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Du Pénis au Pénal
Vanessa Springora   Le Consentement
Grasset 2020 /  18 € - 117.9 ffr. / 205 pages
ISBN : 978-2-246-82269-1
FORMAT : 13,2 cm × 20,8 cm
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En 1986, Gabriel Matzneff a 50 ans. Il est écrivain et il est de notoriété publique que sa littérature tourne essentiellement autour de son attrait pour de très jeunes filles, des préadolescentes, appelées également ''nymphettes'' (13-16 ans). Passé cet âge, les femmes ne l’intéressent plus. Il publie des essais (Les Moins de 16 ans), des journaux intimes (La Passion Francesca), des romans (Ivre du vin perdu) où il raconte ses frasques sexuelles avec des collégiennes qu’il séduit, qu’il fréquente et à qui il fait très souvent l’amour. Pour les uns, il est l’écrivain sulfureux qui assume cette perversion, pour les autres, c’est un détraqué sexuel, un pédophile. Depuis, la société a évolué vers un féminisme plus militant, parfois radical ; avec la libération de la parole de certaines femmes du show-business, le jugement, d'abord médiatique, se fait sans procès. Matzneff est un prédateur sexuel, un danger pour des femmes innocentes, voire pour la société entière. Il faut le répudier avant de l'enfermer. 30 ans avant cette mascarade médiatique répressive, il rencontre Vanessa Springora. Elle a 14 ans, 36 ans de moins que lui, et elle succombe à son charme.

En 2019, Vanessa Springora approche de la cinquantaine et revient sur son premier amour, un écrivain sulfureux de 50 ans, adophile et obsédé sexuel. Il est âgé aujourd’hui de 83 ans. Il s'agit de Gabriel Matzneff qu'elle appelle hypocritement G. dans le récit. Les rôles se sont inversés : en 1986, l’écrivain séduisait des jeunes filles qu'il intégrait dans son œuvre autobiographique pour briller dans le petit monde littéraire. En 2019, l’éditrice du même âge que lui alors, se paye un vieux monsieur pour se venger et briller sur la scène médiatique. A qui profite le crime ?...

Depuis que son œuvre est publiée par les plus grandes maisons d’édition – qui aujourd’hui se défilent en l'excommuniant –, les écrits de Matzneff sont on ne peut plus explicites. La préadolescence, la littérature, l’art et la politique sont les grandes affaires de sa vie. Dans son journal intime, les descriptions pornographiques affluent. Sur les plateaux de télévision de l’époque, quelques femmes s’offusquaient de ces frasques, le traitant de désaxé sexuel (ce qu’il est) alors que les hommes restaient plutôt circonspects. En 2020 et après l’épisode tragique de MeToo (ou encore du très peu subtil Balance ton porc !) où l’homme est avant tout défini comme prédateur sexuel, voire un violeur en puissance, Matzneff est condamné, lynché, abandonné par ses éditeurs hypocrites et lâches, qui lisaient bien avant tout le monde la façon dont l’esthète honorait ses petites amies en diffusant ses écrits à profusion. Ils se sont fait de l'argent en publiant ces pages pendant 40 ans, mais, l'écrivain étant attaqué aujourd'hui (il l'était déjà à l'époque mais sans l'impact actuel), ils se rangent d'un coup du côté de la doxa, du pouvoir donc, jamais à court de moralité !

Vanessa rencontre Gabriel lors d’un dîner mondain organisé par sa mère. L’écrivain la fixe, la séduit (on dirait de nos jours : la harcèle) en lui écrivant des lettres et en créant des rencontres faussement fortuites. Elle a 14 ans et ressent un besoin maladif d'être aimée ; elle souffre du père absent et d’une mère instable. A cinq ans, elle écoutait derrière la porte le bruit de ses ébats. A dix, elle jouait au docteur avec un garçon de son âge. Elle est précoce et en manque d’amour, elle veut plaire et connaître le grand frisson. Elle tombe sur Gabriel.

35 ans après, sort le grand déballage, accusateur, procédurier et tout aussi impudique que les Journaux de Matzneff, dont l’intérêt littéraire est mince sur ces questions de libertinage ; la jeune fille devenue vieille, se venge. Après les sentiments, place au ressentiment ! C’est lui qui lui a pris sa jeunesse. Elle explique ce qui fait qu’un jour un homme possède une femme, même si lui est vieux et elle très jeune. Au début, c’est l’envoûtement, la dépendance, la passion puis très vite, elle se rebiffe, non pas à cause de la différence d’âge, ni pour sa dépravation (il la sodomise lors de leur première étreinte sexuelle), mais parce que c’est un libertin qui agit avec elle comme avec d’autres tout en lui faisant croire à l’amour exclusif. Elle est jalouse. Elle le quitte, tente de se reconstruire, mais le prédateur a laissé des cicatrices indélébiles. Donc, elle écrit un livre sur lui (alors qu'elle lui reproche d'avoir été utilisée à des fins littéraires), se confesse et accuse. Il l’a manipulée, il l’a possédée pour assouvir ses fantasmes et construire son œuvre. Un écœurant pervers.

Au lieu de s’épancher sur cette triste relation (autorisée par sa mère, que, curieusement, personne n'attaque, pas plus que la mère de Flavie Flament, qui a précipité sa fille dans les bras du photographe et violeur Hamilton), Springora devrait approfondir le problème du tourisme sexuel avec des enfants de 10 ans, que l’écrivain est soupçonné d'avoir pratiqué. Pas de débat, là-dessus, la prostitution des enfants n’a pas attendu les féministes de MeToo pour être un délit condamnable.

Sommet de la vengeance : à la toute fin du récit qui insiste sur le fait que cette relation toxique a détruit sa vie (il faudrait revenir aussi sur le rôle néfaste des psychanalystes), l'éditrice se lâche totalement. Elle contacte un avocat pour ne pas que sa correspondance soit conservée dans les archives de l'écrivain, pire, si elle tombe dessus, elle se dit prête à tout déchirer pour parsemer les confettis du désastre dans le Jardin du Luxembourg (tragique parallèle avec Matzneff dispersant les cendres de Montherlant sur le Forum romain en 1972). Évidemment, elle insère une dernière sentence juridique sur le fait que Matzneff est un hors la loi, même en 1986.

Au-delà du caractère proprement moral de cette affaire où la victime ne décrit ni viol, ni abus sexuel, ni aucune violence de ce genre, mais une relation singulière, évidemment inappropriée, Springora ne fait que relayer le discours ambiant et à charge des femmes qui renient leur passé en prenant pour coupable l'ancien objet de leur amour (les psychanalystes devraient plutôt s'appuyer sur ce revirement banal, fait de tous âges). Elle explique que l'écrivain a tenté de la revoir par la suite, à l'aube de la mort, afin de ne pas faire de cette union un mauvais procès public, mais elle a refusé, le traitant de manipulateur. Matzneff est un cas pathologique certes et moralement condamnable. Springora est la victime d'un père absent et d'une mère laxiste sur ces questions (affres de la libération sexuelle), dans un environnement culturo-mondain autorisant tout. Ce récit, tristement banal, sans aucun éclat littéraire et rhétorique, est fatalement plus faible que l'œuvre d'un auteur qui a consacré sa vie à l'écriture...


Henri-Georges Maignan
( Mis en ligne le 03/02/2020 )
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