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| Ludovic Maubreuil Le Cinéma ne se rend pas - Essai Éditions Alexipharmaque - Les Réflexives 2008 / 17.50 € - 114.63 ffr. ISBN : 978-2-917579-00-8 FORMAT : 130
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Alexipharmaque
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Le manifeste est un genre littéraire qui, hélas, nest plus guère en odeur de sainteté. La fin des avant-gardes et des écoles de pensée, latomisation des courants didées en autant de variantes et de nuanciers individuels ny sont sans doute pas pour rien. Cependant, il arrive encore de rencontrer sur lécume des jours des pages qui érigent en vertu libératrice la critique, quand tant dautres ne voient dans cette activité que le terrain dexercice de leur petit ego capricieux et revendicateur. Des textes qui osent la mise en question et la réponse par laffirmative ; Le Cinéma ne se rend pas appartient sans conteste à cette catégorie.
Comme bouquiner nest pas savoir lire, fréquenter quotidiennement les salles obscures ou faire surchauffer son lecteur DVD tout le week-end nest pas apprendre à regarder. À cet égard, Ludovic Maubreuil nest pas un cinéphile. Un cinémane sans doute, un cinélâtre plus encore. Nullement un dilettante. À qui le connaît déjà pour avoir lu certains de ses articles, inutile de dire que Maubreuil est un il dune exigence et dun discernement hors du commun.
Que ce soit en filigrane dun polar, dun sujet à caractère social, dun drame, dune réflexion métaphysique ou encore dun film daction, Maubreuil décrypte notre époque. Il la désosse de sa matrice, en retire la maigre substance, la pèse pour oser dire que, finalement, le dernier enchantement de ce monde consiste en la représentation déniaisée que nous en offrent quelques chefs-duvre de la pellicule. Une esthétique du rare, que certains identifieront à de lélitisme. Mais ceux-là ne dissertent que du prix des choses, pas de leur valeur.
Lidée de recueillir en un seul volume des études éparses est toujours, pour un éditeur, un exercice délicat, voire un risque. Quel lectorat toucher, en effet, avec un ensemble disparate ? Le problème ne se pose pas pour Maubreuil qui partage, avec les plus grands critiques, lapanage de la cohésion. Chacun de ses goûts et de ses engouements, aussi antagonistes soient-ils a priori, participe en effet dune weltanschauung parvenue à maturité et organisée autour dun paradigme fondamental, celui de lopposition entre modernité et anti-modernité. «Lobjectif du présent ouvrage, nous avertit-il, est de tenter de mettre en évidence les contre-feux que lentreprise cinématographique sécrète en son sein. Cette anti-modernité distillée au creux duvres rares et méconnues, ou devenues inoffensives à force dinterprétations, qui choisit de montrer sans les décrire ou les imiter, en les prélevant de lutilitarisme ambiant, une infinité dobjet afin de les rendre à la Présence.»
Présence de Léos Carax dès lors, présences de Buñuel, de Loach, de Rohmer, de Fellini et de Tarr, réexaminés à laune de Castoriadis, Abellio et Caillois. Le tout pour un exercice radical destiné à arracher le spectateur de sa trop «tranquille extase» : «En prenant en main la constitution dun sens qui sérige hors du chaos incertain des formes sidérantes, en regardant plus loin que les tressaillements complices de limage et le sous-texte moral des discours réglés, tout ce qui résiste à la représentation fonctionnelle dun regard, dun cri, dun sourire, dun paysage ou dun geste, trouve sa place dans notre propre existence, au moment précis de leur redécouverte, de telle sorte que les atours du monde enfin ne résonnent plus en vain, mais dun écho qui, dans le même temps, se conquiert et nous fonde.» Face au désastre des temps, Maubreuil oppose le recours à une nouvelle harmonie intérieure et à une conscience opérative dun «moi» désinstrumentalisé, décillé, affranchi.
Lécriture de Maubreuil a de surcroît toutes les qualités que prête la conviction : fermeté et souplesse, élégance et force. Cest donc à la fois en styliste et en homme de style quil nous fait profiter de son vaste savoir et de sa lucidité. Le Septième Art en regagne six places.
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 28/03/2008 ) Imprimer | | |
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