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L’Absence d’une femme oubliée
Jean-Lou Alexandre   Jean Seberg. La tentation de l'échec
Séguier 2008 /  19 € - 124.45 ffr. / 132 pages
ISBN : 978-2-84049-518-5
FORMAT : 15,0cm x 21,0cm
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«Tu ne sauras donc jamais qui tu es, Diane ? Tu as besoin d’être protégée par d’autres ? Par la Secte, les gens du monde, la jet-set, les Panthères Noires, les révolutionnaires, n’importe qui pourvu qu’il y ait du bruit, des pleurs, de la joie, de l’agitation et un sentiment d’appartenance?» - Carlos Fuentes

L’intérêt premier de ce livre consacré à l’actrice américaine Jean Seberg (1938-1979) est d’exister. Effectivement, depuis la parution en 1981 de la très bonne biographie de David Richards, Jean Seberg, une vie, on attendait qu’un auteur s’intéresse à l’œuvre et à la vie de cette actrice à part afin de révéler un certain nombre de choses. Carlos Fuentes et Alain Absire l’ont tous deux représentée en personnage littéraire, le premier dans un récit autobiographique, Diane ou la chasseresse solitaire (1994), où l’écrivain mexicain raconte la brève histoire d’amour qu’il a vécue avec elle en 1970, et le second dans un roman, Jean S. (2004), où l’auteur revient de manière assez précise sur l’histoire mouvementée de l’actrice. Mais 30 ans après sa mort, le mystère plane sur l’existence de ce personnage tragique que fut Jean Seberg.

Durant vingt années, Seberg occupa les écrans américains et français, parfois en tant que star internationale, d’autres fois en tant qu’actrice à la dérive, à la recherche d’un rôle à la mesure de son talent ou encore par nécessité matérielle. Dans cet essai, Jean-Lou Alexandre nous livre ce qu’il est resté de cette actrice engagée, passionnée, dépressive et solitaire. De Sainte Jeanne d’Otto Preminger en 1957 au Grand délire de son troisième mari Dennis Berry en 1975, il retrace la carrière remplie (35 films) mais clairement inégale de l’actrice, en passant par les grandes rencontres de sa vie, ses drames personnels (notamment la perte d’un enfant mort né) qui s’amoncelèrent au fil des années jusqu’à lui devenir insupportables.

L’intérêt du livre (trop court, malheureusement) est de restituer, au moyen de larges extraits de critiques de l’époque, le cinéma des années 60 où Seberg explosa littéralement, rendant à la mode, et faisant du coup contre poids au style Bardot, le côté garçonne au charme dévastateur, les cheveux courts, la simplicité féminine. Quelques films considérés comme des chefs d’œuvre jalonnent néanmoins son parcours, dont les trois premiers qui la rendirent célèbre : Sainte Jeanne (1957), Bonjour Tristesse (1958) et A bout de souffle (1959) font d’elle une star incontestable de l’époque et lancent sa carrière. Revers de la médaille, ce sont les seuls films que l’inconscient collectif retiendra d’elle, qui plus est en France où le film de Godard sera l’unique opus qui rappellera la frimousse à l’accent prononcé de Patricia-Seberg, icône impromptue de la nouvelle vague jouant au côtés du charismatique Belmondo. Le reste s’est quelque peu émoussé. Alexandre revient aussi sur l’aspect plus privé de l’actrice, son admiration pour les écrivains notamment (Gary, Fuentes, Malraux) ainsi que sur la manière dont elle les a inspirés dans quelques romans célèbres. Un certain nombre de citations expliquant la personnalité de Seberg et son rapport aux hommes figure dans l’ouvrage.

Toute la dualité du personnage réside dans ces différentes caractéristiques de ce que fut cette «star inconnue» : Seberg, la femme de Romain Gary, l’actrice fragile, l’amante des libérateurs mais aussi et surtout la femme engagée aux côtés des opprimés, défenseuse des causes perdues. Elle fut une activiste parfois radicale qui oeuvra aux côtés des Black Panthers, des révolutionnaires mexicains, des Algériens persécutés ou encore de drogués notoires. L’injustice fut son combat, et comme souvent lorsqu’une lutte est menée de front, de manière impulsive, sans la distance nécessaire, et bien l’âme s’essouffle, le cœur lâche, et l’on n'est plus que l’ombre de soi-même. Seberg, durant les années 70, fréquenta autant les maisons de repos et les hôpitaux psychiatriques que les plateaux de tournage. Il est vrai qu’à l’époque le FBI ne la lâchait pas d’un pouce et l’actrice se sentait persécutée en permanence. Instable en amour, menant une vie dissolue, sujette à la dépression et aux drogues, elle ne put se consacrer pleinement à sa carrière, les réalisateurs préférant engager d’autres célébrités : Audrey Hepburn, Grâce Kelly ou encore Jane Fonda.

Le livre d’Alexandre revient donc sur ce parcours tragique et atypique d’une femme que la beauté et le talent ont mise au premier plan avant qu’elle ne «survive» dans l’univers cinématographique des années 60-70. Il rappelle tout de même qu’elle tourna plus de treize films à Hollywood, et qu’elle fréquenta les plateaux aussi bien français qu’italiens ou allemands. Un film néanmoins, Lilith de Robert Rossen, injustement boudé à sa sortie en 1964, montrera tout le talent et la grâce de Seberg. Jouant une femme atteinte de schizophrénie, la prestation de l’actrice est saisissante. Sur sa mort survenue en août 1979 dans des conditions obscures, Alexandre ne nous dit rien. Meurtre ou suicide, le mystère plane toujours.

Il est de certaines vedettes trop tôt disparues un mystère qui plane sur elles des années après leur mort. Ni stars, ni inconnus, ces hommes et ces femmes ont laissé une empreinte, une marque indélébile avec, toujours, quelques chose à rechercher, à trouver, à puiser. Ces artistes maudits par le sort et dont l’œuvre reste inachevée émettent une lueur lointaine qui permet encore à cette œuvre de briller. Il est aussi des beautés qui ne se fanent pas. Mais elles ne touchent qu’une partie infime des gens (Que reste-t-il de Seberg devant des monstres tels que Monroe ou Dean ?). Leur mort ne les a pas mythifiées, elle a juste rappelé ce qu’était la tragédie de vivre. Jean Seberg, avec d’autres (Wood, Dewaere, Balavoine) fait partie de ces destins curieux, profonds, indispensables à une société, mais tristes, malheureux, tragiques.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 08/02/2008 )
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