élégante (mais un vernien patenté ne peut écrire mal) et dans une prose qui frappe par la richesse d’une terminologie dont il use par souci de précision et non de pédanterie, Chelebourg dresse un catalogue raisonné de scénarios de «fin du monde» essentiellement basés sur un message écologique ou environnementaliste, et que nous retrouvons au quotidien dans maintes productions hollywoodiennes mais également dans des séries, de grands documentaires sensibilisateurs, des mangas, voire des jeux vidéos. L’entreprise est plus idéologique qu’il n’y paraît : «Par la manière dont elles s’approprient et revisitent l’héritage culturel de l’Occident et notamment son bagage mythologique, [les écofictions] révèlent l’image que les sociétés industrielles construisent d’elles-mêmes, la place et le rôle qu’elles assignent à l’homme, les valeurs qu’elles se prêtent. Sous l’apparente transparence des propos, sous leur objectivité de façade, se cachent les représentations qui façonnent nos consciences et déterminent nos comportements».

À lire ces analyses, on comprend que l’imaginaire contemporain est pétri du fantasme de la disparition globale, d’autant plus inéluctable qu’elle relève des impérities et de l’inconscience de ses victimes ! Au fil de cinq chapitres particulièrement bien agencés et étoffés de nombreuses références, Chelebourg explore les implications morales ainsi que les connexions avec les pensées eschatologiques, magiques ou scientistes de ce que Hans Jonas appelait déjà «l’heuristique de la peur». Défilent les noms de Gore, Spielberg, Crichton, Ballard, Matheson, Lucas, Shyamalan, et les titres de blockbusters ou de nanars (ce sont parfois les mêmes) au long de cette déclinaison guère optimiste de notre proche avenir, où la pollution est la suprême souillure, où la maîtrise du climat manifeste nos illusions démiurgiques, où chaque épidémie sonne l’heure du châtiment.

L’un des attraits majeurs du livre, et qui démontre la souplesse de l’érudition de son auteur, est le jeu d’échos qu’il opère entre des créations strictement contemporaines et les mythes antiques ou bibliques. Les pages sur Cassandre, le nettoyage des écuries d’Augias par Hercule ou la citation de tel verset des Saintes Écritures dans Le Pic de Dante sont édifiantes quant à la permanence de schèmes culturels et religieux qui imprègnent encore actuellement nos manières de voir, que l’on croit si déracinées de toute histoire. Ce n’est pas la déflorer que de révéler que la conclusion de l’auteur prône un sain Amor fati, seul juste milieu tenable entre la fascination de la puissance et la terreur de l’avenir. Une attitude qui serait, la formule est trop belle pour ne pas être citée, «l’ultime sursaut d’un Surhomme mélancolique».

L’essai de Chelebourg, passionnant d’un bout à l’autre, n’est certes pas exempt de lacunes (on regrettera par exemple qu’il ait omis dans son inventaire quelques épisodes particulièrement emblématiques de The Twilight Zone, ou encore qu’il n’ait pas poussé à son terme l’étude de l’ironie marquant la chaîne causale du Contagion de Soderbergh dans ses ultimes images) ; comme il contient en tout cas cinq, dix, cent autres ouvrages en germe, ces péchés véniels peuvent se rattraper aisément. On se réjouit donc de découvrir la suite. Si bien sûr Gaïa nous prête vie…


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 15/06/2012 )
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