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Journal d'une petite fille
Linda de Suza   Des larmes d'argent
Carnets Nord 2015 /  17 € - 111.35 ffr. / 238 pages
ISBN : 978-2-35536-179-1
FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm
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Pour le bon mot, on aurait pu intituler cette critique ''Journal d'une femme de chambre'', mais on aurait raté l'essentiel. Certes, Teolinda Joaquina de Sousa Lança, mieux connue sous le nom de Linda de Suza, a bien travaillé comme femme de ménage, et c'est là un point important et sans cesse rappelé de sa biographie : après tout, il y a plutôt de quoi être fière car rares sont les chanteuses (ou les chanteurs) à avoir dû partir d'une situation si difficile, seule en pays étranger, sans argent et avec un enfant à nourrir. Cependant, il est évident que le présent titre définit mieux le livre et la personnalité de Linda de Suza. C'est d'ailleurs elle-même qui intitule son chapitre 19, ''J'ai toujours cinq ans''.

De l'enfance, Linda de Suza a conservé certains attributs qui peuvent se révéler bien dangereux pour un adulte, comme le manque de confiance en soi et la crédulité. Mais elle en a aussi gardé des côtés attendrissants : l'incapacité à calculer, l'immédiateté de la réaction, la générosité, la naïveté. Pourquoi est-elle restée enfant alors qu'elle a désormais 67 ans ? Sans doute, comme tout son livre l'explique, car cette période de son existence fut très dure, non seulement physiquement (imagine-t-on le Portugal des années 50 ?...), sans guère d'amour de la part de ses parents, et parce que toute sa vie a été une quête destinée à rattraper son retard sur ce point. Visiblement, la quête n'a pas été fructueuse. Comme elle le dit, l'homme de sa vie reste son fils... dont elle n'a de nouvelles que de loin en loin.

Ce livre a été pensé comme le complément du grand succès des années 80 que fut le premier ouvrage de Linda de Suza, La Valise en carton, dont on vendit deux millions d'exemplaires et qui fut décliné, jusqu'à l’écœurement, en comédie musicale et série télévisée. Il dévoile les facettes moins reluisantes de l'ascension de la petite portugaise que la France ''Touche pas à mon pote'', jusqu'à Jack Lang lui-même, a adoré mettre en valeur. Le genre d'aspects dont on ne se vante pas dans un livre destiné aux «fans» lorsqu'on est à l'apogée de sa trajectoire.

Au nombre des choses qui ne se disaient pas à l'époque, l'absence d'amour maternel, les sombres histoires d'argent subtilisé par son entourage (il est question dans le livre de comptes en banque ouverts à son nom sans son consentement... la rançon du succès, quoi) ou encore, le scoop du livre (et qui semble lui créer un peu de souci), l'aveu selon lequel, à son arrivée en France, Teolinda a fait plus que le ménage pour un homme un peu seul qui en échange l'aidait financièrement. Que Linda de Suza se rassure, à l'heure de la presse people dégoulinante et de la téléréalité putassière, son naïf aveu avec quarante ans de retard a quelque chose de presque touchant. Douée d'une grande volonté et de l'envie de réussir à se sortir d'une condition misérable, elle a fait ce qu'elle a cru devoir faire, avec une certaine forme de générosité et sans porter préjudice à qui que ce soit. Nous laisserons donc aux imbéciles le soin de lui jeter la première pierre !

Non, le plus gênant de l'ouvrage est que Linda de Suza nourrit un peu le système du show-business qu'elle prétend dénoncer. Au milieu, il est vrai, de pas mal de références à ses superstitions, ses croyances, ses visions, sa foi, et en dehors des éléments sur sa vie, elle ne raconte presque que le showbiz. On aurait apprécié qu'elle nous parle un peu plus de la chanson et un peu moins des aspects people (merci Drucker !) dont on se moque bien ; mais elle ne le fait que très peu et l'on sent qu'elle est plus amère d'avoir été exploitée, spoliée puis exclue du système que de son existence.

Ç'aurait pourtant été une belle revanche pour celle qui fut consommée par le système médiatico-biznésique que de parler chanson avec un grand C : qu'a-t-elle vu, entendu, appris, expérimenté de réellement intéressant alors qu'elle n'avait – c'est elle qui le dit – aucune culture ? Quel effet cela a-t-il produit sur elle ? Elle a bien dû voir autre chose que des «managers» et des auteurs véreux ou sans talent. Certes, elle cite incidemment Jean Ferrat. Mais quand on a par exemple créé des chansons d'Allain Leprest, on a peut-être autre chose à dire à propos de la chanson. Du coup, une certaine frustration envahit le lecteur attentif à la chanson et la citation de Louis Aragon qui ouvre le livre semble un peu surjouée...

D'ailleurs, profitons de ce texte pour rappeler qu'On n'était pas riches n'est pas "de" Jean Ferrat (comme il est dit dans le livre et comme Linda de Suza la présentait à la télévision) mais d'Allain Leprest (pour le texte) et Jean Ferrat (pour la musique). C'est important car si la musique de Ferrat est entraînante, il n'en reste pas moins que ce sont bien les mots de Leprest qui font le sel de cette chanson... et que l'omission de son nom participe du même système détestable de concentration et d'exploitation cher au showbiz.

On finira en conseillant à l'auteur (et aux lecteurs de cette chronique) la lecture toujours roborative de l'excellent livre de Jacques Bertin, Chante toujours tu m'intéresses, sorti trois ans à peine avant La Valise en carton. Les combines du showbiz, Bertin les dénonce depuis toujours, mais il est probable que personne n'ait jamais conseillé cette lecture à la petite portugaise débarquée en France il y a plus de quarante ans...


Alexandre Pavin
( Mis en ligne le 09/12/2015 )
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