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La dépression et ses ambivalences | | | Jean-Claude Lachaud Pour en finir avec la dépression Privat - Questions de santé 2003 / 16 € - 104.8 ffr. / 92 pages ISBN : 2-7089-3647-6 FORMAT : 15x21 cm Imprimer
Dans cet ouvrage destiné aux médecins et aux patients ayant à faire face à la dépression, Jean-Claude Lachaud, psychiatre possédant une expérience dune trentaine dannées, propose des traitements «efficaces» contre cette maladie.
Considérée actuellement comme la maladie mentale la plus répandue, la dépression se manifeste par une sorte de «panne» : perte du désir, de lappétit, de la joie ; le sommeil est déréglé, la fatigue prédomine, sous-tendue par langoisse. La personne déprimée ne ressent pas seulement de la tristesse mais aussi du remords et de la culpabilité. Elle a du ressentiment contre elle-même car elle est consciente de sa faiblesse, ce qui peut aller jusquà une impression de déchéance et de ruine. Sous lappellation «dépression» sont regroupées des manifestations variées, allant du simple trouble dysthymique à une forme grave, la mélancolie. On distingue une forme de dépression bipolaire, la maniaco-dépression, ou alternent des périodes de dépression et de manie, et une forme unipolaire où nexiste que la phase dépressive.
Dun point de vue neurobiologique, la dépression est liée à un dysfonctionnement de la transmission synaptique impliquant trois neuromédiateurs : la noradrénaline, la sérotonine et la dopamine, qui jouent un rôle dans léveil, lhumeur et lactivité motrice. Les médicaments antidépresseurs agissent sur un, deux ou trois de ces neurotransmetteurs par des mécanismes variés.
Une origine génétique est attribuée à certaines dépressions : des gènes anormaux présents sur certains chromosomes provoqueraient la maniaco-dépression et la forme unipolaire. Un virus a aussi été identifié, qui génèrerait la dépression chez certaines personnes prédisposées. Dautres dépressions sont dues à des expériences excessives de stress à un âge précoce, qui modifient la biochimie du cerveau. Cette modification peut aussi survenir à lâge adulte suite à une expérience très perturbante comme un accident ou un viol.
J.-C. Lachaud se montre critique à légard des médecins, généralistes ou psychiatres : parfois, ils ne diagnostiquent même pas la dépression, et quand cest le cas, ils ne prescrivent pas toujours de médicaments, se contentant dune écoute «vaine» selon lauteur. Quand un antidépresseur est prescrit, cest souvent sans tenir compte du profil clinique du patient : il ne sagit donc pas toujours de lantidépresseur adéquat. En outre, lauteur reconnaît que les médicaments se révèlent peu efficaces chez les personnes souffrant de trouble dysthymiques, cest-à-dire dune dépression modérée, installée depuis longtemps, caractérisée par de gros troubles relationnels et une forte anxiété. Favorable à lassociation médicaments plus thérapie comportementale et cognitive (TCC), lauteur en déplore la rareté en France, pays qui privilégie l«inefficace» psychothérapie dinspiration analytique. La TCC exige que le patient ait gardé un certain sens des réalités, ce qui exclut de son champ dapplication les maniaco-dépressifs et les mélancoliques.
On retrouve dans cet ouvrage lidéologie actuellement en vogue dans le champ du soin de la maladie mentale, qui sapparente à du réductionnisme neurobiologique : la chimie du cerveau est sur le devant de la scène, on renonce à chercher des solutions sociales aux problèmes sociaux tout en rejettant la «cure par la parole». Ainsi, la propension des femmes «au stress et aux troubles névrotiques» serait due à une sécrétion plus lente de la sérotonine
et pas au fait quune société encore caractérisée par la domination masculine entraverait le bien-être des femmes. Lauteur admet par ailleurs que la précarité touchant certaines familles monoparentales et lisolement chez les personnes âgées sont des facteurs de dépression ; les médicaments peuvent sans doute soulager momentanément ces populations identifiées comme «à risques», mais ils ne touchent en rien la racine du mal
Quant aux psychothérapies, seule lune dentre elles trouve grâce aux yeux de lauteur qui sera sans doute contredit par de nombreux praticiens pour lesquels des personnes légèrement déprimées peuvent grandement bénéficier dune psychothérapie dinspiration psychanalytique, voire dun autre type de psychothérapie.
Le problème nest-il pas que lon use du concept de dépression comme dun fourre-tout, qui englobe aussi bien des cas de sujets psychotiques délirants que des cas de personnes assez équilibrées traversant une période de crise ? Coupé de ses racines historiques (pas un mot sur lhistoire de la maladie mentale !), ce concept ne nous permet pas de comprendre ce qui est à luvre chez des patients aux problématiques aussi variées. Le «tout-médicaments» paraît finalement aussi illusoire que le «tout-psychothérapie».
Mathilde Rembert ( Mis en ligne le 08/12/2003 ) Imprimer
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