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Sciences, écologie & Médecine |
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Un vade-mecum testamentaire | | | Jean-Marie Haegy Comment ne pas mourir malade et idiot à la fois Panama 2007 / 17,00 € - 111.35 ffr. / 262 pages ISBN : 2-7557-0221-4 FORMAT : 14x21 cm Imprimer
Titre provocateur pour essai polémique, Jean-Marie Haegy lance un dernier pavé dans la mare (avant de raccrocher après une carrière que lon imagine bien remplie) en dénonçant en vrac et non sans humour la médecine techniciste, le travail administratif qui accable tout chef de service qui se respecte, les 35 heures, les patients hargneux et les médecins fainéants. Dans un langage clair et compréhensible par tous, lauteur dresse avec un esprit didactique la nosologie des plaies qui affectent notre système de santé.
Et les torts sont partagés. Côté médical, on ne peut que déplorer la désuétude de lexamen clinique (délaissé pour des explorations souvent coûteuses et parfois hasardeuses) ou encore la sur-prescription qui inscrit la médecine dans un cadre mercantile. Le réquisitoire se durcit lorsque sont abordés le manque de confraternité entre les médecins qui ne fait que fragiliser une profession déjà dans la tourmente-, lego surdimensionné de certains praticiens et la triste réalité de la médecine à deux vitesses. Côté patients, ce nest guère plus reluisant : consumérisme médical, abus des droits et aides en tous genres (transport médicalisé, arrêt de travail, etc.), amalgame des termes « urgences » et « rapidité des soins », la palme revenant à la violence sur soignants.
Certains points gênent toutefois un peu. On peut ainsi déplorer la vision partielle de lexercice en libéral que propose lauteur, qui nhésite pas à tirer à boulets rouges sur ce secteur dactivité. Cette population de soignants, souvent travailleurs acharnés, passe pour une bande de malfrats cupides à qui lon peut imputer tous les torts. La multiplication de la consommation de biens et de soins médicaux, cest eux. Lexercice de la médecine à haut débit pour empocher un maximum dargent en un minimum de temps, cest encore eux. Cette opposition public/privé se montre plutôt simpliste et ne fait pas avancer le débat. Surtout lorsque lon omet dexpliquer que le dépassement dhonoraires est la conséquence directe de laugmentation des procédures médico-légales de la part des patients et de charges écrasantes dont le praticien doit saffranchir (inscription au Conseil de lOrdre, URSSAF, assurance professionnelle sélevant jusquà 20000 euros par an pour certaines spécialités).
De plus, certains constats de lauteur valent pour le cadre spécifique des urgences, mais semblent totalement mal à propos pour dautres spécialités. Le chapitre sur les RTT étonne donc, car si le personnel paramédical (et médical des urgences, visiblement) applique cette mesure à la lettre, il en va différemment pour une partie des médecins : alors que le repos de sécurité en lendemain de garde nest même pas applicable dans certains services au risque de voir leur activité gravement compromise, on simagine mal comment les praticiens (souvent des chirurgiens) pourraient respecter la loi des 35 heures de travail hebdomadaire. Ces spécialités (chirurgie orthopédique, chirurgie viscérale et vasculaire, ou encore neurochirurgie) ne survivraient tout simplement pas à une telle aberration, vaste hypocrisie parfaitement irréaliste. Nous sommes encore loin de la « fonctionnarisation organisationnelle et mentale de la médecine » annoncée par lauteur, tout du moins dans les spécialités sus-citées.
On se délectera tout de même du nombre de dysfonctionnements effarants pointés du doigt par le Dr Haegy, qui énumère dun ton sarcastique et non sans autodérision les accrochages qui constituent le quotidien de linnommable bordel quest un hôpital. Le listing, malgré une gouaille audacieuse, se révèle parfois rébarbatif et aigri (on le serait à moins), animé de combats qui ne sont pas nouveaux et pour lesquels sont proposées des solutions utopistes. Mais na-t-on pas le droit de rêver ?
Parfois insolent donc, souvent politiquement incorrect, le discours amuse et choque, divertit et prête à penser. Louvrage, très personnel, offre un point de vue intéressant sur la médecine daujourdhui, à la subjectivité salvatrice : animé et vivant comme un service durgences un samedi soir, ce travail de simplification permet de comprendre de lintérieur le fonctionnement du système de santé le meilleur au monde. Soi-disant.
Océane Brunet ( Mis en ligne le 09/02/2007 ) Imprimer | | |
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