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| Olivier Schrameck Matignon Rive Gauche 1997-2001
Seuil 2001 / 13.59 € - 89.01 ffr. / 190 pages
ISBN : 2.02.051639.X
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Les réactions virulentes d’une large partie de la classe politique à la parution de ce livre pourraient laisser croire qu’il s’agit d’un brûlot. Il n’en est rien. Après lecture, la polémique récente apparaît bien dérisoire. Sans doute la doit-on à cette transgression inédite : un directeur de cabinet en fonction s’autorise à donner son appréciation sur des épisodes récents de la vie politique.
Matignon Rive gauche est un livre hybride, alternant le témoignage engagé d’un conseiller politique de premier plan et les réflexions politiques d’un « esprit non prévenu » (selon la formule de Montaigne) sortant de la réserve que sa fonction requiert habituellement. Le politique et le haut fonctionnaire s’expriment tour à tour. Les chroniques du rapatriement d’Alfred Sirven ou de l’évacuation du site de Vimy menacé d’explosion font pénétrer le lecteur au cœur de l’Etat. La difficile conversion de Lionel Jospin à l’inversion du calendrier électoral est décrite avec bonheur. Mais le ton devient ennuyeux dès que l’auteur évoque les aspects les plus techniques du fonctionnement de l’Etat. On apprend bien peu des rapports qu’entretiennent le Premier ministre et le Président, dont l’auteur est pourtant le principal témoin. Les « deux têtes de l’exécutif » et leurs entourages respectifs ressortent curieusement désincarnés de ce texte. Les anecdotes sont rares, le ton retenu. Si Schrameck se fait acide lorsqu’il s’agit d’épingler Allègre ou Chevènement, sa critique du cynisme élyséen reste finalement convenue. Car l'auteur, comme il l'avoue lui-même, est un homme d’Etat, pas un homme politique. C’est là toute l’ambiguïté.
Le malaise diffus ressenti à la lecture de cet ouvrage provient de son statut douteux. S’agit-il du témoignage engagé d’un homme placé au cœur de Matignon ? D’un recueil de réflexions de la part d’un citoyen habituellement astreint au devoir de réserve, mais conservant néanmoins son indépendance et sa liberté de pensée ? Ou encore d’une manœuvre opportuniste en vue des échéances de 2002 ? Ce flou dans les intentions de l’auteur limite la portée de ses réflexions. Son éloge appuyé de la politique du gouvernement depuis 1997 (à laquelle il est loin d’être étranger, fait-il observer au fil des pages) atténue le crédit que l’on peut porter à son réquisitoire contre la cohabitation, censé être le sujet central de son essai.
Dans le dernier chapitre, Olivier Schrameck, lyrique, fait le vœu que « les eaux mêlées de la gauche irriguent et fertilisent l’avenir de notre pays ». Comprendre : que Lionel Jospin soit élu. Cette ambition est sans doute la véritable raison de ce livre. On l’aura compris, un directeur de cabinet amorce sa mue en directeur de campagne. Et un Premier ministre la sienne en candidat.
Olivier Cleuet
( Mis en ligne le 22/10/2001 )
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